L’HUMEUR DU JEUDI

Extrait d’Yves Simon 

Je ne suis pas encore inscrite au « Jeudi c’est citation » de Chiffonnette (je sais, je sais, lente l’Asphodèle…), mais je voulais vous faire partager un petit extrait d’un livre d’Yves Simon. Vous ne connaissez pas ? Mais si, rappelez-vous, ce chanteur ténébreux des années 70-80 dont beaucoup connaissent la chanson du film Diabolo-Menthe de Diane Kurys  (je vous la mets en écoute). Toujours est-il que ce monsieur a aussi écrit beaucoup de livres que j’ai presque tous lus, dont un, Transit-Express (non, ce n’est pas une pub pour un laxatif, oh mais !) où il est question de gens qui voyagent, chacun à leur façon, sur les rails, dans le sens du train ou pas, je vous laisse apprécier ce morceau choisi  :

« Mon dieu, faites que je ne sois jamais un chef avec des sourcils au front et des cigares dans la manche, je voudrais être une petite plume de canard qui vole dans le ciel avec les remous du vent et pouvoir me poser parfois sur une coque de bateau ou une antenne de télévision, jamais je ne voudrais avoir mes souliers collés aux moquettes d’un bureau avec des téléphones et des ordres à donner, mon dieu, faites que je sois pollen, mouche ou planète, je voudrais tant tourner dans le rien. Ou alors, rouler dans des laves chaudes, glisser sur les cailloux des rivières en écoutant tout autour les bicyclettes faire leurs bruits de rayons… je voudrais la nuit, les montagnes, être l’homme qui vole avec les pans de son manteau bleu et que l’on salue comme le « monsieur-qui-passe-toujours ». Mon dieu, faites que je sois un passant. » page 78.

 

Publicité

L’irrégulière ou mon itinéraire Chanel d’Edmonde Charles-Roux

OU LA BIOGRAPHIE DE COCO CHANEL LA MIEUX DOCUMENTÉE…

« Coudre, c’est finalement refaire un monde sans coutures… »Roland Barthes (citation du deuxième épilogue de L’irrégulière).

Et un grand bravo à Edmonde Charles-Roux qui retrace ici presqu’un siècle d’Histoire avec celle de Gabrielle Chanel, après avoir accompli un travail de fourmi auprès d’elle, à démêler le vrai du faux, les mensonges, tout ce que Chanel a toujours voulu cacher sans y parvenir vraiment. Ce livre (paru après son décès en 1971) l’a rattrapée et nous en brosse un portrait de femme, magistral de courage, auréolé de mystères et enfin,  dépassé par sa légende…

Ce « pavé » de 654 pages (dans ma vieille version poche) est idéal pour exalter vos vacances, sous l’écriture fluide mais non moins rigoureuse d’Edmonde Charles-Roux. Malgré quelques longueurs, il se lit comme un roman d’aventures puisque la vie de Chanel n’a été faite que d’aventures, heureuses, grandioses et pitoyables mais qui l’ont menées là où l’on sait… et ce n’était pas gagné !

Gabrielle Chanel naît le 19 août 1883 à Saumur, quasiment dans le ruisseau d’un père cévenol, camelot de son état, volage et instable et d’une mère épuisée par les grossesses , fourbue de suivre cet homme qui ne l’a pas épousée. Elle mourra de tuberculose et de misère à 32 ans, laissant Gabrielle orpheline à 13 ans. Son père, dépassé, les abandonnera, sa soeur cadette et elle, très vite dans un orphelinat corrézien, puis elle connaîtra le pensionnat des chanoinesses de Moulins où elle apprendra la couture. Le sarrau noir qu’elle portait lui inspirera plus tard, en 1926, la fameuse « petite robe noire ». Elle est plutôt jolie et va se retrouver « poseuse » dans un beuglant de Moulins, ville de garnison où elle poussera la chansonnette et « Qui a vu Coco dans le Trocadéro » ne la consacrera pas comme chanteuse mais elle y gagnera son surnom. Repérée par le châtelain Balsan qui lui ouvre les portes de son château et de ses draps, elle commence l’apprentissage de la vie « d’irrégulière », de femme entretenue, celle que l’on n’épouse pas mais qui revendiquera toujours sa liberté malgré cette blessure qui la poursuivra tout au long de sa longue vie. Elle rencontrera chez Balsan,  son seul grand amour, Arthur Capel, dit Boy, d’origine anglaise, ils auront une liaison de huit ans et il ne l’épousera pas non plus, préférant suivre les consignes paternelles et ne pas se mésallier. Mais jamais il ne l’abandonnera et lui prêtera l’argent nécessaire pour acheter son premier atelier du 21, rue Cambon, puis sa boutique à Deauville où elle vend des chapeaux, découvre le jersey et commence à « exploser », aidée de sa soeur, ses nièces pour modèles. En trois ans, elle remboursera Boy.

S’ensuivront les années folles, les rencontres marquantes avec le poète Reverdy (encore un amour qui finira platonique et épistolaire), Jean Cocteau, Diaghilev, Stravinsky, Colette, Picasso et sa chère amie Misia Sert qui lui sera fidèle jusqu’à la mort. Car elle s’est sentie trahie plus d’une fois, la petite Gabrielle et la grande Chanel, abandonnée, humiliée. Mais à chaque fois, elle a opté pour transformer ces humiliations en or, celui qu’elle avait dans ses doigts sans cesse en mouvement. L’âge d’or durera jusqu’à la guerre 1940-45 où là, erreur ! Elle ferme sa boutique de la rue Cambon, licencie tous ses employés et s’installe au Ritz. Elle aurait joué un rôle dans l’Opération Modelhut, initiée par Churchill et De Gaulle,  s’improvisant en Mata-Hari trompe-la-mort ! Mais elle va avoir une relation plus que douteuse avec un officier allemand, Hans Gunter Von D.. A la Libération, décrédibilisée, elle s’exilera en Suisse jusqu’en 1953. Morte Chanel ? Que nenni. Tel un phénix qui renaît de ses cendres, elle rouvre le 21 rue Cambon et dirige son empire de main de maître. Sans jamais entrer en Bourse, gardant peut-être de ses origines paysannes le concept que l’or se garde sous les matelas… L’Amérique qui l’a déjà consacrée dès 1929 en la faisant venir pour habiller Marlène Dietrich ou Greta Garbo dans différents films se précipite à nouveau dans ses boutiques et ses petits tailleurs portés par Jackie Kennedy ou le N°5 par Marilyn Monroe la consacreront définitivement.

Certes, elle a payé cette réussite, elle est toujours restée cette « irrégulière » qui n’aimait pas les autres femmes dont elle était jalouse mais les a libérées de leur corset. Coléreuse, excessive mais généreuse, elle jouait souvent les mécènes auprès d’artistes, refusant que son nom soit cité. Féministe avant l’heure et surtout malgré elle, habituée à la discipline, à l’exigence dès son plus jeune âge, elle ne faillira pas en grandissant, puis en vieillissant. Elle s’éteindra seule, dans une chambre du Ritz où elle vivait depuis trente ans, un dimanche de 1971 à presque 90 ans…

Le regard distancié de l’auteure qui traque ses qualités et ses failles lève le voile sur ce mystère qu’elle a entretenu sa vie durant pour cacher ses origines. Ce livre se lit agréablement et j’avoue en avoir appris autant sur Chanel que sur les différentes époques du siècle dernier. Et malgré quelques « longueurs », nous passons outre et nous laissons vite embarquer dans cette histoire où la réalité dépasse souvent la fiction.

SUR L’AUTEURE, un peu quand même !

Grande dame s’il en est, Edmonde Charles-Roux, née en 1920 se fera remarquer tout d’abord comme infirmière pendant la guerre 40 où elle entre en résistance. Bardée de médailles, elle rejoint la vie « civile » en 1948 pour être journaliste à Vogue Paris jusqu’en 1966 où elle quitte le magazine après avoir fait « scandale », en voulant mettre à la une un portrait de femme de couleur… Trois mois plus tard son premier roman « Oublier Palerme  » est publié et elle obtiendra le Goncourt. Sa carrière littéraire est lancée. Elle est aujourd’hui Présidente de l’Association pour le soutien de la Maison Elsa Triolet-Aragon au Moulin de Villeneuve à Saint-Arnoult-en-Yvelines. En 2010, une médaille de Commandeur de la Légion d’Honneur est venue s’ajouter à celles déjà nombreuses qui ont consacré sa « carrière militaire »… (Source Wikipédia, abrégée..)

