L’OMBRE DE NOS NUITS DE Gaëlle Josse et rencontre-surprise avec l’auteure !

Une lecture commune avec Mindounet alias Mind The Gap. Accompagnée de la surprise que je vous annonçais dimanche, vous avouerez que pour nombre d’entre vous, habitués aux Salons et autres fréquentations de librairies ou bibliothèques, rien d’extraordinaire ! Sauf que… ce n’était pas prévu, tout à fait improbable mais Mindounet l’a fait !  De passage chez moi, comme tous les ans maintenant (nous sommes un « vieux couple » de la blogo, arf ! Un couple d’AMIS, je précise !), il me réservait une surprise pour le samedi matin ! Gaëlle Josse intervenait dans une médiathèque non loin de chez moi (une petite centaine de kilomètres quand même, il a fallu se lever tôt) où on lui remettait un Prix pour Le dernier gardien d’Ellis Island ! Nous avons failli nous retrouver à Paris (merci les GPS aux indications floues et les conducteurs distraits, hum hum) mais nous avons fini par arriver (en retard) et au début, à la place où j’ai pu m’assoir, je ne voyais que ça de Gaëlle :

IMG_2160Quand la voisine de devant bougeait, c’était légèrement mieux :IMG_2166Mais il a fallu attendre la fin du débat et la remise du Prix pour que je la voie entièrement !IMG_2167

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Mais le meilleur moment (pas de photos, je ne m’auto-prends pas en photo) fut celui de la rencontre, quand mon tour est arrivé pour dédicacer ses deux derniers livres que j’avais apportés (nous n’étions pas dans le grand barnum du Salon parisien). Elle s’est levée, m’a attrapée par les épaules pour m’embrasser et m’a dit avec un grand sourire : » Mais vous existez ! FaceBook s’incarne, prend chair ! »  Car elle est la seule auteure que je suive sur FB (en communiquant, pas en « likant » seulement), toujours élégante, discrète. Son mur est à l’image de ses livres, tout en nuances et respect des autres. Inutile de vous dire que l’émotion fut intense, je sais je sais, je suis peut-être une petite chose sensible mais ce moment a cristallisé tout ce que je ressentais à la fois pour la femme et pour la romancière.IMG_2225

Par ailleurs, avant la remise du Prix, elle a pu (un peu) parler de son  dernier livre, L’ombre de nos nuits (que j’avais lu en janvier), et j’ai été ravie de constater que mes post-it (assez voyants en jaune et orange) disaient la même chose qu’elle…avec d’autres mots bien entendu ! Mais je vous en reparle dans la chronique pour éviter les redites… IMG_2226

Alors tout d’abord, les bémols que j’ai ressentis en début de lecture du livre. Il n’est pas mon préféré (je les ai tous lus) car j’ai eu du mal à y entrer, déstabilisée par les trois voix qui s’y côtoient. Nous différencions très bien la voix de la jeune femme contemporaine qui raconte son histoire d’amour à la première personne de celle du peintre Georges de La Tour mais quand on ne peut pas le lire d’une traite (comme je le faisais avant, il n’y a pas si longtemps), et qu’on le reprend parfois le lendemain seulement, on peut confondre la voix de l’apprenti avec celle du Maître de La Tour. C’est mon seul bémol et il n’a pas duré longtemps, puisque j’ai profité d’une nuit blanche pour engloutir la deuxième partie d’une traite et les choses se sont éclaircies, illuminées même… Ci-dessous, le tableau « en entier ».

a Gaëlle Josse tableau entier

Saint Sébastien soigné par Irène de Georges de La Tour (dit « à la lanterne »).

C’est à la fois l’histoire d’un amour malheureux ,  une jeune femme s’adresse depuis Rouen en 2014 à celui qui l’a tant fait souffrir quinze ou vingt ans plus tôt, et celle du tableau de de La Tour (en 1639), de sa conception à son succès  intitulé Saint-Sébastien soigné par Irène. Image « extrait » du tableau reprise pour la couverture et qui nous éclaire tout au long de ce livre où les ombres sont omniprésentes dans les deux histoires. IMG_2227

Gaëlle Josse avait été touchée par ce tableau lors d’une visite imprévue dans un musée, un jour de pluie, et avait fait un rapprochement avec une histoire d’amour qui lui est personnelle, suffisamment pour que le livre naisse de son imaginaire fertile. En effet, on sait bien qu’enlever un couteau d’une plaie, ici une flèche, risque de tuer plus sûrement le blessé que de le sauver… Mais dans le cas présent, c’est surtout le non-désir de l’homme aimé à sortir de son chaos intérieur qui est en cause : « Trop tard. Je me suis perdue dans ta souffrance, jusqu’à ce moment où j’ai pris conscience de la mienne ; j’ai voulu te guérir et je n’y suis pas parvenue. La flèche était enfoncée trop profondément, et j’ai compris, trop tard aussi que tu ne désirais pas vraiment t’en débarrasser, plus effrayé encore par le vide qui allait prendre sa place que par la douleur qu’elle te causait ». (page 35).

