PAS FACILE DE VOLER DES CHEVAUX de Per Petterson


pas facile de voler les chevaux(1)Merci Valentyne de m’avoir offert ce livre auquel je ne m’attendais pas, ce fut une belle surprise. Je ne connaissais pas du tout l’auteur, je suis allée en lire un peu plus sur lui, je vous raconterai après ce billet.

On peut dire que c’est du « nature writing » nordique. L’action se déroule dans un village isolé de la campagne norvégienne fin des années 1990. Trond Sander a 67 ans, il se sent vieux, il est veuf depuis trois ans, vit seul  une retraite bien méritée mais n’est pas résolu à se laisser aller à la décrépitude. Il s’astreint à se promener avec sa chienne Lyra autour du lac non loin de chez lui. Il a retapé cette vieille baraque en rondins, toute de guingois, il veut couper son bois et ne produire que le strict nécessaire à sa consommation,  c’est un choix de vie. C’est un ours comme ça en apparence, un taiseux qui a besoin de calme pour se souvenir car sa mémoire est encombrée.  » C’est ça que je veux et je sais que j’en suis capable, que j’ai ça en moi : la force d’être seul. Qu’il n’y a aucune raison d’avoir peur. (…) J’étais le garçon aux culottes en or. Mais maintenant, j’aimerais bien pouvoir me reposer. » (p.206)

Son passé lui revient en mémoire (lui saute au visage), surtout l’été 1948, passé avec son père dans une maison d’alpage. Cet été là tout particulièrement. Il avait dix ans et ne comprenait pas tout ce qui se passait autour de lui. Pourquoi son père s’absentait, passait en Suède et revenait toujours par la rivière, ou par un chemin de contrebande. Combien il lui a fallu du temps pour saisir les attitudes de la mère de Jon, son copain de vacances, pourquoi la sienne était restée à Oslo avec sa soeur. Tout le comportement des adultes est passé au crible. Et c’est tout le propos du livre. Les descriptions sont magnifiques, on se laisse emporter par cette rivière qui scintille sous le soleil d’août, par les billes de bois flotté qu’on y descendait avec l’odeur des résines et l’ombre des fougères. Un temps qui s’est arrêté. Brusquement. Et on sait pourquoi il n’est pas facile de voler des chevaux…

On se met vraiment dans la peau de cet homme vieillissant, on ressent ses peurs d’enfant comme si on y était. Ses chagrins d’adulte ne sont pas loin et bien qu’il martèle son désir d’être seul comme un mantra, on est content quand il a de la compagnie. Même si ça l’agace ! Et si son voisin Lars, dont le visage appartient lui aussi à une autre époque révolue le réconciliait avec sa vie tout simplement ? Si Lars le délivrait enfin des ombres que l’on devine au moindre frisson de l’eau quand il se promène ?

Un beau roman sur le temps qui passe, quand on devient plus âgé que son père, un père ici qui demeure toujours auréolé de gloire. Une construction toute en finesse pour un style « pattes de mouches », celui de la pudeur, il n’est pas fait étalage des moments douloureux, un petit trait par ci par là et le tableau prend vie…et le lecteur aime, aussi, cette distance  chaleureuse qui n’enlève rien à l’émotion. Ce vieil homme pas encore si vieux que ça d’ailleurs m’a beaucoup émue… 300 pages qui m’ont touchée !

L’avis élogieux de L’Ivrogne, une note de 3.7/5 sur Babélio (sur 54 notes)

per pettersonSUR L’AUTEUR : Per Petterson est né le 18 juillet 1952 à Oslo. Il n’a pas souhaité poursuivre d’études universitaires car dit-il, ça l’eût empêché d’écrire. Après quatre années à l’usine, il trouve un emploi dans une librairie, sa passion, il lit tout ce qu’il peut en autodidacte, il est également traducteur, critique littéraire avant de diriger sa propre librairie. C’est aussi un auteur très primé en Norvège depuis ses débuts en 1987. Avec le succès international  pour « Pas facile de voler les chevaux », primé en Finlande, puis en Angleterre avec le Independant Foreign Fiction Prize 2007 (entres autres et traduit dans 46 pays, il s’est retiré lui aussi comme son héros dans un villages isolé avec sa seconde femme avec qui il vit depuis treize ans. Important et majeur dans cette biographie, il a perdu son père, sa mère, un de ses quatre frères et un petit-neveu dans l’incendie d’un ferry reliant Oslo au Danemark, il avait 28 ans. Je comprends mieux maintenant l’image du père idéalisé dans ce roman… et l’impact de cette tragédie  dans sa vie et son oeuvre…

Il compte pour le challenge de Lystig « Scandinavie Blanche » et pour le challenge « Animaux du monde » de Sharon, pour celui d’Anne « Voisins Voisines« . Et le Challenge « à Tous prix », ICI !logo challenge à tous prixlogo-scandinavie-blancheLogo-Sharonlogo voisins 2013

61 réflexions au sujet de « PAS FACILE DE VOLER DES CHEVAUX de Per Petterson »

  1. Bonjour Isabelle. Remarquable livre que j’ai chroniqué il y a longtemps. Un peu plus tard j’ai chroniqué Maudit soit le fleuve du temps, tout aussi passionnant; Pourtant le premier, Dans le sillage, ne m’avait guère plu. J’ai bien fait de persévérer. A très vite.

