JE PARS À L’ENTRACTE de Nicolas d’Estiennes d’Orves


Ma troisième « lettre » des Editions NIL, après celles d’Annie Ernaux à sa soeur dans « L’autre fille » et Linda Lê « A l’enfant que je n’aurai pas« , LiliGalipette a eu la gentillesse de m’envoyer celle-ci que je lorgnais depuis sa sortie sans jamais la trouver lors de mes passages en librairie. Hé ! Les ruptures de stock…ou que que sais-je ? Bref, je l’ai lue entre 6 et 7 heures ce matin, je vous avoue qu’il y a des réveils plus joyeux mais il eût été dommage de passer à côté…

Lors d’un voyage sur Le Queen Mary II en 2009, l’auteur choisit « comme une évidence » d’écrire à son meilleur ami tout ce qu’il ne lui a pas dit, tout ce qui aurait dû être dit depuis longtemps. Son meilleur ami suicidé deux ans auparavant, l’autre Nicolas… Mais non, ce n’est pas ce que vous croyez ! C’est même tout le contraire. Un coup de gueule énorme, un cri de soulagement pour l’éternité ! Certes ils ont grandi ensemble, sont allés dans le même pensionnat, l’un était le double de l’autre, etc. Mais n’empêche… La vie peu à peu les a séparés, pas l’espace et le temps, pas toujours eux mais une flopée de non-dits qu’il était grand-temps d’exhumer, de dépoussiérer car s’ils étaient implicites sur le moment, ils sont devenus douloureux. Un coup de gueule salvateur pour l’auteur qui peut avouer sans honte qu’il est « beaucoup mieux sans lui » et pourquoi. « Je n’avais qu’à te passer à la question. Mais jamais je n’en eus le courage. Lâcheté ? Sans doute. Pudeur, aussi.  On se connaissait trop pour se baigner dans la sincérité. Un peu comme parler cul avec ses parents, leur demander de décrire un orgasme. »

Le Nicolas qui s’est suicidé était un pur esprit, tout le monde l’adorait, buvait ses paroles et suivait ses goûts en matière d’art, de littérature. Élève brillant qui ne finira jamais sa thèse. Qui ne voudra jamais s’abaisser à travailler, à revêtir un costume social quel qu’il soit avec l’hypocrisie et les mensonges en noeud papillon et chemise repassée, bref, les compromis qu’il faut faire avec soi-même pour devenir adulte et gagner sa vie.  » Une fois de plus, le principe de réalité t’était inconnu« . Cet ami devient vite un « boulet » malgré ses hautes qualités intellectuelles. Celui qui « aurait dû » écrire par exemple le premier livre de l’auteur sur l’opéra puisque c’est lui qui lui a tout appris. Règlement de comptes ? Un peu malgré tout mais surtout un soulagement réel à l’annonce sans surprise du suicide de son ami : « Ta vie fut un foutoir mais tu a su bien mourir « . Car il était devenu une ombre ce Nicolas, celle des ailes de l’albatros baudelairien, ces fameuses ailes qui l’empêchaient de marcher (ou de voler) et cette ombre se projetait violemment sur la lumière que l’auteur avait su créer avec l’âge, le contraste devenait furieusement douloureux. Comme dans la chanson de Brel, « voir un ami souffrir », après tout n’est-ce pas pire que de le voir mourir ?  » Tu es mort depuis deux ans et depuis deux ans je respire mieux. Je respire mieux car tu ne respires plus. Je respire mieux car je ne te sens plus t’étouffer à chaque pas, te confire dans tes humiliations, suffoquer de rage, de dépit, d’aigreur, de frustrations. Le spectacle de tes impuissances avait fini par me faire un mal intime (…). Tu étais devenu un autre sans jamais changer. Là était bien le problème. J’aurais accepté une métamorphose, pas une altération. »

Lettre magnifique s’il en est, bien que cruelle de lucidité. Mais nous nous retrouvons dans ces mots car qui n’a pas eu ou n’a pas encore un ou une amie qui ressemble (a ressemblé) à ce Nicolas ? Un ami auquel on s’est identifié, avec qui on a partagé le meilleur (et le pire) avant de l’oublier dans les limbes du temps… ou d’en être séparé par les réalités d’une autre vie. 73 pages douces-amères qui prennent aux tripes ! Petit détail relevé : l’auteur qui a commencé sa carrière au Figaro  Littéraire avoue qu’il y « griffonnait  des notes de lecture insincères »… On le sait nous blogueurs que ces critiques littéraires presque toujours élogieuses sont suspectes… eh bien, qu’un auteur (et chroniqueur) l’avoue, ça nous rassure ! Lisez aussi la chronique (sincère, elle) de Lili qui m’a tant fait envie, PAR ICI

