
Sylvie Germain vers 1985 ?
Toujours avec Val, qui avait décidé de deux extraits de ce livre magnifique, je vous propose un autre extrait du Livre des nuits mais je reste sur ma faim, aussi j’ai décidé de vous en toucher trois mots prochainement, pas comme pour un billet « classique », vu que je l’ai lu il y a 3 ans mais avec la formule « Ce qu’il m’en reste« , j’en ferais peut-être une rubrique vu le nombre de livres non chroniqués dont j’aurais tant aimé vous parler… Celui-ci en premier.
Aujourd’hui j’ai choisi un passage du « cinquième livre« , intitulé « Nuit des cendres« , chapitre 7 : Si vous voyez des (…), c’est que je saute un passage peut-être clé, du moins avec des révélations sur les personnages et le but n’est pas de déflorer ce livre, juste vous donner envie de le lire ! Une dernière chose : je trouve (c’est complètement personnel et subjectif) que Sylvie Germain, comme beaucoup de grands écrivains avait déjà dans ce premier livre, des « tics » de langage ou d’écriture, notamment les tirets après une virgule, ce qui était à la mode aussi à l’époque… Je me suis permise dans le dernier paragraphe, que je trouve superbe, d’en enlever les trois-quarts sans que cela ne nuise à la lecture, bien au contraire, les mots semblent libérés de cette posture-prison de ponctuation. Les puristes me pardonneront (en même temps si je ne l’avais pas dit…hormis l’auteure elle-même, qui aurait remarqué ?^^)….
» (…) Plus de monde pour lui (…) Ce n’était même plus la nuit et le silence mais les ténèbres et le mutisme. Sachsenhausen. Ce mot lui martelait l’esprit sans répit, nuit et jour, à l’exclusion de tout autre mot. Nulle pensée, nulle image ne parvenaient à se former en lui, ni surtout à se poser. Sachsenhausen. Cela battait comme le bruit opaque de son propre coeur, – un même rythme aveugle. Les semaines, les mois passèrent, et rien n’y fit, le bruit s’obstinait à battre sa sourde cadence, tellement monotone. Sachsenhausen. Sachsenhausen.
(…) Sa tête était si lourde, si lourde de vide, et avec ce sempiternel martèlement intérieur, elle ne savait même plus rester droite (…) Il ne connaissait plus la faim, ni le sommeil, ni la soif. Il ne souffrait même pas. Il était comme en-deçà ou au-delà de la souffrance. Il avait basculé dans une zone néante. Il subissait le terrible écoulement du temps, heure par heure, seconde après seconde. Un temps déjeté hors du temps, évidé de durée, – nul. Sachsenhausen. (…)
(…) Sachsenhausen. Sachsenhausen. Il subissait l’épreuve de la nuit absolue, – la Nuit où tout a disparu. La Nuit de l’aboli et il était assigné à une pure insomnie, à une présence folle saturée d’absence. Il ne pouvait pas ne pas être là – nulle part à veiller heure par heure – dans le jamais, l’impossible. Il ne pouvait pas ne pas voir, voir cela même qui ne se laisse pas voir, voir le néant même de tout voir. Il voyait la Nuit, encre tout à la fois opaque et translucide, encre d’avant toute écriture, ou bien d’après. Nuit-d’encre noire où plus rien ne s’écrit, ne se dit, ne se lit. Nuit-d’encre illettrée où plus rien ne se passe. »

crédit photo : Aurélia Frey – Variations.
©Le Livre des Nuits de Sylvie Germain – Editions Gallimard, 1985. Extraits des pages 322, 323, 324.
Allons voir chez Valentyne, l’extrait qu’elle a choisi aujourd’hui !
Si triste ce livre …
Par moment j’ai dû le poser …
Pour mieux le reprendre …
Bisessss Asphodele
Moi aussi Val, il y a des passages insoutenables, il faut les « digérer » mais c’est un « grand » livre… Bises ma Jument préférée ! 🙂
Merci à vous deux, si matinales , Sylvie Germain a un style extraordinaire, ses phrases comme des volutes qui captent l’attention, nous enveloppent et nous entrainent au coeur de son récit, des émotions qu’elle évoque.