    • Claude, « Maudit soit le fleuve du temps » me tente beaucoup. Après avoir évoqué le père dans celui-ci, il évoque la mère dans « Maudit…. » ! C’est un auteur qui vaut vraiment le détour par la Norvège ! Bises♥

    • Lili, on connaît les « nordiques » surtout pour leurs polars. Ici c’est très différent l’ambiance est bien restituée, sans parler des personnages très attachants malgré des dehors bourrus ! A l’occasion, si le coeur t’en dit, tu sais où il est…

    • Mango, tu étais dans Indésirables !!!! Je pense sincèrement que ce livre te plairait mais je comprends quand tu parles de temps, c’est un facteur qui me manque également ! 😀

  2. Je l’avais noté suite à la lecture d’un billet chez Prune (dont le blog a disparu depuis :0( Je suis sûre qu’il me plairait… Mais ma LAL est encore plus longue que ma PAL ;0) Bises, bon week end

    • L’Or, ne m’en parle pas, je ne vais pas tarder à ouvrir un 3ème carnet à LAL, je note plus que je ne lis mais j’aime bien avoir le choix avant de descendre en librairie ou de passer commande ! 😀

    • C’est un roman comment dire … »pas banal » et qui pourtant parle de choses simples ! Les phrases sont courtes, c’est rythmé malgré la lenteur du temps qui passe, parfois… Je l’envoie à Nathalie et ensuite je te le mettrai de côté ! 😉

  3. Mais quel billet tentateur de madame la tentatrice ! Oh, faut arrêter de me tenter avec des livres que je n’aurais jamais choisi. Non, mais. 😀 Ça, c’est fort, quand même…

    Une belle critique, ma chère Asphodèle, mais je ne te dirai pas « merci »… 😉

    • Belette, je suis vraiment désolée ! Tu n’es pas obligée de tout noter hein !!!! 😆 Si un jour ce livre te passait entre les mains, lis-le c’est une très belle histoire racontée avec pudeur, ça te reposera de la noirceur de tes lectures !!! ^_^

          • La blogosphère sait toujours tout et si on ne le sait pas, une autre nous met au parfum.

            Nous sommes les dénicheurs(euses) d’auteurs méconnus qui mériteraient un p’tit coup de projecteur.

            • Belette, c’est sûr que la blogo peut faire du mal comme elle peut donner une visibilité à des auteurs inconnus ! C’est bien pour ça que des primo-écrivains nous contactent et demandent à lire leur livre ! Je n’accepte pas toujours, il y a de tout dans ces demandes et après deux ou trois expériences malheureuses, je fuis les auto-éditions ou ce qui s’en approche…

              • Je suis bien d’accord avec toi ! A un moment donné, un de ces auteurs m’envoyait des poèmes assez bizarres par courrier. On était à la limite du harcèlement. J’ai vraiment dû me fâcher pour qu’il arrête. 🙄 Depuis, quand on me demande de lire des textes, même si je n’aime pas trop ça, je demande à ce que ce soit un fichier PDF que l’on m’envoie par mail.

                • Lydia, je pense que nous parlons de la même personne, s’il passe comme il a l’habitude, en sous-marin, j’espère au moins qu’il se reconnaîtra ! Saoûler les gens ne sert à rien pour se faire « reconnaître » ! 😉 Je pense même que si ça continue, je vais retirer le billet qui lui a été consacré (en toute honnêteté) ou mettre un EDIT de circonstance… Moi je n’arrive pas à lire les fichiers PDF, je ne capte pas de la même façon et je ne peux pas rester des heures d’affilée assise à ma chaise, c’est réglé ! Mais ce n’est pas une raison pour noyer ma BAL ou ma bôite mail… 🙄

              • Je refuse toutes demandes, ainsi, pas de soucis et pas de pression (hormis celle d’un verre de bière), pas d’identité dévoilée et pas d’auteur m’attendant devant mon domicile avec un batte de base-ball 🙂

                Le Net est le reflet du microcosme qu’est une entreprise, une famille, un quartier,… Il y a de tout et pour tout le monde, hélas !

                • Belette, moi je refuse certaines maisons d’Editions et TOUS les auteurs qui s’auto-produisent ou qui arrivent là par hasard , j’ai eu trop de déboires, je suis gentille mais pas « achetable » encore moins bonne poire ! Si le Net est un reflet du monde, je confirme, il y a des fous furieux partout ! il faut savoir s’en défaire, ce n’est pas toujours facile ! 😉

                • J’ai toujours dit que je n’étais pas corruptible… En fait, pour me corrompre, faut mettre le prix et personne ne mettra jamais cette somme pour ma corruption…

                  Je déteste les auteurs nouveaux qui débarquent sur Babelio et qui font la promo de leur livre par le biais de MP sans même lire le profil du membre, parce que dans mon profil, je note que je ne lis pas les livres sur demande !!! 😈

                  Je comprend qu’ils doivent se faire connaître, qu’ils bouffent de la vache enragée et qu’ils ne sont pas exposés sur les têtes de gondoles, mais ça donne l’impression qu’on nous contacte uniquement parce qu’on a besoin de nous…

                  Même la famille est un petit microcosme du monde, il y a de tout !!

