LES PLUMES 38 – LES TEXTES de l’Humeur du jour !

écritoire vanishingintoclouds(3)Voici les dernières Plumes de l’année 2014 qui offraient un choix de deux listes. Certains s’en sont donnés à coeur joie avec deux textes (on ne mégote pas en période de Noël, hum !)… La dernière collecte de l’année aura lieu le 29, ensuite pour 2015, je vous proposerai quelques modifications… En attendant, je vous souhaite un Joyeux Noël ! Du lundi 22 au lundi 29 je suis en pause familiale et noélesque !

J’accueille aujourd’hui une Sans Blog Fixe, Emilie, et je vous invite à lire son très beau poème après mon texte. Elle pourra bien sûr répondre aux commentaires qui lui seront adressés,  elle-même…dans les commentaires !

Par ordre d’arrivée des liens (comme je les ai rattrapés surtout) ont participé les rescapés des Fêtes, comme je les comprends, comme je comprends ceux qui n’ont pas participé, s’entend) ! :

Marraine Suisse (notre valeureuse doyenne !), Mariejo64, Marlaguette, Valentyne, Jacou33, PatchCath, Martine Littér’auteurs, Janick, Cériat, Jean-Charles, Martine27, Pascal Bléval (textes non publiés pour cause de déménagement, pas avant lundi) Dan Gazénia, Monesille. Kristel. Célestine (sur le fil,ouf !)… DimDamDom59 (samedi soir -sur la terre^^-)… Adrienne (mardi 23 au matin) et encore ICI (mercredi 24.12)

Et les deux listes qu’il fallait utiliser, au choix l’une ou l’autre, en mixant (comme l’a dit Philisine) l’une et l’autre, selon l’inspiration : pour ma part, j’ai utilisé la liste 1, agrémentée de huit mots de la liste 2.

LISTE N° 1 :  21 + 3 = 24 mots. (corrigé, je m’étais trompée).

Insomnie, torpeur, flocon, inéluctable, agapes, fuite, cheminée, démesure, verdâtre, orange, mantille, victoire, illumination, attente, invitation, emballer,  courage, chauffage, réussite, enfant, parole, quartier, quintessence, quelconque.

LISTE N°2 : 19 mots + 3 = 22 mots.

Fatigue, ronfler, étoile, cannibale, balthazar, réflexion, emballage, crainte, papillote, caraco, se réjouir, émerveillement, désir, étrennes, apaisement, inhalation, examen, maternité, mot, quartier, quintessence, quelconque.

L’ÉTOILE DE MARIANNEa étoile marianne

La pauvre Marianne était victime d’insomnies récurrentes en cette période pré-festive. Chaque matin, le lever se transformait en épreuve pour s’extraire de la chaleur des draps et il lui fallait oublier sa fatigue, s’oublier pour réveiller la maisonnée . Le petit dernier accroché à son sein avait pleuré une partie de la nuit et tétait avidement tel un cannibale ayant souffert d’une grève de la faim. Elle alluma la guirlande clignotante du sapin, aussitôt les premières notes de Jingle Bell s’élevèrent, rengaine usée qui ne la réjouissait plus. Elle remit une bûche dans la cheminée avant d’affronter la zone de combat qu’était devenue la cuisine. Elle commença par presser les oranges, croquant dans un quartier juteux au passage, l’oeil vide de ceux qui se sont résignés trop vite face à l’inéluctable monotonie de leur vie. Les maigres illuminations de la rue principale déposaient des taches tristement verdâtres sur les murs chaulés de la vieille maison rongée d’humidité. Le chauffage au bois ne suffisait pas et, depuis que son homme était parti sur une plate-forme pétrolière en Afrique, dans l’espoir de renflouer leurs maigres finances, elle manquait d’allant et de courage pour porter, seule, les  joies de la maternité. Elle se sentait petite, quelconque, pas à la hauteur.

Son aînée, Mathilde, pouce dans la bouche et doudou ventousé dans la main arriva en titubant et se jeta dans ses jupes. Dans l’attente d’un baiser. Jalouse du bébé qui venait juste de se rendormir. Marianne le déposa dans le couffin et prit Mathilde dans ses bras. Arriva Léo, le cadet, il  les rejoignit en sifflotant, essayant d’imiter son père ! Elle respira l’odeur douceâtre de leurs cheveux ; s’y mêlaient la senteur du shampoing à la pomme et les relents surets de la nuit. Elle leur prépara un chocolat en les écoutant babiller. Sa torpeur avait été de courte durée. Aujourd’hui, il lui fallait terminer le repas de Noël du lendemain, celui du réveillon de ce soir et habiller les enfants qui souhaitaient aller à la messe de minuit. Ils étaient en pleine crise mystique, elle ne voulait pas les contrarier avec son incroyance. Déjà que Mathilde lui posait des questions sournoises sur l’existence du Père Noël… elle voulait prolonger leur enfance.

