ABSOLUTION de Patrick Flanery


Un très beau livre de la rentrée littéraire publié chez Robert Laffont dans la collection Pavillons et 450 pages exigeantes bien qu’il s’agisse d’un premier roman ! Il m’a fallu passer le cap des 100 premières pages pour entrer complètement dans ce livre à la construction diabolique et aux rebondissements passionnants.

absolution couvL’action se déroule en Afrique du Sud, au Cap essentiellement. Clare Wade est une romancière célèbre, reconnue dans le monde entier, et beaucoup moins dans son propre pays ;  elle arrive à un âge avancé et se décide à confier l’écriture de ses mémoires à Sam Leroux, jeune universitaire qui revient au pays après des années passées à New-York, loin de cette Afrique du Sud qui ne lui a pas laissé que de bons souvenirs.

Clare est une femme complexe qui ne s’est jamais remise de la disparition de sa fille Laura en 1989, membre actif de la lutte armée et elle doit se confronter aux rapports accablants de la Commission Vérité et Conciliation, pour savoir qui était vraiment sa fille,   » de décider s’il s’agit d’un serpent monstrueux ou d’une déesse à dix bras » (p.103). A savoir que sa fille a participé à des attentats et que cette Commission lui relate toutes les horreurs subies par les victimes. Comment une mère peut-elle imaginer son enfant en tueur potentiel ?

Les chapitres dédiés auxs états d’âme de Clare, à son extrême lucidité vont donc alterner avec les réflexions de Sam et  ceux intitulés 1989 où Clare, qui a récupéré tous les journaux intimes de Laura essaie d’imaginer ce qu’il a pu advenir de sa fille, si elle est morte ou encore vivante quelque part. Je dis extrême lucidité pour ce qui concerne son oeuvre, ses choix de vie, ce qu’elle a loupé avec Laura et enfin,  le  choix ultime de laisser Sam écrire ses mémoires :  Sam qu’elle ne reconnaît pas immédiatement et pourtant leurs vies sont intimement liées, beaucoup plus qu’elle ne le croit… « Mais à mesure que les jours passent et qu’il pose des questions de plus en plus indiscrètes, je commence à comprendre (…). J’ai convoqué peut-être mon propre juge, peut-être même mon bourreau, bourreau de l’esprit, de la volonté et des certitudes, si ce n’est de ma propre vie ». (pages 79 et 80).

Clare qui a connu la période de l’apartheid se confie aussi sur la censure et sur ce qu’est être une romancière écrivant avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête même si ses romans n’ont jamais été censurés. Elle compare la censure à un ver qui, insidieusement peut se glisser et influencer ce que l’on écrit, à son corps défendant. « Quand je sortais en public, j’étais gênée, horrifiée et dégoûtée à l’idée que l’on puisse deviner que le ver m’avait infectée » (page 60). Comment rester totalement sincère quand on sait que chaque mot va être passé au scanner pernicieux de la censure ?

Mais au-delà de ces trois vies chahutées par l’Histoire de l’Afrique du Sud, le tableau post-apartheid brossé par Patrick Flanery est loin d’être rose. La nation « arc-en-ciel » de Mandela est inscrite dans les lois mais les mentalités n’ont guère évolué. Les riches se barricadent dans des maisons hyper sécurisées, hérissées de barbelés, d’alarmes et de triples vitrages à l’épreuve des balles. Ils n’osent même plus donner aux pauvres car ils savent que c’est sans fin…

Clare trouvera-t-elle des réponses à la quête qui la tient debout (digne et chancelante) depuis 1989 concernant sa fille, Sam retrouvera-t-il sa place, celle qui lui a été volée ou qu’on ne lui a pas accordée ? Le roman « Absolution » que Clare écrit parallèlement au récit absoudra-t-il tous les échecs qu’elle porte en elle comme autant de souffrances jamais consolées pour réhabiliter, du moins comprendre l’impossible ? Mais comment aussi continuer d’écrire envers et contre tout, avec une conscience d’une objectivité remarquable.

