LA LUMIÈRE DES ÉTOILES MORTES de John Banville

BanvilleVous pensiez que ce blog était moribond ? Vous n’aviez pas tort. Je viens le réanimer avec un livre de la rentrée littéraire qui est presque un coup de coeur ! Presque… mais il m’a tenue en haleine cet été et dans les circonstances de lecture qui étaient les miennes, je lui en sais gré.

LE PITCH :

Un acteur vieillissant, la soixantaine tristounette, Alex se voit proposer un grand rôle dans un film intitulé « L’invention du passé » avec une célèbre actrice Dawn Davenport qui a l’âge qu’aurait Cass, sa fille si elle ne s’était suicidée dix ans plus tôt. Mais ceci est l’arrière- plan du livre, tout comme son présent avec sa femme Lydia, leurs difficultés à communiquer depuis le suicide de Cass… La focale est braquée sur la mémoire et sur l’histoire d’amour incroyable qu’il vécut à l’âge de quinze ans avec Madame Gray, trente-cinq ans, mariée et mère de son meilleur ami Billy. Présent et passé s’entremêlent de façon subtile sans jamais s’entrechoquer, sans jamais nous perdre surtout et la pudeur du ton, la beauté poétique du style en font une histoire émouvante, majestueuse pour ne pas dire magistrale.

CE QUE J’EN AI PENSÉ :

La mémoire et ce que nous en faisons est au centre de la réflexion de l’auteur, il en fait une proie qu’il traque méthodiquement, en quête du moindre détail de ce qui se passa pendant les cinq mois que dura son aventure avec Madame Gray : « Je n’arrive pas à me souvenir des traits de la femme à vélo avec assez de netteté pour pouvoir affirmer que c’est bien elle qui m’a fourni ma première vision de Vénus Domestica, même si je me cramponne à cette éventualité avec une nostalgie têtue ». Amélie Nothomb a la nostalgie heureuse, Banville, lui, l’a têtue. A partir de là, il va nous retracer les émois de cette première expérience amoureuse avec ses affres et ses flamboyances. Nous assistons à l’éclosion de l’homme qu’il est devenu (ni meilleur ni pire qu’un autre) et combien cette histoire a déterminé des traits de caractère, des « acquis » qui sont restés intacts malgré les quarante ans enfuis, à l’image du souvenir de Madame Gray… L’histoire se passe dans les années 1950 et j’ai la quasi certitude que les jeunes de quinze ans de cette époque avaient une maturité autre que celle de ceux d’aujourd’hui, c’est évident et c’est pour cela qu’il n’y a rien de choquant, du moins à mes yeux (et grâce à la façon dont c’est raconté). Madame Gray reste mystérieuse une grande partie du livre, on s’interroge sur ce qui la pousse dans les bras d’un garçon de l’âge de son fils mais on ne peut s’empêcher d’éprouver de la tendresse pour cette amante juvénile et fougueuse malgré ses trente-cinq ans. Ce qui m’a accroché et ému dans ce livre (passé l’étonnement premier de l’âge du narrateur) c’est la pudeur, le ton de confidence émue et sa prise de conscience du scandale qu’a pu susciter pareille aventure à l’époque, si tant est qu’elle se soit autant ébruitée que sa mémoire le lui suggère…

Quand il parle de son présent difficile avec sa femme Lydia, c’est Cass, qui revient toujours, en filigrane mais obsédante, dans un jeu de miroirs, réfléchissant ce qu’il vécut lui à l’âge où elle mourut. Avec les interrogations douloureuses qu’elle a laissées en se suicidant. Les correspondances qu’il trouve chez Dawn, l’actrice avec qui il va tourner cette « invention du passé ». Car pour lui le passé ne s’invente pas, ne meurt pas avec les disparus, ils se ré-invente peut-être dans la restitution de certains détails mais il laisse au coeur des éclats de verre suffisamment coupants pour ne pas oublier. « Il parlait maintenant de la lumière des étoiles mortes qui parcourt un million (…) de miles avant de nous atteindre (…), si bien que partout où nous posons notre regard, partout, c’est le passé que nous contemplons ». Le passé, pour Alex, demeure un « présent lumineux » où les morts s’animent sans provoquer tristesse ou morbidité. Bien au contraire.

Les dernières pages lèvent le voile sur les « motivations » de Madame Gray et nous la rendent  encore plus fragile qu’elle n’était au moment des faits évoqués. Je n’en fais pas  un coup de coeur car malgré la beauté du texte, je n’ai pas réussi à m’identifier à un seul des personnages, ce qui ne m’a pas empêché de les aimer. J’ai été suffisamment fascinée par cette plongée dans la mémoire, mouvante comme les sables du même nom, cette mémoire qui permet aussi de redonner sens, vie et lumière à ce qui n’est plus en justifiant ce qui est. Pour continuer d’avancer, même dans les tunnels les plus sombres. « Les morts sont ma matière noire, ils comblent imperceptiblement les vides du monde ». Un beau et grand livre porté par une écriture juste, sensible, poétique où la lumière des étoiles continue de scintiller bien après que le livre ne soit refermé…

SUR L’AUTEUR :Banville John

Romancier, journaliste et scénariste, né le 8 décembre 1945 à Wexford en Irlande, John Banville est considéré comme un des auteurs majeurs de langue anglaise. Depuis 1971, il a obtenu plusieurs prix littéraires dont le Booker pour son roman « La Mer ». Il est aussi connu sous le pseudo de Benjamin Black pour huit romans policiers dont trois sont traduits en français. Pour ceux que ça intéresse, voir sa bibliographie, sa filmographie également (et de plus amples détails), ICI.

