NE TIREZ PAS SUR L’OISEAU MOQUEUR d’Harper Lee


Prix Pulitzer 1961, ce livre est devenu un classique étudié dans le monde entier et écoulé à ce jour à plus de 30 millions d’exemplaires. Unique roman de l’auteure dont il est fait état dans le prologue d’Isabelle Hausser, la dernière traductrice, cette histoire plus vraie que nature fut un coup de coeur et rend hommage à l’innocence de l’enfance en soulevant les problèmes engendrés pat la ségrégation raciale dans ces années 1935 post prohibition où le racisme atavique des états du Sud américain ne se souciait guère des dégâts irrémédiables causés par des jugements de valeur qui prédominaient sur la vraie Justice…

Le livre est porté par la voix de Scout, huit ans et demi à la fin mais cinq au début, fille d’Atticus Finch, son père, et soeur de Jem son aîné de quatre ans.

Ils vivent tous les trois dans un village d’Alabama, Maycomb, pas encore tout à fait remis de la Grande Dépression, vaquant à leurs jeux d’enfants intelligents et à l’imagination débordante. Viendra se joindre à eux lors des vacances d’été un petit Dill espiègle et culotté (dans lequel on retrouve le personnage de Truman Capote avec qui Harper Lee a grandi). Ils coulent des jours heureux malgré l’absence de la mère décédée quand Scout avait deux ans. Leur père a pris à son service, Calpurnia, une gouvernante cuisinière noire qui essaie de canaliser la « sauvagerie » de Scout. Atticus est un avocat intègre, placide et même trop intègre dans ce monde qui se délite, se déchire lorsqu’il va être commis d’office pour défendre un noir innocent d’avoir violé une blanche, Mayella Ewell issue d’un milieu où la misère ordinaire de l’inceste est légion. Le passage consacré au procès est un de mes préférés car il cristallise toutes les haines viscérales de la population de Maycomb, les mesquineries et le refus de voir l’innocence de Tom, le « nèg’e » accusé. Mais ces enfants innocents ont été élevés dans une telle idée de la justice qu’ils perdront bien vite cette innocence face à la folie des hommes. Car comme le dit Atticus, désabusé après le verdict : « Et j’ai l’impression que quand ils font ça, cela ne fait pleurer que les enfants ». Car il n’est même pas besoin de preuve tant il est évident que Tom, parce qu’il est noir est un bouc émissaire destiné à cacher le misérabilisme dégénéré de la plaignante : « Pour commencer, cette affaire n’aurait pas dû être jugée. Elle est aussi évidente que la différence entre le noir et le blanc ».

Mais les enfants grandissent, ils font malgré tout partie de la « bonne société  » de Maycomb et Atticus va faire appel à sa soeur pour que Scout, agée de 8 et demi ans devienne une « dame » patronnesse et cesse de porter son éternelle salopette pour jouer avec son frère Jem et Dill qui la demande en mariage dès leurs premières vacances… De grands moments de tendresse entre ces deux là !

Il est fait état aussi des contradictions des uns et des autres qui s’insurgent contre Hitler en Europe mais ne respectent pas la démocratie pour autant, laissant à ce pauvre Atticus le soin de focaliser toutes les haines et de prendre des décisions qu’aucun  ne voudrait afin de ne pas entacher l’ordre social établi. Et pour ce qui est des mockingbirds, ces oiseaux moqueurs qui imitent tous les cris d’oiseaux, on n’ y touche surtout pas mais on descend un noir à bout portant lui trouant le corps désarticulé de dix-sept balles comme on le ferait pour un chien enragé…qu’il n’était pas.

Ce livre m’a fait sourire dans sa première partie où l’imagination des enfants est sans limite, ils sont d’une logique implacable élevés qu’ils sont dans un esprit démocratique exacerbé. Avec la sensibilité qui va avec… Les personnages secondaires sont fantastiques de réalisme, et comme je l’ai dit, ce roman fut un coup de coeur !

SUR L’AUTEUR : Unique roman de Harper Lee, la postface d’Isabelle Hausser nous confirme qu’Harper Lee s’est cloîtrée après ce premier roman et aux dires de sa soeur, elle avait peur de ne pas égaler ce premier livre Mais on l’a vu jusqu’en 1964 où elle a écrit quelques billets ici et là. elle adorait écrire, nous reste à espérer que des manuscrits seront trouvés après sa mort. Reste aussi la possibilité qu’elle ait écrit sous pseudo… Je vous conseille vivement cette traduction où les propres mots de l’auteur ont été réhabilités. Isabelle Hausser met aussi le doigt sur une suite éventuelle car certains personnages, ébauchés et très peu vus méritaient d’être développés…

Dans la presse : « Ce livre est magique. D’une tendresse, d’un humour, d’une mélancolie sans pareils. «  Frédéric Vitoux, Le Nouvel Observateur. Mais aussi par fémina : « Un phénomène comparable à l’attrape-coeurs de Salinger et donc l’un des plus beaux livres jamais écrits ».

Anecdote inquiétante : En lisant sur Google à propos de ce livre, l’Alabama dans les années 2000, par une ruse tirée par les cheveux a réussi à maintenir une ségrégation scolaire… L’atavisme encore ?

Ma participation aux challenges Justice de Yuko, Défi premier roman d’Anne et Petit Bac d’Enna, ligne animal….

