

LECTURE COMMUNE AVEC Anne (des mots et des notes), et Anne (de poche en poche).
Lecture commune qui m’a « pesé » mais je n’ai pas abandonné, n’aimant pas donner un mauvais avis sur un livre sans avoir pris le soin de le lire jusqu’au bout, ne serait-ce que par respect pour l’auteure.
Ce livre avait tout pour me plaire : le titre, le phare, La Hague, ce bout du monde du Cotentin mais je suis restée à la porte, y entrant huit jours après sans perdre le fil tant les redites nous permettent de suivre cette sombre histoire sans risque de nous égarer. Ce roman est un cliché, tout comme les personnages caricaturés plus que dépeints : Lambert, l’étranger qui ressurgit 40 ans après pour expliquer le naufrage de sa famille ; Lili, la tenancière du bistrot où on boit, où on mange, tout en observant la faune locale et surtout on y « ragote » à longueur de journée, cinquantenaire acariâtre, qui s’occuppe de la Mère (la sienne) après avoir fui la maison du père, Théo, ancien gardien du phare et ornithologue en retraite que la narratrice vient remplacer dans ce travail mais aussi Père de Lili et ex-mari de la Mère, qui ont toutes deux quitté la maison familiale car il a toujours été amoureux de Nan ; les colocataires de la narratrice : Raphaël, le sculpteur illuminé et talentueux, sa soeur, Morgane trentenaire appétissante en mal d’amour et mal fringuée, punkette déshinibée ne se baladant jamais sans son rat ; Max, amoureux de Morgane, innocent du village qui retape un bateau et en sait beaucoup plus long qu’il n’en dit ; Monsieur Anselme, vieux garçon affété, obsédé par Prévert, enfant du pays, et qui perpétue sa mémoire, La Cigogne, petite fille triste au bec-de-lièvre, qui circule, silencieuse et amoureuse de Max entre tous ces adultes…et Nan (Florette de son vrai nom), une folle magnifique qui erre sur la grève les jours de tempête, attendant que la mer lui rende le corps de Michel, son fils adoptif disparu, en portant ces jours là d’amples robes noires où sont brodées à l’intérieur le nom des enfants qu’elle a élevés au Refuge, orphelinat de fortune. Elle coud les linceuls des morts et inspire beaucoup Raphaël qui sculpte des femmes au ventre creux…
Dans cette atmosphère lourde de non-dits, elle qui souffre et se complait dans sa douleur, qui ne veut surtout pas arrêter de souffrir car après la douleur c’est « le vide », spectatrice de sa vie, elle devient actrice de celle des autres. Mais là où elle aurait pu recueillir des indices en 5 jours, elle en met dix, ne nous épargnant aucun petit détail qui dilue les jolis passages dans une logorrhée insupportable. Elle distille à chaque page des sentiments sur son amour perdu chaque fois qu’un geste, une odeur le lui rappelle. Elle questionne Théo, le vieux gardien du phare, taiseux, qui ne vit plus que pour ses chats et ses regrets de ne pas avoir épousé Nan qu’il a toujours aimé. A la page 160, le « secret » s’évente et qu’elles sont loooongues les 400 dernières pages… Tout en continuant à voir Lambert de ci de là. De lui ramener un indice glané par hasard… et se perdant dans des détails, des descriptions interminables qui n’ajoutent rien au roman. Tout se terminera bien pour les principaux héros, moins bien pour ceux qui continueront à remâcher leurs aigreurs et leurs rancunes aussi tenaces que le varech accroché aux rochers et deux s’en sortiront grâce à la rédemption et au pardon.
L’histoire commence avec l’arrivée de Lambert, le jour de la grande tempête qui vient chercher des réponses au naufrage du voilier de ses parents et à la disparition de son frère cadet (jamais retrouvé) quarante ans plus tard. Elle ne déferle hélas que pendant les 20 premières pages…cette tempête. On comprend tout de suite que l’ornithologue (elle n’a pas de nom la narratrice, sauf au milieu du livre où Lambert l’appellera une seule fois La Ténébreuse) a un penchant immédiat pour lui, alors qu’elle est venue tenter d’oublier son grand amour mort d’une longue maladie et dont elle nous distille à chaque page, un peu plus de leur histoire. Tous ces personnages sont liés par un secret « terrible », « monstrueux », une chaîne aux maillons rouillés par la haine, la rancoeur, les mensonges, les silences et la mesquinerie. A l’image de leur vie qui, quarante ans plus tôt s’est brisée en se refermant sur ce secret. La Ténébreuse va se passionner d’un coup d’un seul pour la quête de Lambert (l’enquête), ancien flic cinquantenaire en rupture de ban, visiblement, et essayer de faire parler Théo, qui ne concède à parler que d’oiseaux et de ses chats, lui faire avouer s’il a éteint le phare dix minutes, le jour du naufrage des parents de Lambert. Tout le monde sait et se tait. La narratrice se réfugie à la Griffue où elle demeure, un ancien hôtel qui avance dans la mer, reconverti en appartements. Là, elle se laisse aller à sa douleur qui étouffe peu à peu le lecteur. Il existe bien sûr des douleurs indécentes, l’auteure en supprimant 300 pages aurait pu en restituer la violence avec pudeur, mais la plume de Claudie Gallay ne flamboie pas, elle ressemble aux lumières pastel du Cotentin, virant trop peu souvent à l’écarlate sauf quand elle passe des soirées arrosées de whisky et de grands crus avec Lambert.
POURQUOI JE N’AI PAS AIMÉ
Tout d’abord à cause du style insupportable de Jacques-a-dit. Pas une phrase, pas une réplique qui ne se finisse par, il a dit, elle a dit, j’ai dit. Un exemple ? Toutes les pages si vous voulez, allez un deux, bien énervants : » Tiens, te v’là ! elle a dit. (…) C’était déjà comme ça avant, il a dit » (…) »J’ai vieilli il a dit. »(p.76-77) Et ainsi de suite. Que ce style grammaticalement incorrect, plaise à certains, soit, moi je m’y suis heurtée comme aux rochers tranchants sur lesquels l’héroïne pose les pieds chaque jour. Le talent ne se mesure pas au kilomètre non plus, aussi quand ce genre de digression « inutile » au texte vient en hacher encore le cours, je vous laisse apprécier page 426 : « J’ai regardé mon visage. J’ai fait couler l’eau. Il y avait un savon dans une coupe. C’était un petit savon blanc, de forme rectangulaire, Ph neutre. Ce n’était pas une coupe spéciale savon (ici, dans ce sens, spécial ne prend pas d' »e » à la fin), un peu d’eau stagnait au fond. Le savon avait trempé dedans. Il était mou. Quand je l’ai pris, je l’ai gardé dans ma main. Impossible à reposer ». Passionnant non ? Je vous épargne la page où les menstrues reviennent ni celles où le blouson de Lambert est un second rôle permanent (ah ce blouson, sa madeleine de Proust certainement). La sensibilité oui, pas la sensiblerie. Et je le répète, il y a allègrement 300 pages superflues. Je souhaite le meilleur à Claudie Gallay, qu’elle continue d’écrire ses rêves tristes si tel est son choix, mais qu’elle essaie d’offrir du rêve à ses lecteurs, tout simplement !
je laisse le soin à mes co-lectrices de parler de l’auteure, je n’en ai même pas envie !!