En alternance, nous suivons la vie familiale du peintre La Tour qui n’est pas encore connu et n’a pas de particule, à Lunéville dans sa Lorraine natale, alors ensanglantée par la guerre de Trente ans,  ravagée par la famine et les épidémies.  Dans une maison bien tenue par Diane, son épouse, entouré de quelques domestiques, de ses enfants et des apprentis. Nous apprenons  comment il choisissait celle ou celui qui allait incarner le personnage de son prochain tableau. il s’agissait souvent d’une de ses filles ou de son épouse. Là, nous suivons donc l’histoire d’un jeune apprenti, Laurent, doué, qui est le souffre-douleur d’Etienne, le fils de La Tour, un odieux gamin nul en peinture au grand désespoir de son père (qui ne l’admet pas évidemment) … Cette guerre larvée entre les deux jeunes hommes et malgré l’amour que porte Laurent  à Claude, la fille du peintre et modèle pour la Irène du tableau, va le décider à partir, il sait qu’il doit trouver sa voie, seul malgré l’affection du Maître,  pourtant bourru, taiseux, obsédé par son art et perdu en lui : « Je peins le ravissement, l’oubli du monde, dans un bras tendu, une main posée. Je peins l’être qui se laisse atteindre dans des régions de lui-même ignorées. Sa meilleure part ».(p.143).  Je me suis amusée à remplacer, dans cette citation le verbe « peindre » par « aimer », et cela collait bien avec les sensations de la jeune femme contemporaine… On recoupe peu à peu ces trois voix, le tableau, personnage central s’il en est, pour suivre le cheminement de chacun vers une forme de délivrance au parfum de liberté. Même si son pendant est souvent l’amertume.

Et nous avons hâte de tourner les pages pour savoir ce qu’il adviendra de la jeune amoureuse, aveuglée par l’amour mais dont les yeux se déssillent douloureusement. Il est difficile d’admettre que l’on n’est pas aimé à la même hauteur que l’on aime, il est difficile de croire que les choses ne s’arrangeront pas. A fortiori quand on revit l’histoire à rebours, comme ici, avec le recul nécessaire laissé par le temps qui a passé et que l’on ose enfin poser des mots sur ce que l’Amour nous faisait perdre en lucidité. « Les arcanes et les figures du désir, un dédale que nous parcourions éblouis, avec ardeur, emportement, et jusqu’à la douleur. A chaque fois que tu t’abimais en moi, cette illusion de croire que nous avancions, allons, j’ose le dire, vers un destin partagé. » (p. 65 et 66).

Un roman qui mérite d’être qualifié de clair-obscur avec la plume toujours aussi sensible de Gaëlle Josse, douloureuse parfois car on perçoit comme il a dû être cruel pour elle de se battre pour sauver cet amour. Elle a dit, au cours de la rencontre que c’était son livre le plus abouti, qu’elle y avait mis énormément d’elle (comme dans tous ses livres mais là, davantage) et qu’elle se sentait mieux d’avoir dit à « cet homme » ce qu’elle ne lui avait jamais dit. Elle s’est tout de suite reprise (au sujet de « l’aboutissement ») de ce livre, en disant que c’était un sentiment personnel… De toute évidence, elle ressort grandie, plus forte après l’avoir écrit. Alors, je l’ai trouvé effectivement plus long que les autres (196 p.contre une centaine d’habitude et je m’en plains pas), plus développé aussi avec cette sincérité qui la caractérise, l’émotion toujours à fleur de mots, un subtil mélange de pudeur et de lyrisme qui en fait un très beau livre que je vous recommande.

L’ombre de nos nuits, Gaëlle Josse ©Les Éditions Noir sur Blanc (Notabilia), 2016. 196 pages.

Merci Martine de me l’avoir offert dès sa sortie, c’est un très beau cadeau…à double valeur puisqu’il est à présent dédicacé.

Allons voir ce que Mindounet en a pensé, il a été plus enthousiaste que moi mais a bénéficié de conditions de lectures plus favorables ! 😉

LA TERRE QUI PENCHE de Carole Martinez

IMG_3796Depuis deux mois que je vous soûle bassine avec Carole Martinez, il était temps que je vous parle (au moins) de son dernier roman. C’est son absence dans le non-challaenge des pépites de Galéa qui m’a piqué aux fesses aiguillonnée ! Comment ? Personne ne l’a pépité ? Mais c’est inadmissible ! Je ne sais pas si ce billet sera objectif mais on s’en moque un peu, je ne suis pas sponsorisée hein ! Je vous livre ce que j’ai ressenti, mon émerveillement pour le style impeccable (c’est bien aussi les auteurs qui savent raconter des histoires ET écrire)… Dédicace à l’homme de Galéa qui avait été séduit par Dame Martinez lors de son passage à LGL… Lire la suite