TYRANNICIDE de Giulio Minghini


tyrannicideDifficile de vous parler de ce livre sans  trop vous en dévoiler. Ce qui en a fait le charme justement est peut-être de l’avoir lu sans savoir de quoi il retournait vraiment, sans a priori aucun, sans rien en attendre. Et quelle surprise ! Après ma lecture, j’ai passé une bonne demi-heure pour en savoir plus sur l’auteur et sur Philippe Sollers.

Les trois lettres précédentes, que j’avais lues dans cette très belle collection « Les Affranchis  de NiL s’adressaient à des personnes « mortes »  : Annie Ernaux et sa soeur, Linda Lê et un enfant pas né, Nicolas d’Estienne d’Orves et son meilleur ami suicidé. Ici, la lettre est adressée à Philippe Sollers, qui il me semble est encore bien vivant. Il serait intéressant de savoir ce qu’il en a pensé mais ça… c’est une autre histoire !

Inutile de le préciser, mais après trois pages, on se précipite à la fin pour savoir qui écrit à qui. Le trait, virulent, indigné nous pousse à le faire. C’est un certain Gérard Joyau qui après avoir vu « l’oeuvre de sa vie » refusée six fois par Gallimard, écrit à Philippe Sollers pour lui dire tout le mal qu’il pense de lui et de la célèbre maison d’éditions.

Là où c’est très fort, c’est que la lettre très bien écrite et construite, décrit aussi Tyrannicide, l’oeuvre refusée et nous comprenons  pourquoi elle a été refusée. Comment Philippe Sollers a pu détruire la vie de Gérard Joyau au point qu’il écrive ce véritable pamphlet contre son idole et bourreau. Le paradoxe est là. Nous avons affaire à un dingue de Ph. Sollers qui a rêvé un temps « de poser ses lèvres sur ses célèbres fume-cigarettes », un fan qui a suivi l’écrivain dans d’obscures librairies de province, a lu toutes ses oeuvres (avant de s’en séparer comme on se sépare de son doudou) ((un moment délicieux et cruel). Après s’être repu de lui, il le fustige à hauteur de l’humiliation qu’il vient de subir. « Comment ai-je pu imaginer une seule minute que vous sauriez apprécier mon travail à sa juste valeur ? Vous, l’écrivain le moins doué de sa génération, la pathétique girouette mondaine, le champion même du ridicule. Vous, le faux agitateur des lettres françaises, l’expérimentateur repenti, le subversif en pantoufles… Tâchez de me répondre sincèrement, n’éprouvez-vous pas une certaine gêne de voir vos livres classés entre Shakespeare et Sophocle ? ». (P.47).

Gallimard en prend aussi pour son grade car il est évident que certains livres qui n’entrent pas dans le catalogue ou la ligne éditoriale (ou l’inverse) (ou les deux) n’ont jamais été lus et les auteurs recalés reçoivent souvent la même lettre-type ! Je pense que c’est valable pour toutes les maisons d’éditions. Nous avons d’un côté un mauvais écrivain (la posture de l’auteur est surjouée et volontaire à mon avis), du moins son Tyrannicide ne fait pas envie du tout, de l’autre un Philippe Sollers inaccessible, snob et imbuvable et au milieu une maison d’éditions qui essaie de sauver les meubles ! C’est réjouissant ! Même si le trait est outré, caricatural, on a envie de savoir comment l’histoire finit et je ne peux rien vous dire de plus ! J’ai trouvé la chute excellente et inquiétante… Je l’ai su après, en allant sur Wikipédia me rafraîchir la mémoire sur Ph. Sollers (que je ne me souviens pas avoir lu mais que je connais par le biais des médias) et ho ! surprise ! son  patronyme est Joyaux, avec un « x » ! J’ai trouvé que Giulio Minghini connaissait bien le sujet en signant sa lettre Gérard Joyau.

Je peux juste ajouter que nous en avons parlé presque une journée avec Titine sur FB et George nous a rejoint pour disséquer ce phénomène.

SUR L’AUTEUR   :giulio minghini

(J’ai repris ce qu’en dit la maison d’éditions) : « A vingt-deux ans, Giulio Minghini quittait Ferrare afin de mener à terme ses études sur le situationnisme. Son goût pour les objets littéraires insolites, les écrivains marginaux, les avant-garde contrariées, lui donne une telle maîtrise du français qu’il écrit Fake (Allia) dans sa langue d’adoption. Coup d’essai et coup de maître : cette fable désopilante sur la séduction électronique rencontre le succès public et critique. Traducteur de Crevel, Simenon, Mac Orlan, lecteur insatiable, il bâtit une oeuvre à placer  sous le signe de l’art du détournement, dans l’étonnante poupée russe des relations humaines où il sait si bien reconnaître l’éternelle comédie. » Il n’a pas de page Wikipédia, j’ai dû me contenter de ça ! Et qu’il était né en 1972.

Je remercie les Editions NiL & Robert Laffont pour ce partenariat !

54 réflexions au sujet de « TYRANNICIDE de Giulio Minghini »

  1. J’extrapole… sorte de filiation secrète… J’étais très curieuse de ce billet, de cette lettre, de cette « virulence ». Noté, mais tu m’en diras un plus n’est-ce pas ?

  2. Je déteste Sollers, je n’ai fini aucun de ses romans, mais il me tente énormément ce livre. Un écrivain raté et inquiétant qui écrit une lettre , sur fond de Gallimard … Je le mets sur ma liste de Noël !