Mon seul bémol : encore une fois, le nombre conséquent de coquilles, voire de fautes à ce niveau là et je ne cesserai jamais de le déplorer… quand elles dépassent les 10 !

Sinon, un livre qui m’a profondément émue et interrogé sur ce pays difficile, dont on ne sait que ce que les médias veulent bien nous montrer et les personnages, à leur façon, transcendent par leur présence solaire ce roman à tiroirs (souvent glauques) qui ne peut laisser indifférent. Difficile à situer, entre thriller psychologique et roman de civilisation, nul doute que l’auteur maitrise l’art de la construction narrative,  sa plume élégante et intelligente est à suivre.

SUR L’AUTEUR :patrick flanery

Il n’a pas encore de page Wikipédia, je reproduis les infos fournies par l’éditeur :  » Patrick Flanery est né en 1975 en Californie. Collaborateur au Times Literary Supplement, il vit actuellement à Londres. J’ai lu quelque part qu’il avait obtenu une licence d’Arts Plastiques.

Robert Laffont, collection Pavillons, ©2012, 450 pages, 22€.

L’avis de Titine de Plaisirs à Cultiver qui a beaucoup aimé également.

Une participation au Défi Premier roman d’Anne.défi 1er roman chez anne

43 réflexions au sujet de « ABSOLUTION de Patrick Flanery »

    • Adalana, il est très intéressant, sensible mais aussi pas facile d’y entrer, mais une fois qu’on y est, on ne le lâche plus ! Et c’est une vision de l’Afrique du Sud qui fait froid dans le dos, bien loin des rêves écaillés de la nation « arc-en-ciel »…

    • George, tu l’apprécieras davantage en cette période plus propice à la lecture, car ce n’était pas vraiment un « livre d’été » mais je suis contente de l’avoir lu ! Ma PAL ne boude pas, je refuse des propositions et je me sens plus légère !!! 😀 Il faut savoir raison garder, tu es trop jeune encore !!! 😆

  1. Bonjour Asphodèle ! Ca a l’air top, je vais le noter sur ma liste tout de suite. Je ne connais pas bien l’histoire de l’Afrique du Sud, et ça pourrait être un bon commencement ! Bonne journée !

    • Anne Souris, moi je ne connaissais l’histoire de ce pays qu’à travers des documentaires télévisés, on en apprend davantage sur ce qui s’est passé en 1989, sur l’avant et le post-apartheid et avec les histoires entremêlés de trois personnages qui irradient ! Un excellent premier roman en tout cas !!! 🙂

    • Syl., ce n’est pas un livre de plage, je confirme, j’ai mis 15 jours à le lire en août dan mon planning de fous mais je suis contente de l’avoir lu, on en ressort…pfffiou !!!♥

  2. L’Afrique du Sud m’intéresse aussi beaucoup.Tragique pays aux écrivains immenses pour lequel je n’arrive pas à être optimiste. Ces si beaux auteurs que sont Brink, Coetzee,Schoeman ne m’y incitent guère.A très bientôt,bises picardes.

    • Claude, tu es beaucoup plus calé que moi ! Je ne suis pas optimiste non plus quant à l’avenir de ce pays où les lambeaux des drapeaux arc-en-ciel sont décolorés depuis longtemps et où la différence entre les classes sociales ressemble à un abîme abyssal…. A très vite, bises ensoleillées de l’Ouest qui a chaud depuis hier !!! 🙂

  3. Je ne crois pas avoir jamais lu un roman se déroulant en Afrique du Sud, et ça m’intéresserait d’en savoir plus. Pourquoi pas quand il y aura une édition sans coquilles ? ^^ Ça a le don de gâcher complètement ma lecture…

    • Natiora, ça m’agace prodigieusement, c’est le troisième en peu de temps (Les Débutantes, Maine), pourtant ici la maison d’éditions est sérieuse, je n’y comprends rien, je me suis arrêtée de souligner à 6 !!!! Quand même… 🙄

  4. Nos avis sont très similaires sur ce livre même si je n’ai pas eu de mal à rentrer dedans. La construction est vraiment admirable et la vision de l’Afrique du Sud donne des frissons. Il y a encore tellement de chemin à parcourir pour arriver à une nation unie.

