WUTHERING HEIGHTS d’Emily Brontë


Que dire encore de ce chef d’oeuvre de la littérature anglaise qui a traversé deux siècles en conservant sa puissance évocatrice, romantique et terriblement violente ? Dire que je n’avais gardé en souvenir qu’un fantôme errant sur la lande dans une atmosphère oppressante… Et depuis que j’ai lu quelques éléments sur la vie des soeurs Brontë, mon regard sur le livre est plus affûté. C’est mon ami Mind The Gap qui m’a donné envie de le relire, ICI (sur les soeurs Brontë)  et Là, pour Les Hauts de Hurlevent…

Je pense que beaucoup connaissent l’histoire, je me contenterai d’un pitch pour mieux développer les caractères et l’impact ressenti…

Heathcliff, incarnation du Diable est recueilli par le père de Catherine Linton (Earnshaw) et de Hindley, le frère alcoolique qui n’est pas sans rappeler le propre frère des soeurs Brontë… Ils vivent à Wuthering Heights, dans le confort bourgeois de l’époque, entourés de la gouvernante Nelly (qui narre l’histoire à un étranger, vingt ans après) et de Joseph, personnage mystique, superstitieux et bigot, l’homme à tout faire… A La Grange, vit une autre famille, les Earnshaw (à deux miles de Wuthering Heights), très gentry également, les deux enfants Edgar et Isabelle ont le même âge qu’Heathcliff et Catherine… Et il y a le petit Hareton, fils d’ Hindley, le frère alcoolique qui n’a pas connu sa mère (fréquent et presque normal à l’époque), le dernier des Linton qu’Heathcliff voudra spolier de tout héritage…  » – Damnation, je dois récupérer tout ce qui m’appartient… Et puis son or…le sien. Et puis son sang… Après, il ne restera plus que son âme…pour l’enfer. Et l’Enfer, lorsqu’il la recevra, deviendra dix fois plus noir qu’il ne l’a jamais été. »

La montée en puissance de la violence est le ressort principal du livre. Le mot « amour » (et ce qui en découle), ne pouvant alors être prononcé dans la littérature anglaise victorienne, tout passe par le refoulement, « l’amitié » et la vengeance. Heathcliff en aimant Catherine   est condamné à souffrir, donc tout le monde souffre. La folie n’est jamais loin. Les superstitions alimentent ces êtres qui vivent au contact d’une nature hostile. Malgré cela, nous ne retenons que la bruyère sur la lande, les jours d’été et les quelques promenades qu’ils s’y accordent… Car si elle est venteuse, hérissée de rochers noirs menaçants, elle cristallise dehors ce qui se passe dedans. Sans compter sur « l’esprit » des disparus qui vient la hanter. Or, Catherine se prolonge, il y a une autre histoire dans la première, un deuxième tiroir à ouvrir puisque Catherine a eu une fille et Heathcliff un fils. Mais la passion impossible et fatale est tellement plus romanesque… que nous focalisons sur ces grandes envolées lyriques où l’amour n’est pas dit, pas démontré mais où il suinte par chaque pore de leurs peaux. Heathcliff et Catherine sont l’incarnation de la douleur, celle où se cache une rédemption, même improbable :  » N’y a-t-il pas dans la mort un repos que la terre ni l’enfer ne peuvent troubler ? Elle m’apporte l’assurance d’un autre monde sans limites comme sans douleurs -l’Eternité enfin conquise- où l’existence n’est plus bornée dans sa durée, l’amour dans son ardeur, la joie dans sa plénitude !… »

La cruauté est aussi omniprésente, les méchants sont terribles, il n’hésitent pas à torturer des animaux, pendre un chien par les pieds ne leur fait pas peur, on y voit le reflet de ce qu’ils peuvent faire aux êtres humains… La deuxième génération saura-telle rebâtir sur les ruines spectrales de Wuthering Heights ?

N’attendez pas beaucoup de survivants à la sortie de ce livre qui a la politesse de bien finir… ; comme si la vie, toujours si proche de la mort en ce temps-là avait gagné sur le passé douloureux, sur l’obscurantisme des débuts… Un vrai coup de coeur que cette relecture, j’avais oublié le style foisonnant d’images et cette peur insidieuse qui se glisse en nous dès les premières pages.