ALABAMA SONG de Gilles LEROY

PRIX GONCOURT 2007

Où l’âme de Zelda Fitzgerald revisitée… et réhabilitée !

Gilles Leroy l’a pourtant clamé haut et fort qu’il s’agissait d’une biographie-fiction de l’épouse du célèbre Scott, mais en voyant les biographies des deux protaganistes qu’il a lues, les études qu’il a déterrées sur ce couple mythique, jusqu’à se rendre en Alabama et en Géorgie, y visiter la  maison de Zelda devenue un Musée aujourd’hui à la gloire des deux époux, le seul d’ailleurs qui existe les concernant. Il a senti l’odeur des magnolias,  caressé des yeux la beauté des camélias, l’emblème de l’Alabama, « le trou du cul du monde » fait-il dire à Zelda et que portaient les Belles du Sud dont elle faisait partie,  il a su se glisser dans sa peau, au plus près de ses émotions, de ses révoltes,  et de ses passions, à tel point que beaucoup nous semblent réelles, tout au moins « possiblement » réelles. Vous dire que j’ai aimé ce livre serait un euphémisme, je l’ai lu trois fois depuis 2009 ! Et je vais vous dire pourquoi !

Bien sûr la rencontre passionnée entre Zelda Sayre, Fille de Juge et petite-fille de Sénateur (elle le martèle ironiquement très souvent) et Francis Scott Fitzgerald, jeune officier prêt à partir à la guerre dans l’Aviation est un modèle du genre.  Nous sommes en 1918 à Montgomery, Alabama, elle a 18 ans et lui, à peine plus, 21 ans. Ces deux enfants terribles se reconnaissent, s’attrappent, s’épousent et vont commencer à se détruire. Pas au début, malgré les signes avant-coureurs que sent venir Zelda, l’homosexualité à peine rentrée de Scott, Goofo comme elle l’appelle aussi, son alcoolisme notoire, ses fréquentations de plus en plus douteuses quand le succès est là, entouré de flatteurs aussi veules qu’intéressées, quand elles ne sont pas dans le lit de Goofo… Ils feront la une des journaux à scandale, traverseront l’Atlantique pour vivre un temps à Paris et sur la Riviera, mais les fêlures se transformeront vite en fractures. Une fille est née de cette union, Patricia, et Scott va rapidement mettre la main-mise sur l’enfant, jugeant sa mère indigne de s’en occuper.

Pourquoi trois lectures me direz-vous ? Quand on aime, on ne compte pas, certes ! Non, pas que.. A la première lecture, la construction du livre qui alterne les retours en arrière, puis les incursions dans le futur déstabilise et peut perturber  la compréhension globale malgré, déjà, un attachement certain pour les mots de Gilles Leroy. A la deuxième, tout s’éclaire, prend sa place et j’arrête de souligner les passages magnifiques, c’est trop. La troisième, pour le plaisir, pour m’imprégner tout à fait de cette vie volée, perdue, sacrifiée sur l’autel du despotisme d’un homme qui voulait être seul dans la lumière, allant jusqu’à lui voler ses cahiers où elle écrivait en cachette. Les passages « forward » sont écrits depuis l’hôpital psychiatrique où elle a fini ses jours avec des interruptions malgré tout et ce sont les confessions faites au psy (imaginées « bien sûr ») qui sont majeures dans ces sauts dans le futur.

Zelda aimait la vie, cette vie des années folles, elle aimait danser, elle le répète « danser n’est pas un crime » p.111. Zelda s’est « défaite » trop vite et Scott délité dans le gin, d’ailleurs, ce passage éloquent en dit long  :

« Car le monde nous abime maintenant : ils disent que Scott vieillit trop vite, qu’il grossit, que l’alcool le défigure. Mais que croient-ils les imbéciles ? Ses livres lui passent par le corps, ses romans trop rares et ses textes mercenaires tellement, tellement nombreux. Accessoirement ses livres sont passés par mon corps aussi. (…) Mais non, écrire, c’est passer tout de suite aux choses sérieuses, l’enfer direct, le gril continu, avec parfois des joies sous les décharges de mille volts. »

Car elle écrit Zelda, elle fera paraître des nouvelles dans les magazines sous le nom de Scott au début, puis cachera vite ses écrits. Elle sera internée plus de 25 fois, subira des chocs d’insuline et autres « grâcieusetés » que proposait la psychiatrie de l’époque. En 1932, son seul et unique roman (écrit depuis une énième clinique), « Accordez-moi cette valse » paraîtra ainsi qu’une dizaine de nouvelles dont Gilles Leroy a bien dû s’imprégner pour écrire ce livre… C’est elle qui aurait trouvé le titre de « Gatsby le Magnifique », Scott étant trop saoûl pour s’y intéresser…

Le paradoxe de ce livre c’est avant tout l’intérêt virulent, teinté d’amour piétiné qu’elle vouera à Scott jusqu’à sa mort, le 21 décembre 1940 : « No God today. No sun either. My Goofo died. » Elle souffre, mais ne pleure-t-elle pas plutôt sur les bonheurs passés, leur jeunesse enfuie en s’interrogeant sans cesse pourquoi « ça n’a pas marché » ? Et en même temps elle l’insulte, le harengue tout au long du livre, alternant les passages merveilleux des débuts avec l’enfer d’où elle ne reviendra plus, lui reprochant d’avoir été « le second rôle » dans le couple et dans sa vie en général. En même temps, elle l’a trompé au vu de tous, et avec bonheur !  A sa mort elle décidera « je ne serai pas la femme de Mausole »., tout en le gardant comme « le prince désarmant » de sa mémoire malmenée : « On dit que ma folie nous a séparés. Je sais que c’est juste l’inverse : notre folie nous unissait. C’est la lucidité qui sépare » rejoignant ainsi Scott Fitzgerald qui dira, lui (pas dans ce livre et pour de vrai) : « Chacun de notre côté, nous nous sommes détruits, mais je n’ai jamais considéré que nous nous sommes détruits l’un l’autre. Rien n’aurait pu survivre à notre mode d’existence. »

Chaque chapitre est d’une force magistrale, non, Zelda n’écrivait pas comme cela, certes, mais son âme et les états qui vont avec, lui sont rendus. Je ne peux pas décemment vous citer tous les passages superbes que j’y ai relevé. Lisez-le si ce n’est déjà fait ou relisez-le si vous êtes passés à côté, ne serait-ce que pour avoir un éclairage nouveau sur Scott Fitzgerald himself ! En réhabilitant Zelda, Scott en prend pour son grade et la légende s’écaille, le vernis craque, mais qu’importe, on aime toujours ses oeuvres…

Et personnellement, je dis merci à Gilles Leroy, « ce fut un honneur » de lire le chant du cygne de cette femme déglinguée et admirable, consumée de l’intérieur par un feu brûlant, exacerbé de n’avoir pu en renvoyer que de tristes étincelles en lieu et place des flammes magnifiques qui l’ont consumées. Jusque dans la mort, le feu viendra la chercher dans l’asile incendié où elle périra, huit ans après Goofo,  à tout juste 48 ans… 

 

 

ADIEU à ma petite chienne…

Quel vide glacial et lugubre règne dans la maison. Déjà quatre heures que je  suis revenue de chez le vétérinaire. Il a piqué ma petite chienne Philo qui venait d’avoir douze ans le 16 mars.

Après avoir passé deux jours et deux nuits à la veiller, à espérer qu’elle allait encore se relever et faire un pied-de-nez à son diabète, aux tumeurs mammaires qui la rongeaient et bien non, le cancer, en touchant ses poumons a gagné. Blanchie de chagrin, je l’ai bercée, portée, nourrie à la seringue pendant ces deux jours et ces deux nuits. Jusqu’à ce qu’elle demande grâce, en gémissant pour la première fois de sa vie, pour autre chose qu’un caprice.

Pour l’instant, je me demande comment je vais faire pour ne plus la voir partout, son pas toujours réglé sur le mien, ne plus l’entendre japper à tout moment. J’avais besoin d’exorciser cette douleur qui me noue le ventre depuis deux jours et que mes larmes arrêtent de couler. J’entends encore le vétérinaire de garde (même pas celui qu’elle connaissait, cet étranger me dire : « Vous avez fait le bon choix », ???…, je n’ai pas pu répondre. Je suis repartie, son petit corps encore chaud enroulé dans sa couverture, sous la pluie, une pluie qui roulait sans cesse sur mes joues. Une place l’attend sous le cerisier dans le jardin, où repose déjà un petit pékinois depuis longtemps.

