LES HARMONIQUES de Marcus Malte


harmoniquesC’est ma troisième lecture de Marcus Malte que j’aime beaucoup. Un roman (classé dans Folio policier) « musical » comme son titre le laisse suggérer. Le rythme est beaucoup moins effréné que dans Garden of Love et pourtant je trouve cet opus beaucoup mieux maîtrisé. Du début à la fin, alors que dans Garden, on pourrait émettre l’objection d’une fin rapide par rapport à la frénésie du départ… Venons-en aux faits !

Cette lenteur sensuelle, jazzy laisse la part belle aux morceaux musicaux choisis, donnés en play-list par l’auteur juste avant de commencer le livre. Et c’est un petit plus pour qui aime la musique !

Mais que sont les « harmoniques » ?  « Les notes derrière les notes, dit Mister. Les notes secrètes. Les ondes fantômes qui se multiplient et se propagent à l’infini, ou presque. Comme des ronds dans l’eau. Comme un écho qui ne meurt jamais. »  (p. 323).

Mister est un homme  tendre, pianiste le soir dans un club de jazz parisien. Il a appris que Véra Nad , son « amie », est morte brûlée vive et que les deux présumés coupables sont passés aux aveux. Mais quelque chose le chiffonne, il en parle à Bob, son meilleur ami. Bob, la soixantaine bien entamée, ancien chauffeur de taxi parisien, qui roule toujours dans une antique 404 Peugeot, jonchée de cassettes des plus grands du jazz. Mister était amoureux de Véra, même s’il ne s’était encore rien passé entre eux, même s’il la connaissait mal, il lui reste le souvenir de leur complicité autour du piano quand elle venait l’écouter certains soirs de blues…

Mister et Bob commencent à enquêter, sans l’aide des flics, ils remontent la filière serbo-croate installée à Paris. Marcus Malte, à travers Mister nous brosse un portrait sanglant et sans complaisance de la guerre qui a ravagé l’ex-Yougoslavie dans les années 1990 et à laquelle beaucoup n’ont rien compris (moi la première)… Les enjeux n’étaient pas que l’épurement de la race : des puissances  occultes s’en sont mêlées, des personnalités de pouvoir (connues) attirées par l’odeur sans nom de l’argent :   » – Tout est possible dit l’homme, pourvu qu’on y mette le prix ! L’argent se fout des lois mathématiques. Dans notre monde, l’argent est au-dessus des lois. De toutes les lois. L’argent EST la loi !… » (p. 381). Certains passages font frémir car ils sont non seulement d’une réalité évidente mais absolument logiques et …crédibles ! Quel rapport avec la jolie Véra, croate, amoureuse de théâtre et qui posait nue pour un peintre serbe ?  Dans sa quête de vérité, Mister va en apprendre plus qu’il ne le cherchait au départ, bien loin au-delà de l’horreur et de la simple barbarie que l’homme sécrète comme un poison sans fin. Car Mister, lui à de l’oreille, il est capable d’entendre ces fameuses harmoniques, ces notes inaudibles et qui continuent bien après que la musique ait cessé…

Mais il y aussi de l’humour chez Marcus Malte et un chapitre avec un quiproquo désopilant. Mister travaille dans une boîte de jazz et le serveur est gay ! Renato est secrètement amoureux de Mister. Mais quand il croit que la réciproque est vraie, c’est à mourir de rire (p. 265 à 275 environ).
Et tous ces chapitres en italiques, qui portent un titre de standard musical où nous découvrons Véra, la Bosnie, les dessous de l’affaire et les liens qui la sous-tendent.
Mais aussi la révolte larvée de l’auteur face à cette boucherie sans nom qu’a été la guerre dans les Balkans :  » Parce que le monde savait. Le monde ne pouvait pas l’ignorer. Le monde observait et attendait parce que le monde est patient, le monde est diplomate. Pourquoi se précipiter ? Des usines de chaussures, des églises baroques : il n’y a plus d’urgence. Et bien sûr quand il est trop tard les commis du monde débarquent aux basques des barbares. » (p136).

Une ballade désabusée, qui ne finit pas spécialement bien où il n’est pas besoin de piocher des images de crimes dans les faits divers, pas seulement, il y a des guerres pour cela ! J’ai beaucoup aimé cette lecture. Et j’ai du mal à la classer en « polar » !

Je remercie Babélio et les Editions Folio de cet envoi, dans le cadre de la dernière Masse Critique.

Une participation au challenge Thriller/Polars  de Liliba, d’Anne, des Notes et des Mots, une pour Lystig  et « Vivent nos régions », avec Paris et la grande banlieue. Et j’avais oublié : pour celui de Laure « Challenge à tous prix« , puisqu’il a obtenu le Prix Mystère de la critique 2012 !!! Shame on me !

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54 réflexions au sujet de « LES HARMONIQUES de Marcus Malte »

  1. Bon! Ce n’est pas du léger léger quand même , je me le note pour le printemps (à cause du jazz, de Paris et des Balkans )

  2. J’ai beaucoup aimé « Garden of Love » mais le livre suivant de Marcus Malte que j’ai lu « Carnage, constellation » m’a bien moins plu et depuis, je n’y suis pas retournée…

    • Ys, je pense que Garden est un livre non identifiable et on ne peut pas comparer ! Mais celui-ci est très bien fait, bien écrit mais bon, on le lit plus « posément » ! Je continuerai à le lire, j’aime ses coups de gueule !