SUR L’AUTEUR,

J’ai copié-collé ce qui est dit de lui sur l’un de ses deux blogs dont je vous donne les liens plus bas, car ils sont très sympas à lire. NEO (tel qu’il se diminue lui-même, merci pour nous) (je n’ai pas dit « se réduit ») y parle d’un peu de tout et cette proximité de blog le rend peut-être plus proche (en même temps je n’ai pas l’intention de le tutoyer !). Le copié-collé : Nicolas d’Estienne d’Orves est né en 1974. Après cinq ans de pensionnat, des études de lettres et des stages dans le milieu de l’opéra, il embraye sur le journalisme et collabore pendant cinq ans au Figaro Littéraire et à Madame Figaro. Il a également travaillé sur France Musique, dont il a été renvoyé pour blasphème et pornographie. Il est aujourd’hui critique musical (classique) au Figaro et à Classica, et chroniqueur au Figaroscope. A partir de 2001, il a beaucoup (trop ?) publié. Il a longtemps porté des nœuds papillons. Sa passion pour l’andouillette lui vaut bien des inimitiés. Il vit à Paris avec sa femme et leur petit garçon.

Vous pouvez l’écouter, le lire « intimement » ICI et pour les grandes lignes, la biographie, la bibliographie, et caetera, c’est PAR LÀ.

Ma participation  à « Un jeudi, un livre » de George, qui, en pleine boulimie livresque (c’est elle qui le dit, ICI !) nous présentera bien sûr, son menu du jour… enfin, ses agapes en fin de journée ! 🙂

23 réflexions au sujet de « JE PARS À L’ENTRACTE de Nicolas d’Estiennes d’Orves »

    • Ha ha je savais ! Pour l’instant (malgré la belle écriture) seule le Linda Lê ne m’a pas plu ! Je te les envoie, allez hop ! (je les fais envoyer serait plus juste, ils partiront samedi !^^). Pour le Figaro, pas d’idée, je ne l’ai pas lu depuis 15 ans et je ne m’en porte pas plus mal…

  1. C’est marrant j’ai lu aujourd’hui « l’autre fille » même collection que ton livre du jour !!! très beau billet que le tien ! le mien paraîtra demain matin, à l’heure où les lions vont boire !!!
    Et là je m’en vais relire ton billet sur le livre d’Annie Ernaux !

    • J’avais adoré la lettre d’Annie Ernaux, celle-ci aussi, seule la Linda Lê m’a déplue… Hey ! C’est le soir que les lions vont boire idéalement mais allez, on va leur autoriser le matin 😆 J’ai hâte d’avoir ton sentiment sur « L’autre fille » !

  2. Je n’ai pas eu le temps de lire ton billet comme il le mérite, je reviendrai cette fin de semaine.
    J’espère que tout va bien…
    Une e-carte n’est-elle donc pas arrivée, hier ?… Je voulais te faire un coucou affectueux pour ta… chut 🙂
    Gros bisousssssss

    • Je n’ai pas trouvé ton e-carte dans mes mails du 22, j’ai bien cherché pourtant 😦 ! Encore un coup du Dromadaire ! D’y avoir pensé est déjà très gentil à toi ma Plume, je t’embrasse 🙂 ♥

    • Je ne t’ai pas vu sur Google !! Je savais que tu avais lu le Linda Lê (j’ai pas du tout aimé par contre) mais pas pour celui-ci ! 😦 (avec ton débit, faut pas être ramollo du mollet ! 🙂 )

    • Je l’envoie à Aymeline qui peut le faire suivre chez toi ? Franchement il n’aura pas le temps de prendre la poussière (72 pages) et on ne le lâche pas ! 😉 Lili et toi vous tapez toujours juste quand vous m’offrez un livre… 🙂 ♥

  3. J’ai pris le temps de lire tes 3 billets et celui de Liligalipette. J’adore quand vous tirez vers le haut avec vos choix. Je n’en reviens pas de découvrir tant de choses. Merci les Potinettes.
    Comme toi, je n’aimerais pas celui de Linda Lê.
    Ces sujets sont graves et je comprends qu’on ait du mal à les évoquer de vive voix. En lisant ces billets, j’ai réfléchi… sans prétention, j’aurais plusieurs lettres à écrire, moi aussi, peut-être le seul moyen d’être enfin en paix avec moi-même… Je peux déjà essayer de poser mes maux sur une feuille…
    J’ai été voir aussi le blog de NEO, épatant !
    Bon, il faut que je file. Figure-toi que j’ai été punitionnée… encore une injustice 😆
    Mais, tu me connais, je ferai tout bien comme il faut !
    Bisous

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