Ce n’est pas une page qui se tourne mais un livre qui se ferme et je ne suis pas près d’en rouvrir un sur le sujet. Ça finit toujours mal…

DIMANCHE POESIE 3-

Parce qu’il est des jours, et pas seulement les dimanches (que je hais comme dans la chanson), où nous prenons conscience avec plus d’acuité que d’habitude que certains êtres chers, en amour, en amitié sont menacés, qu’ils ne resteront pas éternellement avec nous. Nous non plus, d’ailleurs. Mais eux, peut-être partiront plus tôt et quand j’y pense, me vient instinctivement aux lèvres ce poème d’Aragon que chante superbement Jean Ferrat : Que serais-je dans toi ?

Que serions-nous sans ceux qui ont contribué à faire de nous la femme ou l’homme que nous sommes devenus, que même le temps, les ruptures, les séparations, n’ont pu couper le lien qui nous reliait encore à eux, petit fil fragile qui peut se rompre à tout moment.

A tous ceux là (il n’y en a pas beaucoup et ils se reconnaîtront), je leur dis simplement « Merci » et leur dédie cette chanson…

 

DES BLEUS A L’AME DE Françoise Sagan

Ma participation  à la lecture commune avec Delphine (moi) et Anne.

Et de trois ! Texte déjà paru chez Delphine (moi) ci-dessus…

C’est peut-être le livre le plus anxiogène et profond de l’auteure à cette époque donnée de son existence.

Dix-huit ans ont passé depuis Bonjour Tristesse et Sagan a 37 ans, le même âge que ses deux héros, Eléonore et Sébastien, qu’elle a fait revenir de leur Château en Suède, pas tout à fait par hasard…Livre écrit à l’ombre d’elle-même, penchée sur ses abîmes d’où elle tente de remonter. Elle y mettra un an avec une interruption de six mois dans l’écriture.

Au début, la forme du livre qui alterne un chapitre sur deux, le roman et ses confessions acides et douces-amères déstabilise le lecteur. « La petite musique » est grippée et elle-même tousse beaucoup pour retrouver « l’envie de » et échapper à l’ennui, son pire ennemi.

Sagan va nous raconter l’intimité avec ses héros en nous confiant l’intime de Françoise. Sagan est malmenée de tous côtés et veut réhabiliter Françoise. Et c’est dans le dernier chapitre, en rejoignant ses héros, qu’elle laissera enfin partir pour les rendre à leur douce vie de château, qu’elle retrouvera dans ce geste, on le devine, un équilibre provisoire car rien n’est jamais définitif avec elle, sauf la mort dont elle nous donne sa vision dès la page 6 : « La mort, je la vois de velours, gantée, noire et en tout cas, irrémédiable, absolue (…). Ma mort, c’est le moindre mal ».

Dans la partie roman, très brève, Eléonore et Sébastien, trop beaux et trop blonds, frère et sœur siamois jusqu’à l’osmose la plus troublante, inaccessibles au commun des mortels, ignorant et méprisant jusqu’à la notion de travail, incarnent une époque révolue. Désargentés et entretenus, ils donnent de leurs personnes à tour de rôle pour survivre. Ils sont gais, légers et mélancoliques, ils écument les soirées mondaines, jusqu’à l’amant de trop, celui d’Eléonore qui causera le suicide de leur meilleur ami. Et là, terminée l’escapade parisienne : un hasard bienvenu leur permettra de rentrer en Suède. Ils avaient des « principes » ces aristocrates bohémiens ! On sent Sagan à la fois triste et libérée de les quitter (car elle aime ses personnages), ce qui permettra à Françoise de tourner une page de sa vie.

Dans les chapitres-confessions, elle explique pourquoi « eux », héros de Château en Suède. Elle décrypte dès le début comment il lui faut leur donner vie à ces personnages, leur « faire faire quelque chose » qui tienne debout, elle prend le lecteur à témoin, elle tape du poing sur la table : elle en a marre d’être reconnue uniquement pour ses frasques, ses accidents de « tôle froissée », ses problèmes avec le fisc et cette société post-soixante-huit qui commence à devenir « correcte » l’ennuie profondément. La critique l’assassine, systématiquement, elle commencera ce livre en mars 1971, le lâchera pendant 6 mois avant de le terminer en avril 1972 et d’égratigner au passage d’une plume mordante ce qui lui fait mal ; la politique aussi y a droit : elle en a une prescience inouïe quant à son avenir : « Et tous ces crétins qui s’occupent du « peuple », qui parlent du « peuple, avec quelle touchante maladresse dans leur redingote de gauche, épuisante à la fin dans ce souci qu’elle nous donne, à nous qui haïssons la droite, de les défendre, d’empêcher qu’un fou furieux (ou un calme) n’en fasse vraiment -de cette misérable redingote- une loque impossible à mettre ».

Elle ne sort plus, refusant délibérément les invitations en tant « que Sagan », « La Sagan, comme ils disent en Italie ». Elle avoue quand même, que « ce masque » sous lequel on la réduit (vitesse, alcool, boîtes de nuit, mariages, divorces, Ferrari) lui a bien servi car il correspond à des évidences de sa nature profonde : « La vitesse, la mer, minuit, tout ce qui est éclatant, tout ce qui est noir, tout ce qui vous perd et donc vous permet de vous trouver ». Mais qu’il n’est pas incompatible d’être un écrivain sérieux avec toutes les affres que cela comporte (la solitude, la page blanche), de s’engager pour des causes justes ET d’avoir choisi le mode de vie tant décrié qui lui convenait. « Elle avait du recul donc de l’avance sur lui » fera-t-elle dire à Eléonore, petite phrase révélatrice de son propre cheminement…

Et comme dans chacun de ses livres que j’ai lus jusqu’à présent, elle reprend le titre, l’extrait de la p.89, n’est ni plus beau, ni plus déterminant qu’un autre mais reflète superbement l’atmosphère délétère du livre :« Ce ne sont pas les plages qui se dévident dans des décors de rêve, ce n’est pas le Club Méditerranée, ce ne sont pas les copains, c’est quelque chose de fragile, de précieux que l’on saccage délibérément ces temps-ci et que les chrétiens appellent « l’âme ». (…). Et cette âme, si nous n’y prenons pas garde, nous la retrouverons un jour devant nous, essoufflée, demandant grâce et pleine de bleus… Et ces bleus, sans doute, nous ne les aurons pas volés ».

Nous connaissons la suite, mais le passage où elle s’imagine en 2010, avec 74 ans au compteur et des petits-enfants ennuyeux, nous rappelle qu’elle nous a quittés bien trop tôt, qu’elle aurait fait une grand-mère « exquise», que ses lecteurs assidus attendraient impatiemment la sortie du « dernier Sagan » au lieu de ressentir cette infinie tristesse quand on ferme le livre en se disant: « Elle n’est plus là et elle nous manque »…

 

DESIR D’HISTOIRES 23

 Désir d’histoires est un exercice d’écriture proposé par Olivia Billington, anciennement Livvy, et que l’on retrouve

Il s’agit de ma première participation à cet exercice ludique qui consiste à imaginer et écrire une « histoire » à partir de mots imposés : ils sont au nombre de quatorze (dont un facultatif) cette semaine et les voici  : plaine, vent,  printemps, éphéméride, citron, dystopie, renouveau, mardi, impétueux, émeraude, capeline, superbe, charmante  et (popisme, facultatif et non utilisé ici).

LES VALSES ANCIENNES

La musique des valses anciennes montait de la plaine, étalée loin devant lui. Enfin, son souvenir.

Cette année, le vent du printemps portait la mort sur ses lèvres ouvertes, un rire géant de souffleur avide balayait l’éphéméride qui s’envolait de sa poche. Il le serrait fort pourtant. Lundi ? Mardi ? Les jours sans nom se suivaient depuis l’avènement de l’infâme dystopie venue s’abattre sur le monde des vivants. De ce qu’il en restait. Lui ? D’autres ? Où se terraient-ils ces livides survivants d’une époque révolue, les rêves et les corps assassinés, aspirés par le vortex de la tyrannie.

Enseveli dans ses pensées, l’homme, encore jeune, regardait se pencher la vague jaune citron des colzas et des herbes hautes dans cette plaine, immense et superbe qui l’avait vu naître un soir heureux du mois d’août. Sous un chêne, sa mère, femme délicate et charmante s’était accroupie et dans un soupir l’avait mis au monde, la main droite serrée sur le panier de fruits récoltés, l’autre entre ses cuisses pour le tenir, coupant le cordon avec ses dents. Elle aimait lui conter inlassablement ce jour inoubliable des temps passés. Rageur, il finit par jeter au vent sournois l’éphéméride devenu inutile.