Il entre dans le Challenge victorien d’Aymeline.

61 réflexions au sujet de « WUTHERING HEIGHTS d’Emily Brontë »

    • Je pense que je le relirai encore et encore, entre deux qui m’auront pris la tête ! Si tu veux je peux t’envoyer cette vielle version de 1947, elle est très bien ! 🙂

  1. Ta chronique est vraiment réussie, tu fait bien ressortir cette atmosphère de peur permanente , de mort et de terreur. La souffrance des animaux m’avait troublée également. C’est vrai que la fin du livre va vers l’espoir et le renouveau et l’on ressent enfin le calme, comme après une tempête .
    Mais quel livre, Emily Brontë m’a vraiment impressionné…maintenant en ligne de mire j’ai Jane Eyre de sa soeur, mais c’est un pavé… alors je traine un peu…en plus ce soir je récupère la télé, je vais pouvoir regarder l’adaptation en noir et blanc en DVD des Hauts de Hurlevent envoyée par Somaja….
    Bises et belle journée.

  2. J’ai commencé à le lire mais n’ai pas accroché à l’ambiance et à la terreur qui se dégage de ce livre… j’ai pourtant bien conscience qu’il possède des qualités indéniables et j’ai très envie de retenter une prochaine lecture… je ne m’avoue pas vaincue, ce n’était juste pas le bon moment… Merci de le rappeler à mon souvenir…

    • Anne aussi a écrit un roman qui m’avait à l’époque paru sympa : Le Manoir de je ne sais plus quoi (et voilà, je fais ma maligne mais j’ai oublié le titre…). Peut-être pas au niveau des Hauts de Hurlevent et de Jane Eyre, mais où l’on retrouve encore plus de part autobiographique au milieu de la fiction (l’alcoolisme de leur frère notamment qu’on retrouve dans les 3 romans) Tout ça pour dire que le talent était de famille chez les Brontë. Dommage que leur frère ait été alcoolique, il aurait peut-être été un quatrième bon auteur !

      • Florine : j’ai un ami Mind The Gap qui est un fou des soeurs Brontë, il a lu plein de bios, de Charlotte, d’Emily, leurs livres aussi et il est ébloui par le talent des trois ! Je n’ai pas encore lu Anne, j’en ai un dans ma PAL (le titre m’échappe, son plus connu)… Leur frère a nourri leur imaginaire masculin un temps mais ça n’a pu aller loin…vu son état !

  3. Magnifique chronique que celle ci!! Tu me donnes envie de relire ce chef d’oeuvre mais je n’ai pas oublié cette peur qui nous etreint, ce vent de folie qui regne sur le roman, ces personnages tourmentés par la passion .C’est noir, sombre sans eclaircie (un ressenti depuis que je l’ai lu, j’avais 17 ans…:()

    • @ Pyrausta : Tu as bonne mémoire toi au moins ! Je ne me rappelais plus grand-chose mais très bien de la noirceur ! Toi la liseuse de polars, ça ne devrait pas t’effrayer… 😉

  4. On devrait toujours relire les grands romans de notre adolescence. Comme toi ma seconde lecture des « Hauts de Hurlevent » m’a surprise. J’en avais gardé une idée beaucoup plus romantique. N’empêche, il m’a encore séduite même si pour de nouvelles raisons!

  5. J’avais détesté en étant adolescente, mais mes goûts ayant passablement changé, ton article me donne envie de le relire. Cet hiver plutôt, quand le vent soufflera, près de la cheminée, avec un bon thé ^^

    • @ Eiluned : Je pense que tu vas adorer, connaissant tes goûts (un peu^^) d’aujourd’hui et comme ça se passe souvent en été dans le livre, il se lit en toutes saisons ! C’est une magnifique histoire superbement écrite… 🙂

    • @ Adalana :Moi je mélangeais les trois suivants : Rebecca, Jane Eyre et Les Hauts de Hurlevent, je n’ai plus que Jane Eyre à relire, j’y vois déjà plus clair !!! 😀

  6. C’est le genre de livre qu’on relit avec le même plaisir, toujours… J’adore l’illustration de ton édition, j’aime les vieilles couvertures de bouquins.