79 réflexions au sujet de « NE TIREZ PAS SUR L’OISEAU MOQUEUR d’Harper Lee »

  1. Bonjour !
    Il ne rentrerait pas aussi dans ton challenge ? Ce sont les années jazz.
    Un titre noté, mais avant, il faudrait que je regarde dans la bibliothèque, il me semble l’avoir…

    • Coucou ! L’auteur l’a écrit en 1961 !! Et ça ne parle pas vraiment du Jazz Age… Mais je te le conseille, toutes les bonnes bibliothèques doivent l’avoir ! :)♥

  2. Ce qui m’interpelle, au delà du fait que ce livre est un coup de coeur pour toi, c’est qu’il s’agisse du seul livre connu et publié de l’auteur. Comme si finalement elle avait mis au monde son bébé et n’avait plus eu envie de procréer ensuite…

    • Il faut lire la postface qui en dit beaucoup là-dessus ! Elle aurait eu « peur » d’affronter le public en faisant quelque chose de moins bon mais comme elle adore écrire il n’est pas dit que des pépites dorment sous son matelas !!^^ C’est au fur et à mesure de la lecture qu’on « sent » quelque chose d’unique dans ce livre… (et toi ? bébé ? procréation ? Ton vocabulaire en dit long… 🙂 )

  3. Un récit qui m’a beaucoup touchée. J’ai vu le film aussi (histoire fort épurée) avec Gregory Peck. Il transcrit bien l’atmosphère de l’époque, le racisme, la société…

    • Je ne le sors pas souvent c’est vrai !! Ca se mérite aussi un coup de coeur… 🙂 Je l’ai prêté à une amie mais si tu veux je te l’enverrai plus tard ? Comme d’hab’ ! 😀

  4. Je viens de courir jusqu’à ma bibliothèque de livres à lire … et, ô bonheur !!!
    Une amie m’avait donné ce livre en cadeau !!
    À la lecture de ton article, je lui suis très reconnaissant de me permettre cette découverte.
    Merci à toi pour cette excellente chronique !

  5. Il me semble qu’il m’attend sur mon étagère, et s’il n’y est pas c’est qu’il est sur ma LAL, parce que je pense depuis longtemps à le lire celui-là. Et si c’est un coup de cœur pour toi, je sens que ça va en être pour moi aussi.Bises ma Vendéenne.♥♥♥

    • Et s’il n’est pas sur ton étagère je me ferais un plaisir de le faire voyager jusqu’à chez toi dès que ma copine l’aura fini ! Je pense que tu vas l’aimer ma pom-pom préférée… 🙂 ♥

  6. il y a longtemps, j’ai commencé cette lecture et l’ai rapidement abandonnée. Je viens tout juste de terminer La couleur des sentiments, et maintenant, avec ton billet, j’ai encore plus envie de reprendre le roman d’Harper Lee.

    • Mais tu sais que je ne suis pas entrée dedans tout de suite ! Et comme je voulais vraiment le lire j’ai insisté et hop à la p.50 j’étais partie ! Après tu ne le lâches plus et tu pleures quand c’est fini…

  7. Ce livre est une merveille. Il se lit facilement, est attendrissant du fait que c’est le point de vue des enfants donc plein d’étoiles dans les yeux et d’une grande justesse dans la narration des faits (il n’y a pas d’effets de style « adulte », de déformations, de suppositions…). J’ai adoré ce livre qui fait découvrir une partie de l’histoire des Etats Unis avec beaucoup d’humanité.

    • Tu étais dans Indésirables !! Je suis tout à fait d’accord avec toi concernant ce livre ! Un moment de bonheur malgré la tristesse de l’histoire…et de l’Histoire !

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  11. Un magnifique coup de coeur pour moi aussi. Je l’ai conseillé à ma fille qui fut aussi conquise. C’est un roman qui convient aux lecteurs de 7 à 77 ans. Bon, 7 ans c’est un peu juste mais on peut maintenant largement dépasser les 77 ans.

    • Jostein, il doit être lu dans les collèges et les lycées car j’ai beaucoup de requêtes style : « résumé du livre » et autres questions très scolaires ! C’est étrange car je me souviens avoir eu un peu de mal à y entrer et ensuite je ne l’ai plus lâché jusqu’à la fin ! Quel dommage qu’Harper Lee n’ait plus rien écrit après ce livre…

  12. Je suis entrain de le savourer ce livre, et je ne suis qu’ à la page 64, je l’ ai acheté par hasard chez G.J. à Paris, je ne connaissais pas. Je reviendrai lorsque je l’ aurai terminé !

    • Monesille, pour une fois à 4h26, je dormais, mais me suis levée à 6 h00 pour cause de RV à l’extérieur !!! J’ai eu du mal au début avec ce livre (pas longtemps, les 30 premières pages) et après je ne l’ai pas lâché, j’avais même eu une larmichette !

  13. je suis en train de le lire et je dois avouer que je trouve avoir trop attendu pour le lire , ce doit bien faire au moins plusieurs années que je me promet de le lire suite a tout ce que j’ai entendu et lu comme critiques positives
    c’est vraiment un des livres à lire
    bonne journée
    ps je ne participe plus aux plumes par manque de temps mais j’ai toujours autant de plaisir à te lire
    bises

    • Miss Nefer, mieux vaut tard que jamais, c’est ce que je me dis souvent quand j’ai un coup de coeur : « mais pourquoi ai-je tant attendu pour lire cette merveille ? » ! le principal à mes yeux est de le lire un jour…
      Pour les Plumes, ne te tracasse pas, il n’y en a presque plus !!! 😆 Je ne sais pas si je vais pouvoir en faire ce mois-ci… merci de ton attention ! 😉