Soudain, il s’arrêta. Des yeux dilatés d’émeraude insensée le fixaient à travers les feuillages obscurs, se fondant à eux et glissant jusqu’à lui. Il fallait les suivre, ne pas se retourner, jamais, lui avait dit le vieux prêtre avant de partir du village. Le soleil filtra pour la première fois depuis des mois. Une capeline claire vint se poser à ses pieds, écume blanche d’un flot messager. Le renouveau ? Etait-ce lui, enfin ? Il ne lâchait pas le regard qui continuait sa course liquide. Il se baissa pour la ramasser et, à son contact, un tourbillon le souleva de terre, l’enveloppa tout entier pour l’emmener bien au-delà de l’horizon qu’il interrogeait juste avant…

Il savait maintenant avec certitude qui se cachait derrière ces yeux immenses, un sourire infini éclaira son visage, son coeur cognait à nouveau, cheval impétueux de sa mémoire fourbue, pendant que dans son âme résonnait encore la musique retrouvée des valses anciennes… 

Asphodèle

P.S. : A savoir que le mot DYSTOPIE ne figurant pas dans nombre de dictionnaires classiques, la définition trouvée sur Internet était la suivante : s’oppose à l’utopie, c’est le monde le pire qui puisse être, (type 1984 de Georges Orwell) .

QUELQUES MOTS sur Albert CAMUS…

 

Le printemps s’installe doucement et malgré les gros pamplemousses dorés qui se pavanent sur la carte de Météo France, il fait un peu frisquet et suffisamment doux pour reprendre le chemin du jardin, y planter un fauteuil en osier au soleil ou sous un arbre et pourquoi pas en compagnie d’Albert Camus, cet écrivain, poète et philosophe…pas si inabordable que certains pourraient le croire, au contraire !

Pas question de chroniquer ici un de ses livres, de Noces au Mythe de Sisyphe, en passant par l’Envers et l’Endroit, l’Homme révolté, Les Justes, La Peste, etc. Ni de vous faire un cours de philosophie, juste vous en parler un peu tel que je le garde en mémoire… Parce que c’était un homme avant tout, et qui traduisait sa pensée en fonction de ce qu’il vivait et non l’inverse, à l’inverse de beaucoup de philosophes…

Camus ressemblait aux terrasses orientales de son Algérie natale, un espace vaste, disponible, dépouillé de tout préjugé, prêt à s’éveiller à la conscience de la vie en laissant sa chance à l’instant initial, primitif, tels les premiers matins du monde dont il parle si bien dans Noces : « Hors du soleil, des baisers et des parfums sauvages tout nous paraît futile (…). C’est le grand libertinage de la nature et de la mer qui m’accapare tout entier. » La minéralité brute qui appelle à l’éveil de cette conscience de la vie, en étant au plus proche de l’authenticité chère à son coeur ; sa marque de fabrique, son empreinte indélébile et son regard unique : « Qu’est-ce que le bonheur, sinon l’accord vrai entre un homme et l’existence qu’il mène ? ».

Voilà pourquoi, il me semble, que sa philosophie est avant tout un humanisme de l’existence et non « existentiel » (tel que Sartre en a parlé).

Quand on lui remettra le Prix Nobel à Stockhölm en 1957 et que certains fâcheux objecteront sur son oeuvre, il répètera, inlassablement : « Je crois à la justice mais je défendrais toujours ma mère avant la justice ».

Et pour conclure brièvement, alors qu’il y a tant à développer, on peut dire sans trop se tromper que défendre l’homme prend chez Camus l’ampleur d’une vocation, un destin consacré à lutter contre les habitudes machinales vouées à l’absurde, puis à la révolte et pouvant mener au suicide et les nihilismes en général.

Cet avocat du diable et des hommes, disparu le 4 janvier 1960 au détour d’un virage absurde, contre un arbre non moins absurde, a laissé l’humanité orpheline d’un créateur forcené à la pensée claire et juste qui n’avait pas achevé son oeuvre, elle aussi orpheline d’une grande partie de l’Endroit de sa pensée alors qu’il nous en avait si bien démontré l’Envers…. Ou l’inverse pour d’autres…

Citation : « La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité mais la protection de la minorité « .

Alors, ce n’était pas si difficile la philosophie, avec Camus ?

UNE ETOILE a filé…

Parcequ’Elizabeth Taylor était (aussi) une grande actrice parfois dépassée par sa vie privée, parce qu’elle vient de tirer le rideau dans un souffle qu’elle avait de plus en plus court, que les hommages se multiplient, il était normal que notre ministre de la Culture se fende de quelques mots qui sonnent juste…

LES MERVEILLEUX NUAGES (1961) de Françoise SAGAN

 Ou l’histoire d’une passion dévastatrice jouée comme un thriller psychologiqueQuatre ans ont passé depuis « Dans un mois, dans un an » et nous retrouvons Josée, avec plaisir !

Mais que fait-elle ? Sur une plage de Key Largo en Floride, mariée à un américain ultra-beau ultra-white, et totalement névrosé ? Elle vit une passion, dans toute sa dimension exclusive, morbide et aliénante. Rien qui ne lui ressemble et elle le sait. Elle a la prescience qu’elle doit, qu’elle va quitter cet Alan, ivrogne à ses heures, riche et incapable de faire autre chose que l’aimer, la martyriser, jaloux de son passé, de tout ce qui peut la distraire de lui. « Mauvaise pièce, mauvais film, mais dont l’auteur ambitieux était son mari et elle ne pouvait s’empêcher de gémir avec lui devant son inévitable échec ».

Voilà, le ton est donné, nous savons que Josée veut se sortir de ce guêpier doré mais n’y parvient pas, mettant en avant comme « alibi », la fragilité psychologique d’Alan et surtout, elle se l’avoue sans l’admettre, un peu, à cause de cette irrépressible attirance qu’elle a de lui. Tout au long du livre, c’est « ni avec toi, ni sans toi ».

Au second chapitre, elle rencontre Bernard, le Bernard écrivain qui publie enfin son livre aux Etats-Unis et chouette, ça y est, on se dit, cette fois, elle va quitter Alan pour de bon. Mais non, Bernard, qui est son double au masculin jouera un rôle de tampon et de messager entre les amants terribles, la prévenant du drame qui couve au-dessus de sa vie. Elle n’en peut plus d’être « traitée non comme un être indépendant mais comme l’objet impuissant d’un amour maladif ». Elle reste en s’absentant, dédoublée et doublée par cette passion qui la submerge et l’étouffe.

Elle s’enfuira seule en Normandie, puis, Alan aidé de Bernard la retrouvera à Paris où ils fréquenteront les cercles parisiens chers à Josée. Le cœur n’y est plus pour elle, l’insouciance et la gaieté de sa jeunesse passée l’ont quittée et elle commence à trop boire, non pour l’oublier lui, mais oublier l’erreur qu’est devenue sa vie.

Il est trop tard et nous assisterons à la décomposition de ce couple maudit jusqu’au bout, elle le dit elle-même : « au cinéma non plus, elle ne savait pas partir avant la fin du film»…

Même la fin ne nous convainc pas : se quitteront-ils vraiment cette fois-ci, après qu’elle lui ait avoué l’avoir trompé avec un de ses ex ? Elle lui assure que cette fois « le jeu est fini ».

« Je voulais tout de toi, même le pire » dira-t-il, effondré et « ils restèrent longtemps ainsi l’un contre l’autre comme deux lutteurs exténués ».

Ces merveilleux nuages, titre du poème éponyme de Baudelaire résument très bien l’exclusivité folle de cet amour condamné à mourir  asphyxié, mais Sagan sait comme personne insuffler de l’oxygène quand on croit les personnages en état de catatonie avancée et sa petite musique, légère et obsédante, nous tient en haleine pendant 190 pages, délicieusement excédés , délicieusement envoûtés…

Dans un mois, dans un an de Françoise Sagan (1957)

 

 Challenge Françoise Sagan. ————————Livre déjà Chroniqué chez Delphine qui m’avait généreusement ouvert son blog quand j’étais SDB (Sans Domicile Blog). Pour ceux et celles qui ne l’auraient pas lu, il est toujours disponible !! Et il en sera ainsi pour les deux autres qui dorment encore au chaud chez elle… 

Dans un mois, dans un an est un court roman de 180 pages qui se lisent à toute vitesse malgré une certaine désuétude de l’expression et de la construction. On passe outre, parce que Sagan est incisive, toujours, qu’elle sent d’instinct là ou ça fait mal et que le fond, lui, n’a pas vieilli : on aime, on trompe, on boit, on vit.