    • @ Océane : Une édition de 1947, retrouvée dans un vieux carton (pas à moi d’ailleurs), j’ai éternué tout le livre… Mais il était léger comme une plume et à la façon dont les pages ont été déchirées, j’ai imaginé la précipitation de la lectrice…ou du lecteur ! Une double joie ! 😉

    • @ Syl : Complexe pour une adolescente qui ne veut voir que la passion, si on regarde bien, les deux histoires sont quasi parallèles, symétriques et constituent une suite logique … Après, je ne suis pas une spécialiste mais je pense que c’est une primo-romancière qui a TOUT mis, tout ce qu’elle avait dans le ventre dans ce roman et tout ce qu’elle connaissait…

  7. Quel billet ! Tu m’as replongée avec bonheur dans cette atmosphère de violence et de passion. J’aime beaucoup ce que tu dis sur le rôle de la nature, qui permettait de dire les choses « interdites » à l’époque. Quelle force cette jeune auteure ! Je vais peut-être le relire en vo (encore une envie qui ne se réalisera pas tout de suite !). bises

    • Ho ! Sophie36 !!! Je me demandais qui tu étais et le ton m’était familier !!! 😆 Je sais que dans cette traduction le traducteur martèle qu’il a voulu rester au plus près de « l’ambiance » du livre : je me demande même s’il n’en a pas rajouté !!!^^ Pour le reste tu m’as tout appris … ♥

  8. Toujours pas lu (oui, une honte). Le titre m’évoque plus une chanson de Kate Bush, si tu vois ce que je veux dire. (oui, re-honte ! Quoique la chanson est sublime et une de mes préférées). Bises et à très bientôt.

  9. Bon, j’avoue que tu me donnes bien envie de relire ce livre lu il y a biiiiiiien longtemps
    et je suis sûre en effet qu’il n’a pas pris une seule ride … bah pas tant que moi en tout cas 😉

  10. Je l’ai lu pour la première fois le mois dernier (je sais), et j’avoue avoir un peu souffert de cette lecture. L’écriture un peu ampoulée, le fait qu’aucun personnage ne soit attachant, et le cadre unique m’ont un peu étouffée, tout en développant une fascination étrange pour cette histoire… Bref, je ne sais trop qu’en penser, mais je suis assurément moins enthousiaste que toi!

    • @ Violette : Je l’avais lu ado, mes souvenirs étaient très vagues, je l’ai relu en me remettant dans le contexte d’écriture de l’époque (n’oublions pas l’ère victorienne !), l’âge de l’auteure et je dois dire qu’une telle violence m’a soufflée ! Ce n’est pas une plume « contemporaine » et il est difficile de s’identifier à un des personnages…quoique…la passion impossible reste la passion impossible ! 😉

    • La violence qui en émane est stupéfiante pour l’époque ! J’ai commencé Jane Eyre de sa soeur, Charlotte, c’est encore mieux écrit… Un vivier ces soeurs Brontë !! (Je t’ai envoyé Oscar ce matin !)^^…

      • ah merci cool…comme je te disais dans un commentaire plus haut, Jane Eyre est arrivée entre mes mains…hier soir à minuit et demi pour la préface, ce matin au petit-déj pour le début de l’histoire !

  11. Ping : JANE EYRE de Charlotte Brontë |

  12. Je l’ai lu il y a des années (au début de l’adolescence je crois :)) et je n’en ai que peu de souvenirs. Je me souviens avoir à l’époque préféré Jane Eyre, plus « léger » me semble-t-il. En tous cas, je crois que tu m’as donné envie de le relire avec des yeux adultes 🙂 Merci 🙂

    • Bonjour Caro ! J’ai tout relu ces trois derniers mois car je mélangeais un peu avec Rebecca (également) de Daphne du Maurier et j’ai Trouvé Wuthering Heights très violent !!! Jane Eyre est beaucoup plus maîtrisé et dans l’histoire et dans le style !