    • Titine, j’ai lu ton billet après avoir tapé le mien et nous avons éprouvé les mêmes choses, hormis ma difficulté à entrer dedans (il faut dire que je n’étais pas dans des conditions idéales). Moi je trouve « honnête » sa vison de l’Afrique du Sud, on ne nous donne à voir que le côté rose des choses et c’est un tort. Il sera encore très long le chemin idéal rêvé par Mandela… J’ai connu ça en Nouvelle-Calédonie, les textes pour le « vivre ensemble » ont été votés mais dans la réalité, très peu de changements profonds, que des sourires de façade…

    • Alex, heureusement que le livre est bon et fait que nous passons outre mais je ne peux m’empêcher de le souligner, c’est quand même incroyable venant de cette collection ! D’ailleurs, allô Robert Laffont ? Si vous cherchez des correctrices, je suis dispo !!! 😀 (pas que Robert Laffont d’ailleurs…)^^

  5. Il a l’air drôlement bien…j’adore les histoires où on tente de chercher une vérité sur un individu…surtout sur fond d’histoire nationale…je me le note. Oserais-je dire enfin un bon polar? (je le perçois comme cela)

    • Galéa, huuum polar, oui pourquoi pas ? Si ce n’est que c’est la mère qui enquête sur sa fille mais que…son statut de mère justement l’a empêché de voir certaines choses (il ne faut pas que je t’en dise trop non plus si tu veux le lire^^) ! Il y a un suspense psychologique c’est sûr alors de là à dire que c’est un thriller il n’y a qu’un pas…Je l’ai proposé à Aifelle qui a l’air de crouler, si tu veux, il peut passer chez toi avant ??? Tu me dis !!! 🙂

    • Rhooo Merci Anne pour le lien, t’es un amour !!! 🙂 Je crois qu’il y a quelque chose déjà mais pas que l’Afrique du Sud, le Commonwealth (je ne sais plus chez qui en revanche), je ne m’inscris plus car je ne sais pas à l’avance si j’aurais des lectures qui entrent dedans et voilà… 😉

    • Jérôme ce n’est pas si glauque que ça, c’est juste la réalité de l’Afrique du Sud, et il ne s’y est pas passé que de jolies choses, aujourd’hui encore… C’est un très bon livre quelle que soit la catégorie où on le range ! 😉

  6. Coucou Miss Aspho,
    Il était aussi bon qu’il était beau ton cake ? 😆
    Aux courgettes ?
    Quant à ce billet, parfait, c’est ton habitude.
    Je ne connais rien de l’Afrique du Sud. Juste Charlène 😆 Je sais que ça va faire bondir les liseuses, ma réflexion 😆
    Un jeune écrivain qui promet. Très bien.
    Pour quand je serai vieille… très vieille 😉
    Il pleut à O. zut alors, ça va pas recommencer à la mi septembre tout d’même 🙄
    Sinon, rien d’autre, le moral n’y est pas trop, l’année à 13 lunes nous vole trop de monde.
    Gros bisous d’O.

    • Soène, il était délicieux, non pas aux courgettes, il faut varier ! 😆 Mindounet a emmené le reste je regrette de ne pas en avoir fait deux !!! Absolution ? Non je ne te le conseillerais pas en ce moment mais pourquoi pas plus tard quand tu seras plus dispo dans ta tête ? 😉
      Ce n’est pas une bonne année 2013 mais je le savais, enfin là c’est l’hécatombe… Bises de l’Ouest où il fait bon, calme ce soir♥