Huis clos à sept personnages principaux construit comme une pièce de théâtre où les gens entrent en scène d’un chapitre à l’autre, doucement ou violemment.

Et la violence de la passion, impossible bien sûr, s’incarne dans le couple défait, retrouvé, redéfait par Josée, jeune fille oisive et riche qui dort « par curiosité » aux côtés d’un étudiant en médecine plutôt « bourrin » de prime abord et Bernard, trop marié à la trop fade et fidèle Nicole, qu’il n’aime plus, obsédé par Josée et son livre qu’il n’arrive plus à écrire.

Le couple-pivot du livre, Fanny et Alain Maligrasse qui tiennent salon tous les mercredis après-midi dans leur appartement germanopratin, ne sera pas épargné non plus. A cause de la passion dévorante que voue Alain à « la belle et violente » Béatrice, jeune starlette inconnue et dont les dents restent accrochées aux mollets de ceux qui peuvent servir son ambition. La cocasserie voudra que le neveu d’Alain, Edouard, archétype du provincial naïf, tombe lui aussi amoureux de la belle. Edouard y goûtera jusqu’à l’extase pendant que l’oncle sombrera dans l’alcool et ce, dans l’indifférence générale. Pendant que Fanny, sa douce épouse, blessée, humiliée, préfèrera le laisser se perdre plutôt que de le perdre complètement…

On s’attend, (on espère) à ce que Josée et Bernard finissent enfin ensemble, eux qui se savent « pareils », « il me ressemble, pensa-t-elle, il est de la même espèce que moi. J’aurais dû l’aimer » même si, comme ils le disent, ils sont « des exemples de vie mal faite », « de lâcheté honnête » et qu’ils s’octroient « de petites bassesses » pour se dédouaner de la médiocrité générale qui flotte sur la marmite des couples qui s’éternisent.

En conclusion, ce qui ressemble à un gentil marivaudage mondain devient, sous la plume de Sagan, le jeu cruel des amours éphémères et du hasard capricieux.

Un an plus tard, un mercredi de plus chez les Maligrasse, Bernard et Josée, debout dos au mur, conclueront le livre ainsi :
« Et dans l’ombre, elle lui prit la main et la serra un instant sans détourner les yeux vers lui.
– Josée, dit-il, ce n’est pas possible. Qu’avons-nous fait tous… ?… Que s’est-il passé ? Qu’est-ce que tout cela veut dire ?
– Il ne faut pas commencer à penser de cette manière, dit-elle tendrement, c’est à devenir fou. »
 Ainsi va la vie des héros de Françoise Sagan dans ce livre que j’ai beaucoup aimé. Ces héros sont attachants, légers, élégants, nous offrant un cocktail pétillant qui nous fait monter le rose au coeur… malgré un certain désenchantement propre à l’auteure.

PIEGE NUPTIAL ET DOUGLAS KENNEDY.

PREMIER  roman (1994) de l’auteur écrit après trois Carnets de voyages plutôt réussis. Le début de l’histoire de ce roman a le mérite d’être authentique. Douglas Kennedy voulait connaître l’envers de la carte postale australienne où ne figurent en général que la majestueuse et verdoyante Sydney ou la bling-bling Gold Coast et ses surfeurs blonds et bronzés. Et l’envers, c’est le terrible bush ou l’outback. Cette découverte a été une révélation et une claque K.O debout ! Quand on connaît, et c’est mon cas, je le comprends. Cela a abouti à ce roman déjanté, plein d’humour, mêlant le polar haletant, l’étude sociologique et géographique, véridiques et vérifiables. Le petit village où se déroule l’action, Wollanup, a été rayé de la carte par les autorités australiennes après la fermeture de la mine qui le faisait vivre et le départ des derniers habitants. Douglas Kennedy a véritablement atterri à Darwin en 1991, voulant aller de Darwin (au nord du nord) à Perth au sud du pays pendant 4000 kilomètres de route ininterrompue, de route rouge et poussiéreuse, de désert, de kangourous et de quelques points de ravitaillement toutes les quatre heures. Dans un bar moisi de Darwin, il y entre à 17h et s’aperçoit qu’à 18h30, tout le monde est bourré ; c’est alors que l’aborde une femme d’environ 180 kilos qui lui lance tout de go : « Vous êtes l’homme de ma vie ». Pris de panique, notre courageux Douglas s’enfuira du bar pour reprendre sa route. Là s’arrête l’histoire, la vraie, et là commence le roman. « Celui qui lui aura donné le plus de mal », car le premier. Et incontestablement le meilleur, avec la Poursuite du bonheur ; ça, c’est mon avis très personnel…

SUR LE LIVRE

Nick, journaliste moyen, sans attaches familiales et surtout en rupture de ban avec sa vie, veut découvrir les grands espaces, la liberté. A Darwin il fera l’acquisition d’un vieux minibus Volskwagen et on lui apprendra dans le bar où il vient d’échouer de ne surtout jamais conduire de nuit à cause des kangourous et de leurs yeux brillants, c’est l’accident assuré. On le prévient également qu’il va faire des rencontres très bizarres dans ces espaces déserts. Il en fait fi. Malgré la chaleur accablante, il part à l’aventure. Au cours d’un ravitaillement à une pompe à essence, une belle et plantureuse blonde locale, Angie, le séduit. Il l’embarque, ne pensant qu’à l’aventure bienvenue dans ce nowhere de plus en plus désolé et désolant. Mais la gueuse est nymphomane, use et abuse de lui avec une énergie de « catcheuse » jamais rassasiée. Elle le droguera avec une dose de barbituriques à tuer un cheval et le piège nuptial se refermera sur lui. Commence alors la descente aux enfers, il se retrouve marié dans ce village immonde, sale et « libidineux » (ils ne pensent qu’à « ça » et à picoler !) qu’est Wollanup, peuplé de cinquante-trois âmes aussi dégénérées les unes que les autres (sauf une) atteintes de bêtise crasse, vulgaires et alcooliques. Il y a beaucoup de veuves dans ce village. « L’Amerloque« , comme ne cesseront de l’appeler les habitants, d’abord prostré quand il comprend qu’il est marié contre son gré et « qu’à Wollanup, le divorce est interdit » va réagir et essayer par tous les moyens de s’enfuir. Tout est extrêmement réglementé dans ce trou paumé, la nourriture, les camions frigorifiques qui transportent les kangourous ramassés la nuit jusqu’à l’abattoir où tout le monde (ou presque) travaille, la monnaie locale (la crédoche)pour se payer l’alcool, le tabac et les justes doses de nourriture, évitant ainsi à un système bancaire de s’installer et ôtant aux habitants l’envie de thésauriser… Il finit par comprendre aussi pourquoi il est là et pourquoi tant de veuves, et, bien sûr,  sortir de ce bourbier va devenir sa seule obsession, mais je ne vous dirais pas pourquoi ni comment, je vous laisse la surprise du dénouement.

Sagan disait : « Tout ce qui perd (…), tout ce qui permet de se trouver… »  Si l’ambition était la même chez le héros au départ de Darwin, les moyens d’y arriver, tous aussi loufoques et improbables les uns que les autres vont le ramener à l’absurde. L’absurde d’une vie qu’il a fui pour retrouver une routine pire encore, la routine implacable et bien tricotée qui fait tourner en rond ce monde perdu, ces ignares abrutis et alcooliques existant sans aucun sens commun  de la « normalité » (sauf une). Il a atteint son cul-de-sac personnel. (Premier titre de ce roman et beaucoup mieux adapté, dit en passant).

Ce face-à-face avec lui-même dans un néant abyssal lui fera comprendre que sa vie d’avant, au final, n’était pas si mal et le fera réagir en profondeur également.

Tout sera préférable que survivre malgré lui dans cet univers en putréfaction où la décadence de l’homme commence quand l’humanité s’est perdue dans la minéralité, réduite aux instincts les plus sordides.

