Zelda Fitzgerald a déjà fait couler beaucoup d’encre, parce qu’elle était la femme de Francis Scott Fitzgerald, chef de file de la Beat Generation, des Enfants du Jazz, qu’elle était excentrique, intelligente et qu’elle connut un destin tragique . Et puis, contrairement à Hadley Hemingway, Zelda a vraiment participé à l’élaboration de l’oeuvre de son époux tout autant qu’à leur légende. En essayant d’exister. C’est là que les choses se sont gâtées.
L’auteur a beau avouer que ce livre est né « de l’estime et de l’affection qu’elle porte à la fois à Zelda et à Scott », il n’en reste pas moins un plaidoyer en faveur de Zelda, entre faits biographiques avérés et roman. La frontière ici est très mince tant on y retrouve d’évènements basés sur des correspondances bien réelles. Non pas une « réhabilitation » romanesque comme l’a fait en 2007 Gilles Leroy avec Alabama Song mais un roman, qui s’appuie largement sur les documents auxquels T.A. Fowler a eu accès, notamment les volumineuses correspondances des deux intéressés, celle de Scottie, leur fille et « sa » Zelda » colle au plus près de la réalité recueillie dans ces investigations. Therese Anne Fowler reste objective et on ne peut s’empêcher de penser que Scott Fitzgerald malgré ses idées progressistes était resté très 19ème siècle quant à l’idée qu’il se faisait du rôle de la femme dans un couple et Zelda, ayant grandi dans un certain conservatisme malgré ses frasques, n’a pas su se révolter ou le quitter. Par amour ? Par manque de confiance en elle ? Sûrement un peu des deux…Avoir été une « flapper », ces femmes modernes des années 20, comme le dira Scott plus tard n’aura servi qu’à « faire vendre« , certainement pas à s’émanciper. Ce n’était qu’un écran de fumée de plus.
La jeunesse, les dix premières années de vie commune du couple sont plus détaillées que la fin de leur vie , crépusculaire s’il en est… Il est vrai que les années folles passionnent et c’est avec elles qu’ils ont grandi avant de vieillir trop vite, lui rongé par l’alcool et elle par les traitements infligés aux malades mentaux à cette époque. Et pourtant, tout avait avait si bien commencé !
(Ci-contre, à droite, ©Zelda à 17 ans, à Montgomery, Alabama).
Zelda Sayre est née en 1900 dans une honorable famille de Montgomery en Alabama, elle est la cadette des filles du juge Sayre, celle à qui l’on passait tout. A 17 ans, la belle du Sud qu’elle était a déjà fait pleurer les garçons de Montgomery et quand elle croise le regard du jeune officier Fitzgerald, en 1917, engagé dans l’aviation pour faire la guerre, le coup de foudre est immédiat. Mais Zelda est une enfant, Zelda aime jouer et après avoir annulé son mariage avec Scott, trop pauvre, elle acceptera de l’épouser s’il devient un grand écrivain. Une semaine après la publication de L’Envers du Paradis, le 3 avril 1920, elle l’épouse à New-York, en grande pompe, à l’église Saint-Patrick. Elle a 20 ans, lui 24 et le début d’une folle vie de fêtes, de voyages commence. Ainsi qu’une grande histoire d’amour. On oublie trop souvent que malgré les tensions, les disputes, les séparations, ils se sont aimés jusqu’à la mort de Scott en 1940.
Leur fille, Patricia Frances dite Scottie naîtra un an plus tard, en 1921 et ils s’embarqueront pour la France dès 1924. Paris, est the place to be pour devenir un écrivain reconnu. Mais très vite, ils choisissent la Riviera, Antibes, Saint Raphaël, entre autres… Scottie est élevée par des nounous pendant que ses parents se perdent en fêtes, débauches d’alcool, de toilettes et d’argent, alors même que Scott est très vigilant sur ses comptes. Il a souffert de la pauvreté, il déteste les riches du moins ce que « les riches font de l’argent » et vivre comme un prince est une revanche sur une enfance et une adolescence faite de privations (et de vexations). Mais il faut écrire pour maintenir le standing, envoyer des nouvelles entre deux romans, des nouvelles qui rapportent davantage le plus souvent en paraissant dans des journaux connus. Très vite, Zelda se lasse de la cour de parasites qui entoure Scott, une cour qui l’encourage à se noyer dans le gin chaque jour un peu plus (il n’en a pas vraiment besoin, il sait le faire tout seul)… Zelda cherche sa place, c’est une artiste, à défaut de pouvoir écrire librement elle veut danser et s’astreint à une discipline de fer avec une célèbre danseuse russe, laissant Scott à son « cher Hemingway » qu’elle hait (et c’est réciproque), le mettant en garde contre les rumeurs qui courent sur leur compte à tous les deux : Hemingway serait bisexuel et il a des « vues » sur Scott… Ce que laissait déjà entendre (plus ou moins) Gilles Leroy dans Alabama Song… Scott la remet à sa place quand elle manifeste un petit désir d’indépendance, ne serait-ce que voir son nom à elle au bas des nouvelles qu’elle écrit mais qui…se vendent beaucoup mieux si elles sont signées Francis Scott… Doucement mais sûrement, elle glisse vers l’ombre où elle se doit d’être et elle y restera à jamais.
