Voici les 27 participants (moi comprise^^), par ordre d’arrivée des liens : Violette Dame Mauve, Marlaguette, Carrie K., Soène, Gwen, Nunzi, Valentyne, Mind The Gap, Solange, Merquin, Olivia, Célestine, Eeguab-Modrone, Lucie38, Laure, Jean-Charles, Jeanne (le retour^^), Coralie, Oncle Dan, Cériat, Lilou Soleil, Pierrot Bâton et Mon Café Lecture (à partir de midi). Patchcath et Sharon
Et Catherine, en retardataire ! Et LA PLUME ET LA PAGE, ce dimanche 03/03/21013.
Les mots imposés sont : obsession, fruit, calvaire, égarement, film, érotique, feu, intense, gouffre, fusionnel, folie, rouge, vertige, fulgurance, dément, délicatement, danser.
Et mon texte ci-dessous
UNE TRAÎNÉE BLANCHE DANS LE CIEL
C’est à la fin du jour qu’elle m’avait donné rendez-vous à la terrasse d’un café dans un village perdu. Je la regardais avancer, droite et élancée, elle traversait la place de son pas ample et lent. À contre-jour, je ne distinguais que les contours de cette silhouette fragile que je n’avais pas revue depuis quinze ans. Comment survit-on à quinze ans d’oubli, de solitude et de néant ?
Je repensais à son visage d’alors, décliné à l’infini sur les couvertures de papier glacé des magazines du monde entier. Nous nous retrouvions sur les vols de ma compagnie aérienne . Après avoir signé des autographes, serré des mains avec un sourire imperturbable, elle me rejoignait dans la cabine de pilotage. Son regard intense couleur d’eau pâle, subtilement turquoise lui amenait des contrats mirobolants. Jusqu’au jour où…
Je sortis des brumes du passé, elle était là devant moi. Ses cheveux dansaient en boucles de feu dans l’or du soir ; elle m’embrassa, me serrant les bras comme si elle venait de trouver enfin un appui, une consolation. Le temps l’avait à peine effleurée, des petites griffures ensoleillaient son beau visage mais je ne retrouvai pas la fougue, l’élan qui donnaient à ses gestes une allure délicatement fantasque.
Un silence préoccupé s’installa un court instant, nous nous observions, intimidés et malgré nous distancés par le gouffre de ces quinze dernières années. Je me sentis dément à rester là sans rien dire, le coeur fourbu par l’obsession que j’avais d’elle. Cette folie qui me renversait chaque fois que son souvenir emplissait l’espace. J’étais à terre depuis sa disparition. Avait-elle tourné ce film érotique que personne n’avait jamais vu ? Moment d’égarement ou salissure volontaire de jaloux ? Elle n’avait pas supporté la tache et la calomnie.
Par-dessus la table, ses yeux me suppliaient de commencer. Elle commanda deux boissons chaudes sans me demander mon avis en jetant un regard furtif aux deux hommes en noir qui venaient de s’accouder au zinc.
Elle finit par me dire d’une voix légèrement fêlée qu’elle n’avait revu personne depuis…vraiment personne. Ses mots vinrent mourir au bord du fruit ourlé de ses lèvres et une fulgurance douloureuse raviva enfin les battements de mon coeur arrêté. En un instant, nous retrouvâmes notre complicité fusionnelle, nos mains mêlées qui jouaient avec les mots que nous ne disions pas. Je sentis le délicieux vertige qui m’attirait vers son visage, comme un aimant, je ne voulais pas que cela s’arrête. L’abîme avec elle ressemblait à l’éternité. Et je voulais tomber dans ses bras, la garder contre moi, que jamais plus ne reviennent ces années perdues.
Soudain, je la sentis mollir, les hommes au bar sortirent, écrasant leurs mégots à même le sol. Une tache rouge s’élargissait sur la corolle blanche de son chemisier ; elle eut juste le temps de me dire : »Sauve-toi, ce n’était pas une bonne idée ».
Je n’ai pas pu me sauver ni la sauver. Et lui survivre est mon chemin de croix, un calvaire solitaire croisé chaque matin sur le bord des routes où je jette en passant un bouquet de fleurs des champs. Je gueule parfois mais ne me revient en écho que l’implacable silence des tombes.
Je suis un vieil homme aujourd’hui. Les avions décollent sans moi depuis longtemps mais j’aime à croire, quand passe un sillon blanc dans le ciel que c’est elle qui file ainsi au vent du temps, étoile perdue au firmament, son immense regard d’opale éclairant mon crépuscule que je contemple avec les yeux rougis de l’automne…