UNE ODEUR DE GINGEMBRE d’Oswald Wynd


George m’avait diablement tentée ICI, elle m’a offert ce livre l’an dernier pour mon anniversaire, je l’avais commencé et …bon ce n’était pas le moment. Et puis Mango, dernièrement m’a convaincue qu’il était temps de l’ouvrir ! J’ai passé cinq jours merveilleux, oscillant entre la joie des espoirs du début et la suite qui est d’une infinie tristesse, poignante, mais il s’agit d’une douleur sobre, tout en retenue et émotions. J’avoue avoir versé quelques larmes bien avant la fin… Je vous raconte tout , enfin pas tout justement !

Si la première transgression de Marie Mackenzie fut d’envoyer valser son corset au nez et à la barbe du chaperon coincé qui l’accompagnait en Chine, rejoindre son futur mari et parfait inconnu (ou presque), l’attaché militaire Richard Collingworth, ce ne sera pas la dernière ! Cette jeune écossaise presbytérienne à la foi vacillante qui vient d’avoir 20 ans en 1903, bien élevée et rougissante va découvrir la Chine, puis le Japon mais pas que… Elle nous conte son histoire, tout d’abord en alternance avec des lettres à sa mère et son journal. Un journal qu’elle écrira sa vie durant, comme un témoignage mais aussi pour y confier ce qu’elle ne peut dire à personne. Petit à petit les lettres à maman qui accusent déjà un décalage avec les confessions du journal vont s’estomper pour s’arrêter définitivement. Elle va tomber amoureuse de la Chine, de sa culture, puis du Japon et… d’un autre homme… Et découvrir la vie en refusant de s’ennuyer. Si elle se conforme quelques temps à son statut d’épouse relativement soumise, son esprit curieux, ses déductions intelligentes vont la mettre rapidement du bon côté des choses mais très vite au ban de la bonne société expatriée des légations occidentales installées en Chine. Nous sommes au lendemain de la révolte des Boxers, le conflit russo-japonais qui a lieu en Chine la perturbe et elle ne comprend pas la misère voyante qui sévit à Pékin comme elle n’admet pas en son for intérieur la façon dont ses compatriotes traitent leurs employés chinois car les deux sociétés ne se mélangent pas.  Alors que , sa visite au Palais d’Été où elle a rencontré Tseu-Hi l’a bouleversée : » Eh bien, le Palais d’Été donne la même impression. On n’est jamais tout à fait surpris, une fois que l’on en a bien compris la conception, car lorsqu’on tourne la tête on est à la fois saisi par l’étonnement tout en étant quand même en terrain connu. Je m’exprime bien mal mais j’ai tout à coup réalisé sur ce pont comment certaines personnes pouvaient être gagnées par une certaine folie de la Chine qui leur rend par la suite intolérable d’en être éloigné. » Elle est pétrie de contradictions qui lui empoisonnent la vie mais ne va jamais contre, elle semble subir…tout en se laissant aller à ses convictions profondes, déterminantes. Notamment en ce qui concerne ses enfants.

Avoir vingt deux ans en 1905 quand on a l’esprit en avance sur son temps et une honnêteté à toute épreuve n’en est que plus dur. Et quand elle se fait chasser par son mari inconsistant, absent et pingre, elle a beau être dans la panade, nous sommes soulagés pour elle ! L’aventure semble avoir apposé son sceau indélébile sur le destin de Mary ! Elle ne retournera pas à Edimbourg mais se retrouvera au Japon où va commencer une nouvelle vie, faite de renoncements douloureux, je pense à ses enfants qui resteront à jamais le point douloureux de son coeur  :  » (…) la pensée de ma fille dont j’allais être coupée à jamais. C’était presque une surprise de réaliser que c’était cela qui m’accablait et me désespérait, et non le fait d’être déshonorée à jamais devant le monde en tant qu’épouse. » Mais je ne vous en dis pas plus sur la fin de sa vie au Japon…

Le destin hors norme de Marie Mackenzie est aussi une longue suite de renoncements et de larmes qu’elle enfouira au plus profond d’elle-même, avec le stoïcisme japonais, sa capacité à se fondre dans des moules inconvenants et extraordinaires pour l’époque ! Juste une petite phrase qui résume ce qui va suivre : « Je dois effacer de ma mémoire l’image d’un sentier qui grimpe à travers un bosquet de bambous. Je ne dois jamais prononcer un nom et je ne dois jamais en parler. Je ne regarderai pas le poème ». Et ça va durer jusqu’en 1942…Le contraste entre son esprit d’abnégation et son grain de folie est saisissant de beauté. Tout cela dans un style sobre, dépouillé du superflu, une vague d’émotions distillée par petites touches comme dans un tableau impressionniste. Un gros coup de coeur !