Domi, c’est la magie de cette auteure, on accroche ou pas, on se laisse embarquer ou pas mais quand on s’abandonne, on sait que l’on n’en ressortira pas indemne ! 😉
comme dit à l’instant chez Val, un peu trop d’adjectifs pour moi (une pure insomnie, un rythme aveugle…) et des oppositions formelles (présence folle saturée d’absence) qui m’énervaient déjà chez Victor Hugo 🙂 et qui me sortent du récit. Heureusement que tu as élagué les tirets !
Mais tout n’est pas perdu, j’aime beaucoup la photo d’Aurélia Frey.
Mon Dodo, tout le monde ne peut pas adhérer et je le comprends très bien ! Il y a des auteurs qui nous correspondent, dans lesquels on se retrouve, qui nous embarquent et d’autres qui nous agacent ou nous laissent de marbre ! C’est aussi ce qui fait la richesse et le charme de la littérature ! 😉 Et merci pour Aurélia, c’est une photographe qui me touche beaucoup et que j’ai à coeur…
M’enfin !! Le [-,], c’est une marque propre à Sylvie Germain, il ne faut pas lui enlever !!!!
Lili, oui je sais, c’est une hérésie ! Tu remarqueras quand même qu’elle en use moins dans ses derniers livres et ce n’est pas plus mal ! Parce que quand ça nuit à la beauté, à la fluidité du texte moi je trouve qu’elle est là l’hérésie ! D’ailleurs je suis certaine que si elle devait réécrire ce livre aujourd’hui, elle supprimerait certains « tics » qui n’apportent rien à son « style » déjà majestueux… Elle a cédé aussi à des phénomènes de mode (les mots valise à outrance très 60-80′) et elle n’a pas besoin de ça ! 😉
Comment, tu oses retoucher un texte de Sylvie Germain !!! fut-ce seulement des tirets, c’est pas bien … Je l’ai lu il y a longtemps celui-là, si je devais en relire un, ce ne serait pas celui-là.
Oui Aifelle j’ose parce que là ce n’est pas justifié, ça entrave la compréhension du texte et ça n’y apporte rien ! Mais bon, je le dis pour bien montrer dans ce paragraphe précisément (hormis les deux que j’ai laissés) que ça ne change rien à la compréhension… A relire, je préfèrerais peut-être Tobie des Marais mais dans quelques années, c’est encore trop frais et j’en ai 5 ou 6 dans ma PAL qui m’attendent d’elle ! 😉
Pour reconnaître immédiatement un auteur, il faut qu’il ait beaucoup de style et certainement beaucoup l’aimer (ou le détester).
En tout cas l’extrait que tu as choisi est très fort, en quelques lignes elle sait nous faire ressentir le néant. J’ai encore tout à découvrir d’elle.
J’espère que tu vas bien Aspho, et que tu as réussi à te sortir de ce problème de piratage.
Bises
Louise, elle on la reconnaît très vite, surtout après ce livre ! Paradoxalement, je n’accroche pas à tous ses livres comme je te l’ai dit mais ceux que j’aime, je les adore ! Je vais…ce lundi noir m’a quand même déstabilisée et bousculé tout mon planning de la semaine, j’ai l’impression de ramer à contre-courant pour me mettre à jour et j’ai encore du boulot ! Quelle plaie ! 😉 Bisous♥
Bon ben non, définitivement…ça ne me touche pas…c’est comme ça ! 😀
Mindounet, je ne te forcerai pas tu le sais ! Bien au contraire ! Et puis en y réfléchissant, il y a des « périodes » pour certains auteurs comme pour certains livres…Je ne sais pas s’il y a dix ans elle m’aurait autant plu. Et j’ai des lectures d’il y a dix-quinze ans que je ne pourrais plus faire…Mais il y en aura toujours que j’aimerai définitivement et à vie… 😉
Intéressant ton petit aparté sur la ponctuation ! C’est étonnant l’importance qu’elle peut avoir pour la fluidité de lecture, et le plaisir -ou l’agacement – qu’elle peut susciter …
Mior, c’est curieux parce que ça ne m’a pas du tout gênée quand j’ai lu le livre et c’est en tapant l’extrait que ça m’a profondément agacée ! Et en les supprimant, je me suis rendu compte que ça n’enlevait ni n’ajoutait rien au texte, au contraire, ça le libérait, lui donnait plus de pouvoir d’évocation. Mais si Sylvie Germain venait me dire de les remettre ou que sais-je (ce qui m’étonnerait), je le ferais ! 😉
Son dernier m’attend dans ma PAL….. Tu sembles être une fan de l’auteure.