En 1930, c’est le premier séjour à Prangins en Suisse, une clinique huppée où le diagnostic de schizophrénie tombe pour Zelda comme un couperet. On sait aujourd’hui qu’elle était certainement bipolaire (et dépressive) mais sûrement pas schizophrène et pas si dingue qu’on a voulu le faire croire ! Scott mettra un point d’honneur à subvenir aux besoins de sa femme, bien après qu’ils aient cessé de vivre ensemble. Pour Zelda, ce n’est que le début de traitements aberrants aux doux noms de « chocs d’insuline », « électrochocs » et autres barbaries de l’époque… Elle faisait trop de sport paraît-il, était certes trop maigre et dénutrie mais de là à être schizophrène, il y a un pas que la psychiatrie balbutiante du début du 20ème siècle a franchi allègrement pour masquer son ignorance crasse.
En contribuant à la détruire avec des traitements totalement inadaptés. (Ci-contre à droite : © Zelda en tutu de danseuse, photo qui illustre son seul et unique roman : « Accordez-moi cette valse ».)
La suite on la connaît. Personnellement je la connais bien. D’où quelques longueurs (pour moi, je précise) car hormis la « haine » pour Hemingway (que je ne savais pas si féroce), je n’ai pas appris grand-chose mais le portrait que fait l’auteure de Zelda m’a touchée ! Scott finira par s’exiler à Hollywood pour vendre des scenarii qui ne seront pas toujours portés à l’écran tout en continuant à écrire des nouvelles pour payer les hospitalisations de Zelda et la scolarité de Scottie. Tout en entretenant une liaison avec une journaliste, Sheila Graham. Zelda savait mais n’en parlait pas souvent. Ils n’ont jamais cessé de s’écrire et à la passion des débuts, une tendresse et un lien incassable ont succédé malgré tout ce qu’ils se sont reprochés. Il commencera aussi son dernier roman paru à titre posthume, Le dernier nabab avant de mourir en 1940, à 44 ans d’une crise cardiaque. Zelda lui survivra huit ans et périra dans l’incendie de l’hôpital d’Asheville en Caroline du Nord où elle séjournait lors d’une énième hospitalisation.
Cet excellent roman met le doigt sur ce qui a fait et défait le couple, sans jugements de valeur déplacés. Un doigt long et fin comme on imagine celui de Zelda qui souligne à quel point cette femme, certes frivole, certes malade n’était pas née à la bonne époque et a souffert de ne pas avoir été comprise plus que d’être mal-aimée. Si l’image de Scott pâlit légèrement sous la plume de l’auteure ce n’est pas par méchanceté, elle n’a fait que rapporter des faits, une réalité indiscutable sur deux enfants qui se sont pris pour des anges mais qui ont eu trop vite du plomb dans l’aile sans que l’on puisse accuser l’un ou l’autre de manière irréfutable. Comme l’avait dit Scott lui même un jour, « leur mode de vie était une entreprise de démolition ». Ils n’étaient pas « corrects » dans le sens où l’Amérique a replacé ce vocable aujourd’hui. Leur vie et leur mort sont à l’image de la violence, des fulgurances qui ont traversé leur existence de météores éternellement jeunes, même au crépuscule de leurs vies détruites. Pour que peut-être aussi ne meure jamais la légende…
© gif issu d’une vidéo amateur que l’on peut trouver sur YouTube : Scott, à gauche et Zelda à droite jouant avec leur fille Scottie au centre…
Je vous conseille également de lire les billets d‘Anne, d’Argali, de l’Irrégulière.
Si vous aimez ce couple et souhaitez en apprendre davantage sur eux, si vous aimez F.S. Fitzgerald et si vous voulez en savoir plus sans difficultés (de lecture), je vous conseille vivement ce livre.
Editions Michel Lafon, 2013, 427 pages.
Merci aux Editions Michel Lafon et à Amandine pour ce partenariat !
Une participation à mon challenge Fitzgerald, une au challenge amoureux de l’Irrégulière dans la catégorie « amours éternelles ». Et j’allais oublier le challenge de George, « Romans sous influence« , pas besoin de dire de qui d’ailleurs !!!


