Les mots à placer étaient nombreux, j’espère que vous n’avez pas trop souffert. Moi si. Mais vous avez été formidables !
Je remercie les 32 participants qui sont, par ordre d’arrivée des liens : (Jacou et moi-même incluses).
Violette Dame Mauve, Adrienne, Ghislaine, Valentyne, Janickmm, Philisine Cave, Soène, Mon Café Lecture, Miss Nefer, Célestine, Jobougon, PatchCath, Mind The Gap, Eeguab-Modrone, Marlaguette, Nunzi, Brize, Evalire, Claudialucia, Marie, Cériat, Jean-Charles, l’Or Rouge, Pierrot Bâton. Wens.LilouSoleil, Béatrice. Et en retardataires : Coccinelle, DimDamDon, Rosemonde (dès que j’ai le lien !).
Les 23 mots imposés étaient : visage, camouflage, armée, plume, vénitien, jaune, déguiser, bal, argile, mensonge, embaumer, comédie, celer, mystère, pailleté, crème, farandole, grimace, hypocrisie, dissimuler, unir, usure, unique.
Comme il y en avait plus de 20, vous pouviez en laisser un de côté ! Après mon texte ci-dessous, celui de Jacou intitulé Illusions perdues…
Mon texte fait partie de cette histoire commencée ICI, continuée LÀ et encore ICI. Vous pouvez les relire (ça m’étonnerait que vous ayez le temps^^). Je pense que l’on comprend même si on n’a pas suivi…
ATTENTE FRIABLE
Le ciel pailleté d’étoiles d’hiver, déjà lointaines dans leur scintillement de mystère s’est posé sur la ville blanchie aux toits de briques rouges. Dans la maison sur la place, une chandelle allumée tremble à la fenêtre. Anastasia est là, derrière, immobile comme ces statues qu’elle a vues à l’entrée de la ville. A l’écho de ses larmes, répond le craquement funèbre des dernières feuilles gelées et répand dans un mensonge tous les mots entendus, ces mots perdus jetés au ciel un soir de juin, en son coeur retombés dans un bruit de cailloux.
Elle avait dû trouver un toit pour l’hiver ; elle devait travailler pour se nourrir quand elle ne vivait pas au campement avec les siens. Elle dissimulait alors ses hardes de cavalière bohémienne dont l’usure était aussi profonde que son désir de revoir Diego. Elle se déguisait en anonyme pour se fondre à la comédie des hommes qui avaient un nom à l’état-civil. Ses cheveux blond vénitien et ses prunelles indigo rassuraient les marchands et les bourgeois qui l’embauchaient pour de petits travaux. Elle enfilait ses nouveaux vêtements couleur muraille sans que personne n’y voie un camouflage. Elle avait des doigts de fée et chaque année, les épouses des notables lui confiaient l’entretien de leurs maisons et divers travaux d’aiguille où elle excellait.
Cette destination la rapprochait de Diego, elle le sentait partout où elle allait, il était là tout près, elle aurait pu le toucher de son âme tendue vers lui, vibrante comme un violon aux cordes pincées de sanglots. Elle continuait de lire le cahier d’Izia, le Cahier des Veuves transmis aux femmes de sa lignée depuis des générations. Elle celait dans ses veines ce qu’elle y apprenait. Elle faisait siens les préceptes anciens mais les durées d’attente mentionnées par la vieille femme lui paraissaient incroyables aujourd’hui. Les temps avaient changé.
Dans ce bal macabre où tournoyaient ses pensées, seules les montagnes dominant les murs de la ville de leur superbe offraient un spectacle à couper le souffle. Mais elle en voulait trop aux montagnes pour les aimer vraiment. Leurs sourires d’hypocrisie derrière la crème lisse et scintillante de neige à leurs sommets attiraient ceux qu’elles vous volaient ensuite… Elles avaient parfois les yeux jaunes des chiens errants qui ne regardent pas avant de mordre en traître, une grimace sournoise déformant leur gueule avide. À la tombée du jour quand le ciel passait des ors aux roses, les montagnes semblaient s’animer comme plumes chatoyantes dans une farandole d’elles seules connues. Les versants de l’ombre, les ubacs glissaient devant les adrets, mirages trompeurs où des charmes obscurs perdaient l’imprudent qui, innocent dans son élan joyeux voulait s’unir à elles dans une unique et ultime communion.