Une participation au challenge de Catherine dans la catégorie « Dragon de papier« , et un végétal pour le Petit Bac d’Enna.

60 réflexions au sujet de « UNE ODEUR DE GINGEMBRE d’Oswald Wynd »

    • Lystig, j’ai eu la larme à l’oeil plus d’une fois et ce n’est pas mon style ! Et j’ai eu du mal l’an dernier à entrer dedans, je trouvais « bluette », passées les 2à premières pages, le ton est radicalement différent !

    • Violette, je ne peux pas raconter tout le livre, sinon ce serait un « spoiler », je m’attarde donc sur l’esprit du livre le mieux que je peux mais pas facile de ne pas en dire trop en en disant assez… Et il y a paraît-il une patrie autobiographique mais hier soir je n’avais plus le courage d’aller fouiller cette partie là « sur l’auteur »…

    • George, la deuxième partie prend aux tripes, j’ai versé une larme moi aussi, je ne m’y attendais pas ! Et tout cela dans une pudeur incroyable !!! Merci de ce beau cadeau, j’ai pris le temps mais j’ai apprécié ! 🙂

    • Adalana, je t’inviterais presque (si j’osais) à te jeter dessus, c’est une part de l’histoire du Japon, et la vie d’une occidentale dans ce Japon très fermé, très traditionnel, j’ai adoré !

  1. Comme je l’ai aimé ce roman aussi! Il est en deux parties en fait. J’ai beaucoup aimé le début mais je ne m’attendais pas du tout que ça prenne ensuite cette tournure-là qui lui donne une plus grande profondeur!

    • Mango, c’est ton billet qui m’a enjoint à le sortir de ma PAL !!! C’est vrai que j’ai préféré la deuxième partie pour les émotions qui nous traversent mais je crois que j’ai tout aimé dans ce livre !!!

    • Merci ma Syl. ! Je ne vois pas de quel film tu parles mais je te conseille vivement ce livre, tu ne peux que l’aimer !!!! Bises et bonne journée sous ce doux soleil de septembre !

    • Visiblement il n’a écrit que ce roman, ou des polars sous des pseudos, il est mort je crois, je n’ai pas eu le temps d’aller trop farfouiller sur sa vie comme je le fais d’habitude mais je sais qu’il est né au Japon t y a vécu jusqu’à 20 ans environ. Un très grand livre, bouleversant…

    • Anne, je l’ai laissé un an, quand je pense aux nanars que (pas tous heureusement) que j’ai parfois lus à la place !!! Attention, potentiel lacrymal élevé, sauf si blindage en béton !!!^^

  2. rah comment vous faîtes pour pleurer sur un livre, je n’y arrive pas moi…remarque j’ai assez des films !
    en tout cas j’ai adoré ce livre, offert par George également, une très belle découverte ! et quel voyage dnas le temps, tout ce que j’aime !

    • Valou on se comprend moi je ne pleure jamais devant un film, très rarement disons… Ou alors je pleure après !!! Et pour les livres, j’avoue que c’est relativement récent, donc garde espoir !!! 😆

  3. Contrairement à beaucoup, je ne suis pas vraiment attirée par la Chine ou le Japon… Mais j’ai trouvé ton billet vraiment beau et plein d’émotions… Tu me tenterais presque ! 🙂

    • Morgouille, ayant fait cinq ans de chinois (lycée et Fac) et un peu de japonais, j’ai beaucoup beaucoup lu à une époque et j’avoue que je m’en suis lassée, hormis quelques Murakami bien sentis ! Là c’est différent, ce sont les yeux d’une Ecossaise jamais sortie d’Edimbourg et de son bled qui se posent sur le monde ! C’est une vision pârticulière et très émouvante. Mais attend d’en avoir envie pour le lire, tu peux aussi lire les avis de George et de Mango (et certainement d’autres !) pour te faire une idée plus complète… 🙂

    • Maggie, laisse-toi tenter !!! Le pays est décrit « de l’intérieur » de cette femme qui découvre l’Orient ! A son arrivée en Chine, elle ne sortait pas beaucoup, elle restait dans le milieu (quartier ) occidental puis il y a eu la visite au Palais d’Eté, description magistrale et ensuite son jardin au Japon… C’est écrit sous forme de journal (on l’oublie très vite^^) et les descriptions n’empiètent pas sur les autres sentiments. Ce n’est pas comme chez Olivier Adam dans « Le coeur régulier »…