Des avis élogieux également chez L’Irrégulière, Titine, Nadael. Si j’en oublie, dites-le moi, j’ajouterais votre lien ! D’ailleurs Titine qui connaît bien l’auteur nous a précisé dans son billet qu’il s’agissait du dernier opus d’une trilogie. Pour ceux qui veulent en apprendre plus sur Cass (notamment), et sur les personnages « secondaires » de ce livre, c’est bon à savoir…

Merci aux Editions Robert Laffont pour ce partenariat « choisi » et positif.

La lumière des étoiles mortes de John Banville –  Traduit de l’anglais (Irlande) par Michèle Albaret-Maatsch – 346 p.- Editions Robert Laffont, collections PΔVILLONS,dirigée par Maggie Doyle et Jean-Claude Zylberstein.

EDIT DU 4 SEPTEMBRE 2014 : Bien que ce ne soit pas un coup de coeur intégral (oui comme les casques du même nom, vous savez), je l’entre au Non-Challenge de Galéa dans son rayon « pépites » car c’en est une : un mois après sa lecture, la réflexion de l’auteur sur le temps et la mémoire me poursuit toujours et ça c’est « pépitable » !!!Logo Galéa non challenge 2014-2015

Il entre également dans mon challenge « à Tous Prix » avec le renommé prix espagnol : prix Prince des Asturies 2014 et dans le Challenge Amoureux de l’Irrégulière dans la catégorie « amours de jeunesse » (je viens de l’inventer mais ce n’est pas grave)…logo challengeamoureux4

logo challenge à tous prix

LA POÉSIE DU JEUDI avec William Butler YEATS

Yeats La Rose pour jeudi poésiePour honorer au moins une fois ma participation au mois anglais de Titine, j’ai choisi un poème de Yeats, ce célèbre poète irlandais (une légende à Dublin et dans toute l’Irlande), Les blancs oiseaux, tiré d’un recueil intitulé La Rose, offert par un ami très cher, Edualc pour ne pas le citer et en hommage à une amie qui se reconnaîtra, elle qui aime tant les roses : même s’il n’en est pas question directement, c’était pour la symbolique…! La lecture est exigeante car il y a beaucoup de notes de bas de pages et de références orientales, celtes ou mythologiques… Les poèmes sont tous enchâssés les uns dans  les autres, tendus vers l’unicité si importante à Yeats qui revendiquait sa modernité prosodique tout en disant qu’il était un des « derniers romantiques ». Aucun poème n’est anodin, il s’inscrit dans l’oeuvre à une place bien précise, ourlant de mélancolie un passé disparu, éclairant une zone plus sombre, mais les bras et le coeur ouverts sur l’avenir qui se profile. Un avenir où l’Irlande serait indépendante, où la femme aimée ne disparaîtrait plus pour devenir elle aussi « un grand oiseau blanc », autrement dit une âme morte (en l’occurrence sa Maud, passionaria des guerres d’Indépendance, fut un amour impossible). Merci Claude  pour ce livre qui m’a permis de découvrir la « prosodie » magnifique de Yeats plus avant, c’est un bonheur ! Et je salue aussi Jean Briat, le traducteur qui a respecté le rythme des couplets, des phrases même, tels que le poète les avait conçus. J’ai lu ce  poème sur d’autres sites et la traduction était loin d’être aussi brillante. Lire la suite

R&B – LE GROS COUP de Ken Bruen

gros coup couvR&B : Les initiales de Roberts et Brant, les deux flics qui illuminent d’un soleil noir et opaque cette série de leur langage fleuri, langage qui en donne toute la saveur. C’est ici le premier tome d’une longue série.

Ambiance : un commissariat miteux dans les quartiers Sud de Londres, là où personne n’arrête vraiment les voyous ou alors en utilisant des méthodes à la fois musclées et tendancieuses… Non seulement ils sont borderline nos deux flics allumés mais des petits billets de banque qui arriveraient par-dessous la table ne les effraient pas : chochottes et politiquement corrects, passez votre chemin, nous ne sommes pas dans la caricature mais en plus, encore loin de la réalité qui plombe le quotidien des deux compères… Lire la suite

BEST LOVE ROSIE de Nuala O’Faolain

Best love rosieUne lecture que j’ai terminé il y a une dizaine de jours, 528 pages qui m’ont accompagnée du vendredi au mardi, mais il m’a tellement émue que j’ai attendu que la pression retombe avant d’écrire ce billet… De savoir que c’était le dernier livre de l’auteur décédée en 2008 d’un cancer foudroyant a donné une résonance et une portée aux mots de Nuala O’Faolain. Ce roman est une fiction certes, mais si proche de la vie et des interrogations que l’on a qu’il est difficile de rester insensible… Lire la suite

LES TROIS LUMIERES de Claire Keegan

J’ai lu ce livre minuscule (90 pages) lors de la première heure du Marathon de lecture du 13 octobre dernier et le charme de ces pages m’a fait entrer dans une autre dimension ! En effet, la concision de l’auteure lui permet de dire un maximum, de laisser voguer notre imaginaire avec le talent d’évoquer suffisament en peu  de mots… Lire la suite

LENDEMAIN DE R.A.T : des cernes et un bilan riquiqui !

Maintenant que les marathoniennes récupèrent de ce week-end endiablé photo parlante), Aymeline nous a demandé un bilan : temps passé à lire (oui, avouons que la Page Facebook tenue par les Cheerleaders déchaînées, la une , la deux et Bleue Violette (je n’ai pas ton lien de blog mais je vais y remédier^^), nous a un peu détournés de l’objectif) (mais on a tellement ri !)  !!! Sans oublier Nunzi, notre chatte préférée qui a elle aussi agité ses grelots !!!  En ce qui me concerne le bilan va être vite fait : Lire la suite