                • Belette, il y a de tout : entre les jeunes (parfois très jeunes) et qui se prennent déjà pour de grands écrivains qui ont tout compris à tout et tout et tout… Et les vieux écrivains ratés qui parlent de leur incompréhension chronique (pires que Caliméro) :roll:, alors maintenant je refuse !

                • Dieu du ciel ! ça donne envie de sortir son flingue, non ? Le jeune qui veut pas que tu critiques, même positivement et le vieux qui gémit… J’ai choisi la bonne option avec le refus, pourront pas se plaindre que je les descends en flamme !

                • Oui belette mais je ne suis pas une violente et me servir d’un flingue non merci ! Mais certains mots peuvent faire mal et je sais me débrouiller pour dire non !!! 😀 Dieu merci…

                • Les mots peuvent faire plus mal qu’une balle dans le ventre et la plume peut être bien plus redoutable qu’une arme à feu.

                  Tu as remarqué que lorsqu’on décline poliment une offre, les gens veulent toujours qu’on se justifie et ensuite, on devient la méchante ??

                • @ Belette : oui j’ai remarqué ! Quand ils insistent, je ne réponds plus, l’indifférence leur cloue le bec également…

  4. Tu sais quoi, j’ai très envie de lire ce livre, alors je t’ai lue en diagonale. J’ai lu « Maudit soit le fleuve du temps » et beaucoup aimé. Mais je suis trèèès sensible à ton billet et à ton souci de nous transmettre les bios des auteurs : quel bel homme !!!! Hiiiii !!!!! (Aaaah… suis contente d’être passée, tiens !)

    • Anne, je suis contente si j’ai fait au moins une heureuse aujourd’hui !!! Merci pour le lien, tu es choupi adorable ! 😀 Il est pas mal en plus ce Per ??? 😉 (il est remarié depuis 13 ans à la même femme). Je n’ai qu’une envie : lire Le fleuve du temps ! Je fais voyager celui-ci : il part à Marseille chez Nathalie et ensuite il pourrait aller se promener en Belgique ? C’est toi qui vois ! Bises
      P.S. : et je vais renouer avec cette rubrique consacrée à l’auteur à la fin de mes billets même si ça me prend une hure supplémentaire pour faire la synthèse de ce que j’ai lu ! 😉

      • Oh oui, volontiers, je veux bien, le monsieur est compris das le colis, j’espère ! Que Nathalie prenne bien son temps (enfin si toi, tu le permets) je suis over-bookée jusqu’à fin novembre, je crois 😉

  5. Un très beau livre, que j’avais beaucoup apprécié aussi, et comme toi,j’ai particulièrement retenu cette nostalgie intense et pourtant presque scintillante. On se laisse porter au fil du roman, pour moi, pas loin de l’indispensable ! mais je n’ai pas encore lu d’autres titres de cet auteur, je retiens les références indiquées dans les commentaires, au passage.

    • Athalie, tu as trouvé le terme « pas loin de l’indispensable » ! Il se dégage une poésie émouvante de ce livre, je pense qu’il nous touche avant tout ! Moi aussi j’aimerais lire autre chose… Les commentaires sont souvent source de découverte ! 🙂

  6. Je l’avais déjà noté ailleurs, mais même si ton billet est très, très appétissant, je ne prends plus rien tant que les étagères ne désemplissent pas un peu! En plus maintenant que j’ai une bibliothèque sous la main et de nouveaux collègues qui n’arrêtent pas de me fournir en nouveautés, j’ai comme un sentiment d’étouffement et …de grande frustration ! bon dimanche ma vendéenne ! bisous

    • @ Somaja : C’est le genre de livre qui est venu à moi par surprise, je l’ai commencé et pas lâché, il est arrivé au bon moment et ce fut une belle rencontre, je te souhaite la même, au hasard des étagères de ta nouvelle biblio !!! 😀 (ne le prends pas sur la tête ^^)…

  7. Coucou Miss Aspho
    Je suis contente qu’il t’aie plus ce livre 🙂
    Merci pour les recherches sur l’auteur, je n’avais pas pris le temps d’aller fureter sur le net … Quelle tragédie !
    Bon dimanche 🙂

    • Valentyne, merci encore à toi pour ce cadeau ! J’ai vraiment eu envie d’en savoir plus sur lui et la tragédie qu’il a vécu a éclairé un aspect du livre que je trouvais sombre, cette image du père qui disparaît…
      Bises ♥

    • Alex, un style avec des phrases courtes qui n’ont pas l’air comme ça et qui font mouche ! 😉 Bon, d’accord mon explication est tirée par les cheveux mais tu vois ce que je veux dire, sinon tu as l’extrait qui est représentatif ! 🙂