Alex, je suis une « fan » modérée car je n’ai pas aimé tous ses livres ! J’ai aimé son dernier qui est très particulier ! De toutes façons c’est une auteure à part, on l’aime ou pas… Mais on ne peut pas lui enlever, quels que soient les livres, sa maîtrise absolue de la langue et du style…
Une auteure dont je n’aime pas tout les livres, et surtout dont certains passages m’agacent. Mais à qui je reconnais un grand talent , ce qui m’agace c’est justement cette volonté de tout « poétiser » parfois ça ne passe pas.
Luocine, moi non plus je n’aime pas tous ses livres mais ceux que j’aime, je les adore ! En même temps, j’aime la poésie, donc ça ne me dérange pas mais dans ses premiers livres, elle abusait de pas mal de « tics » qui ont fini par m’agacer alors que vraiment elle n’a pas besoin de ça comme marque de fabrique ! 😉
Je crois que je ne lirai pas ce livre. Un sentiment… comme ça… Mais très belle écriture !
Comme je te l’ai dit la semaine dernière, ce livre est trop dur pour toi, émotionnellement, mais je te conseille VRAIMENT Tobie des Marais…pour l’écriture et pour l’histoire !
J’aime beaucoup la photo de l’homme qui tourne en rond sur sa pendule. On dirait une photo de l’excellent Gilbert Garcin.
Amusant le débat sur la ponctuation.
Mais le sujet évoqué ici par cette auteure me semble beaucoup trop triste, au regard des derniers événements j’ai besoin d’un peu de légèreté …
Bisous ma chère copine, bien remise de ton voyage en Grèce ? 😉
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Je ne sais pas pour la photo de l’homme sur la pendule, comme souvent quand on « épingle » des photos sur Pinterest qui ne précisent pas toujours la source… C’est un livre qui offre une palette infinie d’émotions, qui couvre plusieurs générations et époques mais globalement il est très triste alors il faut le lire dans une période où l’on se sent prêt pour le faire, pas à contre-coeur, comme pour tous les livres d’ailleurs ! 😉
Mon voyage en Grèce ? De quoi tu parles ? 😆 Le dernier remonte à 1984, alors… 😆
Gros bisous ma céleste amie♥
je parlais du mail tout pourri que j’ai reçu, qui me disait que tu étais en Grèce et que tu avais perdu ton sac avec tous tes papiers… lol et que je devais t’envoyer 1500 euros…
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J’avais compris ! 😆 C’est pour ça que je te disais à quand remontait mon dernier voyage dans ce très beau pays ! 😉
Ces extraits me semblent très sombres.
Bisous à toi!
https://lachambreroseetnoire.wordpress.com/2016/03/21/brigitte-bardot-et-son-look-dans-don-juan-73
Isa, c’est un livre très sombre et très triste mais paradoxalement, il offre, en contrepoint, des instants d’une lumière incroyable…
J’apprécie son style ! Bises mon Aspho !
Lydia, oui son style est bien particulier, sensible et lumineux ! Gros bisous♥
Un partage tres interessant, surtout pour moi qui ne connais pas cette auteur, je note!
Bisous.
Sara, elle n’est pas toujours facile à lire car elle a un style très particulier mais moi j’adore ! Bises 🙂
Je n’ai pas tout lu d’elle mais j’ai beaucoup aimé les deux livres que j’ai eu l’occasion de lire : Tobie des marais et Le monde sans vous; J’ai bien l’intention de découvrir ces livres sur Prague et sur Cracovie.
Claudia moi non plus je suis loin d’avoir tout lu ! Mes préférés à ce jour sont Tobie des marais, Le livre des Nuits, Nuit d’Ambre et un peu moins Petites scènes capitales, beaucoup son dernier A la table des hommes dont je vais parler bientôt mais j’ai encore dans ma PAL « La chanson des mal-aimants » , « L’Inaperçu » (qui se passe à Prague il me semble), « Immensités » et un ou deux autres dont le titre m’échappe ! ;). On prend son temps pour la lire ! 😉