Elle avala son thé aux épices de Noël et regarda enfin sa cuisine d’un oeil conquérant, un sourire au coin des lèvres. Il fallait épater sa belle-mère et elle allait faire ce qu’il fallait pour réussir des agapes inoubliables, dût-elle y passer la nuit ! Au point où elle en était… En levant la tête vers la fenêtre, elle vit quelques flocons tournoyer dans le ciel encore bleuté de nuit et cela lui procura un apaisement immédiat. Si seulement il pouvait neiger au point de bloquer les routes, que sa belle-mère ne se sente pas obligée de leur tenir compagnie. Chaque fois,  elle tordait le nez à chaque bouchée comme si on l’empoisonnait,  complimentait du bout des lèvres, du bout du coeur qu’elle avait sec !  Tout en lui coupant la parole, ne tolérant aucune excuse, aucune justification. Un dragon, la quintessence du cliché de la belle-mère. Marianne frissonna à l’idée de lui ressembler un jour.

Pendant qu’elle pétrissait ses pâtes à gâteaux, des étoiles tardive brillaient faiblement entre les flocons. Elle y vit comme un signe. Inexplicable, dénué de superstition. Juste un signe, une invitation au rêve qui la désertait depuis les naissances rapprochées des enfants. Depuis que la femme s’effaçait derrière la mère et suscitait des interrogations qui la culpabilisaient autant qu’elles la déprimaient. Pourquoi cette démesure entre les espoirs adolescents et la réalité adulte ? Pourquoi envisageait-elle toujours une ligne de fuite alors qu’elle n’aurait dû penser qu’à sa chance ! ? Elle tourna la tête vers ses enfants assis sagement à la table de la salle à manger, ils dessinaient l’histoire d’un dragon nommé Balthazar en chuchotant des secrets qu’elle ne devait pas entendre. Son coeur se gonfla de joie, comment pouvait-elle douter ? Elle ne trouverait jamais de mots à poser sur ce bonheur, elle n’en chercherait pas non plus. C’était une évidence, l’amour passerait avant la réussite même s’il y avait des sacrifices à faire. Pour la troisième année consécutive, elle cuirait certainement trop son chapon au goût de belle-maman, la bûche serait trop sèche mais rien ne rivaliserait avec sa plus belle victoire : ses enfants ! Elle se rappela in extremis qu’elle avait aussi des derniers cadeaux à emballer . L’instant guimauve s’achevait, les tâches qui l’attendaient ne lui semblaient plus insurmontables.

Quand on sonna à la porte, le 25 décembre, Marianne avait passé une petite robe noire simple et élégante, les cheveux relevés en chignon. Ni caraco sophistiqué, ni mantille hispanisante, elle avait souligné ses yeux bleus d’un trait de khôl, la maison étincelait. « Regarde qui je t’amène ? » gloussa la douairière ! Derrière elle, son homme, les bras chargés de cadeaux la mangeait du regard. Elle repensa à l’étoile…

©Asphodèle – 19 décembre 2014 –

TEXTE D’Emilie :

NOËLfeu gif vanishingintoclouds

 Peut-être est-ce à cause de l’humidité,
 Le bois peine à prendre dans la cheminée.
Retenus dans l’attente d’une invitation,
Les flocons restent en suspension.
Quand je m’attarde devant l’âtre,
 Je rêve de neige pour emballer mon ennui.
Mais je ne vois que le sol verdâtre
D’herbe épuisée par le vent et la pluie.

Peut-être est-ce à cause de ces insomnies,
 Les journées courtes frôlent l’infini.
Retenu par les illuminations,
 L’éclat électrique trompe mes frustrations.
A l’heure de la nuit qui appelle la fuite,
 Dans une torpeur sourde, je m’enfonce,
A l’heure où seuls les souffles s’ébruitent,
 Résonne l’oubli dans lequel je fonce.

  Peut-être  à cause d’un courage incertain,
 Les verres se videront sans quitter ma main.
Retenus par les taches sur la nappe,
 Les sourires forcés digèreront vite les agapes.
Des chants de joie dans les cahiers,
Des autos en feu dans les quartiers,
Ou comment la quintessence de Noël
Met des sens étranges en éveil.

 Peut-être est-ce un sort inéluctable,
 Déguisé par des paroles douces et affables :
Retenues jusqu’alors par une quelconque blessure,
 Les bêtes lâchées feront dans la démesure.
Car quand un enfant rêve d’une orange,
 Et d’un peu de chauffage ce soir,
Un autre rêve de réussite, de libre-échange
 Et ne se bat que pour la victoire.

 ©Emilie BERD 18/12/14

Je n’ai pas utilisé mantille.