SUR LE STYLE et un peu SUR DOUGLAS KENNEDY

C’était mon premier roman de lui (quand je l’ai lu en décembre 2009), alors qu’il « cartonnait » depuis plus de dix ans en Europe, l’Amérique l’ayant « exclus » de la sphère littéraire après le bide d’un de ses romans. Amérique qu’il ne se gêne pas d’égratigner dans tous ses livres. Enfin, surtout sous l’ère de Dabeliou le deuxième…

Il est né en 1955 à Manhattan dans un quartier Upper et huppé, vit entre Londres, Berlin, Paris (il parle couramment le français) et sa maison du Maine, lieu de prédilection cité dans beaucoup de ses romans. Le plus européen des écrivains américains, certainement quand on sait que chacun de ses livres s’écoule à plus d’un million d’exemplaires dès leur sortie. L’homme est très discret sur sa vie privée (et il a raison), n’aime pas les mondanités ni l’argent pour l’argent mais pour les facilités de choix qu’il lui permet…tu m’étonnes !! Il a vécu dix ans en Irlande (75-85 environ) où il s’est essayé au théâtre sans véritable succès. C’est Cul-de-sac qui lancera sa carrière littéraire.

Son style ? Dans cet opus, je l’ai trouvé fluide, haletant, très grossier aussi mais collant avec la réalité qui l’entoure. La critique (pour une fois) a été unanime au sujet de ce livre qu’on ne lâche pas une fois commencé. Bien évidemment, il faut quelques bémols et comme souvent chez lui, je trouve la fin un peu longuette et bâclée mais pas trop ici, on a tellement envie de savoir si le cauchemar va prendre fin que le suspense est maintenu jusqu’à la dernière page. Par ailleurs, l’Australie est le deuxième héros du livre,  il n’y a  pas de romance sur les us et coutumes des bushmen, même si ceux de Wollanup sont plus atrabilaires que les autres. Allez faire un petit tour dans l’outback, oh pas loin, pas aussi loin que « l’Amerloque » et vous verrez comment la bière coule à flots, combien ce peuple peut être sectaire, raciste et inhospitalier . Pas tous les australiens hein ? La majorité du bush oui. Et sans hésiter.

Si vous ne deviez en lire qu’un de cet auteur et dépasser les a priori que vous avez sur lui, n’hésitez pas, il est court (250 pages) et a le mérite de vous faire passer un bon moment.

 

MERCI !

Parce que l’on ne le dit jamais assez à ceux qui nous veulent du bien et que je tenais, ce matin, l’effet de surprise passé, à remercier Nathalie de chez Mark et Marcel de m’avoir consacré un article flatteur, alors que je ne la (les) connais pas !!

Comme quoi la solidarité bloguesque existe aussi, il n’y a pas que de vilaines intentions à rôder parmi nous… Il me reste donc à découvrir ce blog, où j’avoue, n’avoir pas eu encore le temps de fouiner… Mais les dommages seront vite réparés !!

Merci à tous ceux qui m’encouragent, je vais en avoir besoin, et félicitations à Nathalie pour son petit cours de botanique très inspiré et complet, je n’en savais pas autant sur moi !!

Je vais essayer d’en finir avec l’informatique et le côté technique de ce blog-jardin broussailleux, le nettoyage de printemps s’impose, et si je ne publie pas un billet par jour, veuillez m’en excuser… J’ai un rythme de mamy…

Pour y aller, taper : http://chezmarketmarcel.blogspot.com

Quand je vous disais que je n’étais pas à jour, dans la gestion des liens, aussi !!

Asphodèle.

LA PENSEE DU JOUR / Chapitre II

Les pensées refleurissent, elles aussi, dans mon jardin !

Hier, pour inaugurer cette page « Humeurs » qui n’en est pas une pour de vrai, nous avions étrenné l’idée de partager autour des mots avec  : amitié. Aujourd’hui, c’est dimanche, il fait encore calme dans nos vies, enfin je vous le souhaite, le printemps s’est décidé à barbouiller de bleu le ciel et le soleil lui a tenu compagnie.

Mais il n’en est pas de même partout. Le Japon a plongeé dans la fureur des cataclysmes, les pays méditerranéens sont soulevés par la haine des opprimés, aussi, après avoir parlé hier de l’amitié, que penseriez-vous de parler de SOLIDARITÉ ? Pour vous donner du courage, je me lance :

 » La solidarité est la capacité à se motiver face à une situation de crise et d’y participer concrètement. C’est réunir nos coeurs pour tenir la main d’un autre qui est dans le besoin ou l’affliction et l’aider à se relever, pas pour qu’il nous embrasse mais  pour qu’il puisse continuer sa route dignement. C’est de l’empathie puissance mille… » et tant d’autres choses à dire sur ce sujet si riche que je vous laisse la parole !

RIMBAUD ou l’éternelle adolescence…

Parce que c’est comme ça que Rimbaud est resté dans notre mémoire, ce poète précoce de 17 ans, qui a cessé d’écrire très vite et qui à sa mort, à 37 ans était complètement oublié dans le monde de la littérature et de l’édition.

C’est comme ça que je veux me le rappeler, même si le fait de savoir qu’il a fini marchand d’armes et d’ivoire ne me plaît guère…

Je préfère me remémorer ou relire Le Bateau Ivre, Sensation, Les Étrennes des Orphelins,  les Assis et aujourd’hui : Ma Bohème… que je dédie à un grand adolescent de 24 ans prénommé Boris et qui se reconnaîtra s’il passe par là… Ça dit quoi Ma Bohème ? Des vers que vous connaissez certainement mais qu’on ne se lasse pas de lire encore et encore :

 

Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées;

Mon paletot aussi devenait idéal;

J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal;

Oh ! là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !

 

Mon unique culotte avait un large trou.

– Petit Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course

Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.

– Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.

 

Et je les écoutais, assis au bord des routes,

Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes

De rosée à mon front comme un vin de vigueur;

 

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,

Comme des lyres, je tirais les élastiques

De mes souliers blessés, un pied contre mon coeur !

 

 

 

 

 

PENSEE D’UN JOUR, pensées pour vous…

Il existe une page « Humeurs » sur ce blog que je n’arrive pas à faire fonctionner, et oui, quand je vous disais que ce n’était pas fini… Mais on ne va pas se laisser dépasser par la technique non ? Bonne humeur, mauvaise humeur, là n’est pas le sujet.  Parce que je vous ai expliqué dans mon article précédent pourquoi j’aimais écrire, je trouve dommage de s’arrêter là et tant pis si la page « consacrée » ne fonctionne pas, nous nous débrouillerons autrement. Je disais aussi que les mots étaient une passerelle nous permettant de nous rejoindre pour communiquer, échanger, partager. Le but est donc, pour celles et ceux qui le souhaitent (via les commentaires) de donner leur impression sur un mot, une image, au fil du jour et des jours à venir.

Lors de l’élaboration de ce blog, j’ai constaté, avec étonnement je l’avoue, l’amitié et la solidarité qui existaient entre nous, même virtuellement. Et pour rendre hommage à celles qui y ont contribué, pour le CHAPITRE I, je voulais commencer par ce si joli mot : AMITIÉ. Qu’en pensez-vous ? je ne vous demande pas un poème ou une définition élaborés, juste votre ressenti à ce propos. Et pas d’excuses pour celles et ceux qui se prétendent « nuls » en écriture, je ne suis pas là pour juger mais pour écouter et partager. Allez j’ouvre le bal :

« L’amitié commence par une rencontre qui va s’ancrer dans la complicité pour pouvoir durer, et non sur des sables mouvants. C’est un souffle joyeux, consolant, généreux, attentif qui balaie nos chagrins et nos doutes. C’est une porte qui reste ouverte jour et nuit pour ceux que nous aimons, et qui se referme sur le « copinage » volatile, superficiel, inconsistant et souvent teinté d’hypocrisie… L’amitié, c’est gratuit avant tout, c’est une valeur qui s’entretient pour pouvoir durer et survivre sans compromis ni justifications. Cela doit être une évidence pour être. »

POURQUOI J’AIME ECRIRE ?

Après le « Pourquoi j’aime lire ? », où je vous avais confié de façon succinte pourquoi j’aimais lire, il me paraissait normal de vous avouer que j’aimais également écrire . Pourquoi ?

Je vous citerai, en apéritif, cette réflexion de Jules Renard qui en vaut bien une autre : « Ecrire est une façon de parler sans être interrompu »… Mais pas seulement….

Parce qu’écrire est une façon différente de prendre la parole, de s’adresser à autrui ou simplement à soi-même avec des mots qui, en quittant la sphère de l’oral prennent une autre dimension.

Parce qu’écrire c’est poser des mots sur notre pudeur en essayant de la désinhiber.