  3. aaaah que ta definition des harmoniques est juste , « les « notes derriere les notes », « comme un echo qui ne meurt jamais »…et qui hante les pôv’musicieens amateurs sur le tard rabroues par leur (malgre tout) gentil prof surdoué qui ne pensze qu aux harmoniques !!!
    bon, encore un bon cru mais je viens d empruntet « garden of love » , on se demande « à cause de qui…!
    dis donc, t es emballeelà ! et t as vu ? dejà 4 comm avant 8h ???!!!! quel talent !
    biz ma vendeenne !

    • Jeneen, ce n’est pas MA définition, c’est celle de l’auteur !!! C’est vrai que tu fais de la musique, warf ! Si tu lis Garden, alors là tu vas vraiment être toute décoiffée ma pôv’ korrigane, on en reparlera hein !!! Gros bisous !!!

      • Et bien, ça promet 😉
        Le face à face sera divin 😉
        N’oublie pas de mettre ce livre dans ta valise 😉
        Moi non plus, je n’ai jamais rien compris de cette guerre. Y’avait les gentils et y’avait les méchants… et trop de barbarie, de sang, de haine… Je ne sais pas si ce livre me tentera un jour, même si ton billet si bien écrit donne envie.
        Bisous de ma tour
        N’aies pas peur, j’suis la reine des grenouilles 😆

        • Bah Soène, Froggy-Soène !!! 😆 Ca change du cygne !!!
          T’inquiètes pour le livre, je ne risque pas d’oublier !!! Il est dur, pour ce qui est de cette sale guerre mais il y a aussi de l’humour et de la tendresse, quand tu seras prête ! Ca va viendre !! 😀 Bises et on y croâ croâ ……

    • Ha Béa, je suis raviiiiiie qu’il t’ait plu ! Cela dit, Garden est vraiment à part mais ceci est ma 3ème lecture (4ème même, un non chroniqué) et à chaque fois, c’est différent, à chaque fois ça décoiffe ! C’est un virtuose ce Marcus !!! 😀

  4. Je pense me laisser tenter par ces harmoniques. L’écriture de Marcus Malte est très belle.
    Je crois qui sera au quai du polar à Lyon cette année encore.
    Bonne journée

  5. Je ne l’ai jamais encore lu. Je note ce nom mais pas pour tout de suite ! 😀
    J’ai enregistré le lien 😉 merci pour cette belle participation, ton billet est vraiment bien écrit, comme toujours d’ailleurs 😉
    Biiises ma douce 😀 ❤

  6. J’aime bien la définition des « harmoniques » . J’y souscris !
    Pour le reste, jazz et guerre des Balkans, ça fait un peu salmigondis, non ? (J’aime ce mot!). Enfin c’est l’impression qui reste de ton billet …

    • Antiblues, salmigondis ??? Warf ! Non pas du tout, c’est très clair, très logique, implacable même, il y a bien un monde « souterrain » qui existe concernant les rescapés des Balkans et on y côtoie le pire comme le meilleur. C’est bien d’en parler et de rappeler ce qu’il en a été vraiment ! Alors bien sûr, dans mon billet, tu sais bien que je ne spoile pas et faire un résumé est toujours périlleux ! 😆

        • Antiblues, tu me rassures !!! 😆 Ca se mélange bien en fait puisque le pianiste était amoureux d’une croate et en voulant savoir la vérité sur sa mort, il découvre l’horreur (et les dessous) de cette guerre. Le livre pèse 404 pages, donc c’est très bien expliqué !!! 😀

  7. Après avoir été la Césarine de Graden of love, te voilà l’Eve des Harmoniques…mais il est déjà dans ma PAL…Il faut juste que je commence toutes affaires cessantes celui-là même que je tiens en mains…et si je te dis qu’il s’agit du dernier David Vann, je pense que tu pardonneras ce report!!!

    • Sophie, tu as des Lettres, toi ! Ca se sent de suite !!!
      Et je suis verte de jalousie pour « Impurs », j’ai lu un superbe extrait dans Lire qui m’a laissé sur ma faim !!! Je comprends tout à fait ! 😉

  8. Isabelle,très partagé je suis.J’adore le phrasé musical,les pulsations,le rythme de certaines séquences plutôt intimistes d’ailleurs.Je n’en ai par contre pas aimé l’intrigue.Je vais écrire un petit billet.A très vite…

    • Claude, je comprends très bien, ce n’est pas non plus mon préféré et l’histoire (toute cette partie serbo-croate) est assez lourde… J’ai hâte de lire ton billet ! 🙂 Bises

    • Bonjour Gruz, tu es le Gruz de Namur de Belette ??? Je ne vais pas tarder à aller visiter ton blog, j’entends parler de toi avec des trémolos dans la voix et une Belette qui ioule c’est quelque chose !!! 😆 Marcus Malte est un de mes auteurs fétiche, ce n’est pas mon livre préféré mais j’ai admiré sa construction et la poésie malgré le sujet sanglant…