Et puis, à l’écho de ses larmes silencieuses répondait enfin le sommeil attendu où elle basculait dans un évanouissement pour retrouver Diego, là où il ne lui échappait plus. Venaient enfin les petits soldats du temps, cette armée aux pieds d’argile fragile emportée au moindre souffle de vent. Alors seulement, à l’écho de ses larmes brûlantes répondait le chant des ruisseaux qui se jetaient dans la mer ; d’autres voix se levaient, éclaboussées de lumière et en son coeur retombaient comme les espoirs de demain…
©Asphodèle
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ILLUSIONS PERDUES
Sur le plateau du petit déjeuner, la Gazette des Spectacles. Elle aime sentir cette odeur d’encre fraîche. Son compagnon, lui, n’apprécie guère, et trouve que cela n’embaume pas du tout. Mais aujourd’hui, elle n’y fait même pas attention. Elle sait déjà ce qu’elle va lire. Elle l‘appréhende plus que les critiques, qu’elle préfèrerait, même mauvaises, à ce qu’elle devine qui est imprimé.
Elle referme pensivement le journal ; revoyant toutes ces années, ces moments à la fois sublimes et difficiles passés sur les planches.
Elle repense aux longues heures de doute, mais aussi d’exaltation qui les habitaient.
Regards reflétant toutes les angoisses, mais aussi tous les espoirs. Il n’y avait aucun camouflage possible. Même dissimulés sous des couches et des couches de maquillage, les visages trahissaient cette inquiétude fébrile, cette attente à la fois magnifique et folle.
Les trois coups. Le rideau se levait.
Il y avait eu, d’abord, les mains qui se liaient, des paroles sans mensonges, pour redire qu’ils étaient unis. Moment unique, où ils ressentaient si fort la solidarité, le respect et l’estime que chacun portait à l’autre.
Étoile en costume pailleté, coquette, boa de plumes autour du cou, séducteur au masque vénitien, hussard de l’armée austro-hongroise, tous étaient la famille, sa famille.
Tour à tour petite marchande de fleurs, amoureuse, grand-mère nymphomane, prostituée,
farandole de rôles qu’elle avait portés avec passion.
Et toujours l’envie de ces découvertes nouvelles, comme un mystère, de ces attentes de la prochaine aventure, d’encore un texte à faire vibrer. Avec toujours la nostalgie du personnage précédent, accompagnée de ce petit pincement au cœur de le quitter.
Mais déjà faire connaissance et comprendre le nouveau, découvrir ses partenaires, les situations, abandonner les grimaces du précédent, en créer d’autres. Se glisser dans la peau d’une autre héroïne, ne plus faire qu’une avec elle, sans la déguiser.
Cette fois-là, on lui avait donné un rôle qu’elle attendait depuis si longtemps. La crème des rôles. La consécration de sa carrière.
Mais elle ne saurait jamais, si elle était digne de l’incarner cette héroïne, qui l’avait l’accompagnée, dès le début de son métier. Elle n’en avait jamais parlé à personne ; gardant ce secret bien celé au fond de son cœur. Elle s’y était quand même préparée, lui consacrant des heures de réflexion, de recherches sur le caractère, imaginant sa vie, ses émotions, ses désirs.
Elle repousse la Gazette.
C’est fait, dit, entériné.
Quelques lignes mornes, scellant définitivement son sort et celui de bien d’autres.
La maison Millénium s’est effondrée.
Le bal des questions recommençait dans sa tête.
Ses fondations étaient-elles si peu solides, sa base reposait-elle sur de l’argile.
Elle n’avait rien vu, rien soupçonné de cette usure du temps, qui s’était installée, au sein de la troupe, de cet effritement des passions et des vocations. Depuis quand tout cela était –il devenu farce et comédie hypocrites. Peut-être depuis le début. Tant de questions qui arrivaient trop tard.
Elle n’a pas besoin d’ouvrir le journal. Elle connaît par cœur la sentence.
« La Compagnie Millénium a le regret d’annoncer à ses ami(e), et fidèles spectateurs qu’elle ne donnera plus de représentations, pour son rendez-vous annuel, à la fête du printemps des théâtres. »
Le couperet était tombé. Les lettres jaunes d’or de la compagnie ne brilleraient plus au firmament des spectacles. La commedia è finita.
©Jacou