Parce qu’écrire, c’est être au plus près de nos émotions, de nos sentiments, pouvoir les saisir et les retranscrire pour qu’ils ne meurent pas.

Parce qu’écrire c’est la liberté de pouvoir inventer toujours et encore des histoires informulées, en laissant un droit de parole à notre imaginaire.

Parce qu’écrire c’est comme un souffle qui vient se poser sur nos murmures les plus intimes, les plus secrets en espérant qu’un jour, ils s’envolent et deviennent des soleils pour ceux qui les liront.

Ecrire c’est  savoir qu’un mot peut tout changer mais aussi tout détruire en une fraction de seconde, les mots ne sont pas que des rimes poétiques et fleuries, ils sont parfois chargés de violence comme les fusils des guerriers et il faut y prendre garde…

Les mots sont aussi et tant mieux cette passerelle entre les hommes qui nous permet d’échanger, de rire, d’aimer, d’écouter ou de nous taire.

Parcequ’écrire peut être aussi vital que lire dans une forme de complémentarité indivisible. Mais non obligatoire et systématique…

Et enfin, parcequ’écrire c’est mettre en lumière un rempart contre l’oubli insupportable, l’oubli du temps qui fane, du temps qui efface ces empreintes fragiles que sont les mots, bruissants de souvenirs trop vite enfuis. Alors nous pourrons regarder en face tout en nous retournant, notre mémoire revenue, nos espoirs d’hier et nos illusions déçues ; mais aussi nos rêves réalisés, les soirs d’été dans un jardin et l’amour qui est resté…

Pour tout cela et plus encore…

J’en profite pour confirmer ici à Livvy de Désirs d’histoires ma participation à son « jeu » qui commence le mardi pour finir en texte, le vendredi, chez les participantes et chez Livvy, il va de soi ! Je n’ai pas encore la technique pour importer son logo, mais ce devrait être fait dans la semaine à venir.

L’Attrape-coeurs ET la légende SALINGER…

ATTENTION ! Si vous n’avez pas encore lu ce livre, n’allez pas plus loin, il est disséqué de façon médico-légale…

Ce livre, « le plus lu au monde » (60 millions d’exemplaires écoulés à ce jour) depuis sa parution en 1945, récolte bien souvent les mêmes critiques et la 4ème de couverture de Jean-Louis Curtis dans la version Pocket (ci-contre) pourrait se suffire à elle-même, sauf si une « trublionne » comme moi n’en avait décidé autrement… N’ayant lu ce livre QUE très récemment (bah oui !), je cherche toujours à savoir après-coup s’il en existe d’autres de l’auteur et à en apprendre plus sur ledit auteur. Avec J.D. Salinger, je suis tombée sur un gros « nonos ». Mais l’homme ayant tiré sa révérence le 28 janvier 2010, on a reparlé beaucoup de lui dans la presse et ailleurs, pas toujours de façon élogieuse comme aurait pu le laisser supposer sa légende atypique auréolée de mystère. Je vous dirai donc tout -ou presque- de ce que j’ai récolté à son sujet, en sachant qu’il est difficile de dissocier l’homme du livre, voire de « l’oeuvre »…

SUR LE LIVRE

« The catcher in the rye », titre original, si l’on traduit littéralement donne « L’attrapeur de seigle » (?), oui, mais encore ? Dans les dernières pages nous saurons enfin pourquoi ce titre. Commençons par le début !

Livre écrit à la première personne par le héros ou plutôt l’antihéros, Holden Caulfield, 17 ans, fils d’une famille huppée de Manhattan qui décide, trois jours (deux et demi en fait) avant Noël de s’enfuir de son pensionnat « chicos » et déprimant pour vivre une fugue échevelée où il nous fera partager ses aventures cocasses en se penchant vertigineusement sur sa vie, son mal-être, les liens qu’il entretient, tant avec l’humanité pensante qu’avec le monde trop bien-pensant qui l’entoure et dans lequel il ne trouve pas de place, un monde où ses rêves les plus fous s’exauceraient, où il n’aurait pas à devenir adulte, la clé du livre étant là (à mon avis).

Dès le départ, il prend le lecteur à témoin : « Si vous voulez vraiment que je vous dise, alors sûrement, la première chose que vous allez demander c’est où je suis né, et à quoi ça a ressemblé ma saloperie d’enfance (…) et toutes ces conneries à la David Copperfield, mais j’ai pas envie de raconter ça, et tout. «  Cette façon de nous prendre  en otage, dans un langage familier et souvent très cru peut désarçonner, agacer ou faire sourire, moi j’ai souri, car tout sonne vrai, ce langage renforce la subtilité fragile des pensées de Holden, les appuient d’un regard encore plus acerbe, aigü et critique. Il se positionne d’emblée en deçà de la société, il nous fait comprendre qu’il n’est pas comme tout le monde, il n’aime pas le cinéma et « la guimauve », la guerre, les conflits, le foot, bref tout ce qu’un ado a priori aime. Mais il lit sans arrêt, nous partageons ses lectures, ses goûts et ses dégoûts pour les auteurs, ainsi : « Je lui ai dit que j’aimais Ring Lardner et Gatsby le Magnifique, et tout. C’est vrai. J’ai adoré Gatsby le Magnifique. Ce vieux Gatsby. Un pote. Ca m’a tué ». Mais aussi Emily Dickinson, Somerset Maugham où dans un passage drôlatique il nous explique qu’il aimerait bien entrer en contact avec les auteurs qu’il aime, mais pas Somerset Maugham…

Trois jours (ou deux et demi) d’errances décalées où il va se frotter de plus près au monde des adultes, « jouant » plus à l’adulte qu’autre chose : l’alcool, une prostituée à qui il ne fera pas grand-mal mais qu’il paiera, des filles moches (sauf une) draguées dans le bar de l’hôtel miteux où il a posé ses valises, retardant le moment de regagner le domicile familial et la réalité. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir ce genre de réflexion mature et désenchantée : « L’homme qui tombe, rien ne lui permet de sentir qu’il touche le fond. Il tombe et il ne cesse pas de tomber. C’est ce qui arrive aux hommes qui, à un moment ou un autre durant leur vie, étaient à la recherche de quelque chose que leur environnement ne pouvait leur procurer. Du moins, voilà ce qu’ils pensaient. Alors, ils ont abandonné leurs recherches. Avant même d’avoir vraiment commencé. » Et c’est ce qui va se passer pour lui à la fin de son trip-moavie déjanté, quand il rejoint en cachette sa petite soeur adorée, Phoebé pendant la deuxième nuit alors que dorment ses parents. Phoebé, enfant de dix ans, merveilleuse de douceur et d’intelligence avec qui il aura cette discussion débridée qui justifie le titre du livre :  » – « C’est si un corps rencontre un corps qui vient à travers les seigles », c’est un poème de Robert Burns ( grand poète écossais )(…). Là j’ai dit : « Je croyais que c’était « si un coeur attrape un coeur ». Bon. Je me représente tous ces petits mômes qui jouent à je ne sais quoi dans le grand champ de seigle. Et tout. Des milliers de petits mômes et personne avec eux -je veux dire pas de grandes personnes- rien que moi. Et moi je suis planté au bord d’une saleté de falaise. Ce que j’ai à faire, c’est attraper les mômes s’ils s’approchent trop près du bord. Je veux dire s’ils courent sans regarder où ils vont, moi je rapplique et je les attrape. (…) Je serais juste l’attrape-coeurs et tout. D’accord c’est dingue, mais c’est vraiment ce que je voudrais être. Seulement ça. »

Alors bien sûr, il ne sera pas « ça« , nous comprenons à la dernière page (qui rejoint la première) qu’il écrit ce livre depuis un hôpital psychiatrique où il se « retape » car il était « trop esquinté ». Il est loin d’être lâche  ce gamin et nous on ne le lâche pas jusqu’à la fin prévisible et triste à mourir, mais qui sonne vrai, car nous sommes dans la vraie vie et la vraie vie, ce n’est pas toujours gai. Surtout pour un adolescent qui s’est cherché sans se trouver, refusant de sauter de la falaise pour entrer dans l’âge adulte. livre de l’adolescence meurtrie et thème universel. Le seul bémol que je pourrais émettre, serait que la traduction, pleine de charme il est vrai pour ma génération (plus de 40 ans) n’est pas à jour dans l’argot familier d’aujourd’hui et semblera un peu désuète à certains. Personnellement, ça ne m’a pas dérangé !