  4. Hello Miss Aspho !
    Cette Marie M. me plaît bien « pétrie de contradictions qui lui empoisonnent la vie » 😆
    Mais c’est tout moi 🙄
    Et pourquoi t’a-t-elle fait pleurer ?
    Bon, je note 😆
    J’en peux plus, les Liseuses, vous me faites trop d’envies 😆
    P.S. non, non et non, je ne lâcherai pas BDS !
    Bises d’O.
    P.S. j’suis super excitée… je te fais un mel…

    • Ca me fait sourire… j’ai dévoré ce we Stupeur et tremblements d’Amélie Nothomb (oui, je sais, suis un peu décalée dans l’actualité littéraire) ! Ahhh le Japon, c’est quelque chose 😆

      • Soène, je n’arrive pas à lire A. Nothomb, son style m’agace… Je pense qu’il n’y a rien à voir, l’action se situe en 1903, jusqu’en 1942 mais on a l’impression d’être au Moyen-Age !!! Et ce livre n’est pas récent, tu sais moi la rentrée littéraire me passe quand même au-dessus même si je me tiens informée ! Je ne lis que ce que je reçois en SP et après quand j’ai lu des avis sur les blogs, éventuellement je lis ou j’achète !!! Il y a beaucoup de déchets… 😀 Bises♥

        • Je suis entièrement d’accord pour Amélie Nothomb, mais je fais une exception pour « Stupeur et tremblements » peut-être parce que j’ai souvent vu et constaté le type de comportement(s) au travail qu’elle décrit: harcèlement et humiliations que l’on inflige aux autres jusqu’à la lie…

    • Soène, ce livre devrait te plaire, je l’ai prêté pas mal de fois depuis un an (avant de le lire moi-même) et on me l’a rendu les larmes aux yeux ou avec des soupirs qui en disaient long… Je ne peux pas te dire pourquoi il m’a fait pleurer, je ne spoile pas la fin d’un livre… Mais quand tu le liras, je te dirai où j’ai eu la boule au ventre !!! C’est aussi une impression générale, pas que des moments particulièrement « lacrymaux »… 😆 Ho oui maile-moi !!! Mais je pars à 14 heures faire des courses !!! Le congélo est vide !!! Bises♥

  5. Je ne lis pas tout (mais tu m’en as déjà dit tellement de bien) et je reviendrai dans le détail quand je l’aurai lu . Il m’attend aussi depuis plus d’un an mais ça va venir. Maintenant, si on pleure tout du long et qu’on ressemble soit à un panda soit à un lapin (en fonction de maquillage ou pas !) je vais peut-être réfléchir…;)
    J’allais oublier…moi, ce sont tes billets qui me feraient presque pleurer tellement ils sont beaux ! 🙂
    Syl. je crois que tu penses à « Le Voile des illusions » avec Edward Norton, magnifique film. En tout cas, c’est à ça que le billet m’a fait penser.

    • Somaja c’est toi qui va me faire pleurer, sortons nos mouchoirs en dentelle (bien sûr) !!! On ne pleure pas à gros bouillons non plus, disons que nous avons le coeur serré une bonne moitié du livre mais je ne t’en dis pas plus ! Nous en reparlerons ! 😀 Bises (Je vais taper Le voile des illusions sur Goog car là ça ne me dit rien, tu sais que j’ai une partie de ma mémoire un peu esquintée 😆 )

    • Aymeline, ce livre a un fort potentiel lacrymal mais il vaut le coup, je l’ai prêté à ma tante qui ne lit pas très vite mais dès qu’elle me le rend, je peux te l’envoyer ???^^ Il faudra bien compter un mois… 😉

        • Aymeline, j’avais cru comprendre qu’il n’y avait pas urgence mais te connaissant je sais que tu le liras en deux jours à peine tant il est prenant !!! Rappelle-le moi si j’oublie ! 😆 (tu connais mes sautes de mémoire ^^)…

    • Pivoine, ce roman a été un vrai coup de coeur, d’autant que c’est l’unique roman de cet auteur, un homme qui plus est ce qui confère à l’oeuvre un parfum encore plus particulier… Ta chronique n’est pas sur ton blog ? Tout simplement… 😉

  6. Ce livre je l’avais commencé et puis ce n’était pas non plus le bon moment. Je le relirai peut-être dans les semaines futurs autour d’une LC avec ma mère. Elle vient juste de l’acheter dans une foire à tout et nous en parlions justement récemment toutes les deux. Ton billet titille ma curiosité, je suis peut-être passé à côté d’un petit joyau de la littérature. Affaire à suivre donc. Bisous