    • Lili, mystère accentué par le fait que je ne le connaissais pas avant d’ouvrir ce livre alors que Sollers est mondain, même sans l’avoir lu, on sait qui c’est ! 😉

  3. C’est règlement de comptes entre écrivains…je ne connais ni l’un ni l’autre mais je ne crois pas que Solers lui réponde un jour…l’épistolaire est à la mode et de n’est pas fais pour me déplaire.

    • Mind, c’est LE moins que l’on puisse dire ! Je ne peux dévoiler la fin qui explique le ton mais ce que je peux dire c’est qu’on ne le lâche pas, en même temps, 76 pages, ça ne se refuse pas ! Tu as le Nicolas d’Estienne d’Orves à lire, si je ne m’abuse, j’adore cette collection ! 😉

          • Il faut qu’on lui offre un répertoire pour inscrire ses carnets d’auteurs à lire à notre Soène…et 3 boites de Guronsan…ellle m’a presque dit qu’elle allait attaquer les Brontë à la retraite…si je gagne au loto, je lui achète l’intégrale aux éditions la Pléiade…et 12 boites de Guronsan. Warf !

            • Mindounet, malheureux pas de Guronsan, elle va traverser les portes !!! Elle est déjà assez énervée comme ça notre Soène !!! Elle ne dormirait plus du tout !!! Pour les Brontë, tu n’y vas pas un peu fort, pour un début ? Juste jane Eyre pour commencer, après on verra…
              Je suis d’accord pour le carnet, là on peut faire quelque chose ! 😀

            • Et ben dites donc, les deux compères, on s’amuse quand j’ai les yeux occupés ailleurs 🙄
              Enfin, c’est gentil, j’dis rien 😆
              Du Guronsan mais j’pète la forme, j’suis électrisée haut voltage, pas besoin, ni de l’intégrale des Soeurs B, hein 🙄
              J’ai la version Jane Eyre allégée Jeunesse, ça me suffit !
              Allez, j’vous M et j’vous bisoute fort ♥
              Miss Aspho, rhô comme je pense à toi 😉
              Tu as dû te mettre sur ton 31 et tu dois être au 7e ciel en ce moment 😆

              • Soène, t’as vu comme il se lâche Mindounet quand tu n’es pas là !!! Version allégée, j’y crois pas, ce sont les quenelles qu’il faut alléger !!! 😆
                Non je ne suis pas au 7ème ciel, aujourd’hui c’était Hôpital à Nantes, beaucoup moins joyeux, c’est demain la journée cool !!! 🙂
                Bises

  4. Il est super ton billet, il faut que je fasse le mien rapidement mais nos impressions sont les mêmes comme tu le sais. Mais j’aimerais beaucoup savoir ce que Sollers en as pensé s’il l’a lu et pourquoi Giulio Minghini l’a choisi comme victime !

    • Titine, il y a peut-être une part de vrai dans ce qu’écrit Minghini, Sollers a peut-être refusé Fake de Minghini (qui n’est pas édité chez Gallimard), ce ne sont que spéculations de ma part !^^ A savoir, (lu dans Wiki) que Sollers est passé « à côté » d’Emilie Nothomb, il avait refusé « Stupeurs et tremblements » en son temps ! 😉 . Quand il le traite d’assassin littéraire, il n’a pas tout à fait tort…

        • Titine : au départ cette lettre se doit d’être sincère, c’est ce qui a rendu les autres de cette Collection si touchantes. Donc, là, Ph. Sollers étant vivant, il fallait détourner le sujet mais je pense qu’il y a un fond de vérité ou alors c’est un montage total et une duperie ! 😉

  5. Je n’ai encore rien lu dans cette collection ; Philippe Sollers ne m’intéresse pas beaucoup, comme tous les auteurs qui ont bâti leur réputation en squattant tous les medias. Du coup, j’hésite ..

    • @ Aifelle : j’adore cette collection, je n’avais pas du tout aimé la lettre de Linda Lê non pour la forme mais pour le fond, et j’ai beaucoup aimé les deux autres… Celui-ci est particulier, je ne m’attendais pas à CA ! Moi non plus je ne connais pas Ph. Sollers l’auteur mais le mondain prétentieux oui ! (Je te maile…)

  6. Oh que cela me semble intéressant ! On ne dénonce pas assez les travers du monde de l’édition…. Même si, ayant moi-même été plusieurs refusée par des éditeurs, je n’aurai pas envie d’être aussi vindicative, je comprends qu’on puisse avoir un sentiment total d’injustice.
    Je vais voir si je trouve ce livre dont vous parlez si bien. J’aimerais le lire. Je ne sais pas si je pourrai le trouver en bibliothèque….
    Bonne journée.

    • Bonheur du jour, ce qui est intéressant ici, c’est qu’il donne l’exemple d’un « mauvais livre » enfin qui ne donne pas envie du tout mais quelle que soit la qualité de l’ouvrage, les maisons d’éditions ne lisent pas tout ou renvoient le manuscrit avec des critères qui ne tiennent pas toujours la route et surtout surtout, les mêmes critères pour des livres différents ! Il y aurait à dire, c’est certain…
      Bonne journée ! 🙂

    • Christie, ho désolée tu étais dans les Indésirables, je viens juste de te repêcher ! Ce livre est intéressant, pour le fond. Qu’on ai lu Sollers ou pas. Quand on connait un peu le « personnage » c’est mieux mais ça aurait pu être quelqu’un d’autre… 😉

    • So, pour être surprenant il l’est ! Si tu ne le trouves pas, je me tiens à ta disposition, tu le sais ! Il vient juste de sortir alors n’hésite pas, en plus il est tout léger ! 🙂

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