SUR L’AUTEUR : mon enquête !

Unique roman publié de Jérôme David Salinger, sauf quelques recueils de nouvelles ou très courts romans (Franny et Zoë, Nine Stories, Charpenters…). Après le succès phénoménal de l’Attrape-coeurs, Salinger se réfugiera dès 1950 dans son « bunker » de Cornish dans le New-Hampshire et n’accordera jamais d’interviewes, ni ne voudra communiquer avec ses fans, alimentant ainsi la légende. Ce qui fera dire à Norman Mailer : « Salinger est le plus grand esprit à être resté à jamais au collège ».

Cependant, une dizaine de photos prises chez Getty (ci-dessus) sont restéés et nous constatons qu’il y « pose » volontairement glam’ et charmeur.  Le paradoxe Salinger ?

A un voisin, il aurait confié avoir écrit plus de 15 romans soigneusement enfermés dans son coffre-fort, prétendant qu’il ne s’arrêterait jamais d’écrire mais ne le ferait que pour lui. Parano Salinger ?

Cette légende s’éffrite de plus en plus quad des proches, l’ayant côtoyé de près, le décrivent tous comme un homme tyrannique, excentrique, à l’ego surdimensionné. Mégalo Salinger ? 

En 1988, Joyce Maynard, de vingt ans sa cadette (au moins)  vivra une aventure de huit mois avec lui  et a sorti un livre cette année, retraçant leur relation houleuse,  où elle le décrit comme un homme autoritaire (vous trouverez le titre chez Anne « De poche en poche » qui recense pour nous toutes les sorties. Merki Anne!).  Un peu barré Salinger ?

En 2000, sa propre fille Margaret publiera un récit-témoignage, intitulé « L’attrape-rêves » où elle dit de lui que « c’était un homme tyrannique buvant sa propre urine ». Info, intox ou pathétique réalité ?

Et enfin, la fameuse « photo volée » du Figaro, reprise dans le monde entier et qui inspirera ce commentaire au journal Libération : « Il figure en vieil homme révulsé, et menaçant de son poing le voleur d’âme qui l’avait probablement prise à son insu ». Voir ci-dessous :

Pour conclure sur un clin d’oeil, un autre provocateur, Bret Easton Ellis s’est empressé le jour même de sa disparition, de lancer ce Tweet qui a fait lui aussi le tour du monde en clamant :  » Super ! Enfin, il est mort ! Merde, j’ai attendu cet instant depuis toujours ! Champagne ce soir ! » Il aurait même ajouté qu’il irait danser sur sa tombe. Il faut dire qu’on l’avait comparé à Salinger à la sortie de son « Moins que Zéro » et que la suite, « Suites Impériales » étant à paraître quelque temps après, l’occasion de se faire un coup de pub était trop belle.

Peut-on dire aussi que cette « légende » aux ailes d’albatros faisait trop d’ombre à la littérature américaine et à certains auteurs de la « beat generation » ? Peut-être, peut-être pas, je retiendrai de tout cela que les légendes ne sont pas toujours des contes de fées et que tout compte fait, mieux vaut être un adulte accompli qu’un adolescent précoce, certes, devenu pitoyable de ne pas vouloir grandir. Et tout, et tout…

HOMMAGE A UNE FEMME SAVANTE

Je sais, je sais ! Vous allez me dire que Jacqueline de Romilly, ce n’est pas très fun comme sujet ! Et bien vous  avez tort…

Avant d’avoir vu son portrait dans le cadre de la série Empreintes sur France5, Jacqueline de Romilly restait pour moi un souvenir de lycée obligatoire quand on a choisi la filière Lettres avec Grec et Latin en options. Depuis ce portrait saisissant donc, qui m’avait captivée et convaincue que cette femme était dotée d’un charisme extraordinaire, je me suis intéressée de plus près à ses oeuvres et surtout à son parcours.

Helléniste de renommée internationale, philologue, ayant enseigné à La Sorbonne puis au Collège de France, Académicienne, auteur d’essais, de pamphlets mais aussi et on le sait moins de romans à la fin des années 1980, la Grèce était sa patrie de coeur. Née en 1913, elle a obtenu un nombre incroyable de diplômes jusqu’alors réservés à la gent masculine. Elle s’est battue bec et ongles toute sa vie, bien que devenue aveugle et le corps perclus de douleurs, pour la diffusion de la culture. A force de pugnacité, de volontarisme militant pour que ne meurent pas les belles Lettres, elle s’est imposée avec maestria et intelligence.

Parmi sa bibliographie impressionnante, son célèbre pamphlet « Nous autres professeurs », le « Pourquoi la Grèce » et autres romans de vulgarisation plus accessibles à tout un chacun tels « Alcibiade », « Hector » ou « Le sourire innombrable »…

Ce que je ne savais pas, c’est qu’ayant perdu son père en 1914 à lâge de un an, sa mère Jeanne-Maxime David (nom de plume) née Jeanne Malvoisin s’est battue férocement pour lui ouvrir les portes de l’éducation et du savoir. Contemporaine de Chanel et de Colette (et d’autres), elle était moderne, raffinée et batailleuse. Elle devint dès 1939 une romancière reconnue et estimée par la critique.

Il est donc normal que Jacqueline ait voué un amour sans failles à cette mère exceptionnelle, lui dédiant un roman, « Jeanne », écrit en 1978, un an après son décès en faisant promettre à son éditeur de ne le publier qu’après sa disparition.

C’est chose faite puisque cette grande dame nous a quittés le 18 décembre 2010, à 93 ans, et que les Editions Fallois sortiront « Jeanne » le 23 mars prochain. Il est déjà noté dans mon carnet moleskine, malgré son prix élevé (19,50 € ) ! Peut-être vous en parlerais-je un de ces jours ?

Pour vous donner une idée de LA personnalité de Jacqueline Worms de Romilly, voici ce qu’elle disait au magazine Le Point en Janvier 2007 :

« Apprendre à penser, à réfléchir, à peser les termes de son discours, à échanger les concepts, à écouter l’autre, c’est être capable de dialoguer, c’est le seul moyen d’endiguer la violence effrayante qui monte autour de nous. La parole est le rempart contre la bestialité. Quand on ne sait pas, quand on ne peut pas s’exprimer, quand on ne manie que de vagues approximations, comme beaucoup de jeunes de nos jours, quand la parole n’est pas suffisante pour être entendue, pas assez élaborée parce que la pensée est confuse et embrouillée, il ne reste que les poings, les coups, la violence fruste, stupide, aveugle. »

Aveugle peut-être, mais elle ne naviguait pas à courte vue !! Ce discours pourra sembler « élitiste » à certains, mais je vous assure que derrière ce regard flou et intelligent se cachait aussi une grande humaniste…

 

Après-midi, déballage de cartons !

Ou quand l’ouverture d’un blog fait avancer les choses !

Comme certains(nes) le savent maintenant, j’ai déménagé il y a un an et demi mais des problèmes de santé (handicapants et récurrents) m’ont empêchée de mettre à jour ma bibliothèque plutôt conséquente… D’autant que la maison est plus petite que celle occupée précédemment.

La perspective, dans un premier temps, de l’ouverture de ce blog, puis sa concrétisation ont fait qu’il a fallu que je me bouge le popotin, enfin en sachant raison garder…

Tous les mardis après-midi, j’ai droit à deux heures effectuées par une aide-ménagère, sympathique, costaude et pleine de ressources. Donc, cet après-midi encore, je lui ai fait monter trois cartons énoormes de livres en tous genres du garage à l’étage de la maison ! Quel bonheur de retrouver certains ouvrages oubliés dans de vieilles éditions, d’autres  jamais lus (pour beaucoup des cadeaux, certains empoisonnés avouons le !).

Je vous laisse admirer, si le terme est adéquat, le résultat et la perspectives de six piles d’environ dix à quinze livres qui attendent mes petites mimines pour trouver une place !

Belle occasion bien sûr, pour en rajouter dans la PAL et l’éventuelle future LAR…

Mais ce n’est pas fini, il reste encore cinq cartons dans ce garage qui n’en est plus un depuis longtemps, pour vous confirmer que ce n’est pas cette semaine encore que ma PAL sera définitive. D’ailleurs le sont-elles un jour ces maudites PAL ???

Lors de ces remises à jour, peut-être certains auteurs (pas sur les photos un peu nulles) trouveront-ils un écho chez plusieurs d’entres vous ?

Ne me tentez plus, siouplaît, le plancher va finir par céder !! Merci de votre attentive compréhension…