DÉLICIEUSES POURRITURES DE Joyce Carol Oates


Il était temps ! Je découvre cette auteure grâce à ma korrigane préférée, Jeneen qui m’avait tentée,, et me l’a fait voyager. Il vient de chez Liyah, billet ici qui elle-même… Ah ! la vie rêvée d’un livre voyageur.. Mais je m’égare…

2001. Juste pour le début et la fin du livre un peu comme un « avant-après » qui nous dit comment ont évolué Gillian, la narratrice et Dominique, une de ses amies,  qui se sont côtoyées quelques années. 1975. Une université féminine (et très chic) dans le Massachussets.  Le pavillon où résident  Gillian et ses copines est en ébullition. Depuis plusieurs mois, l’alerte incendie les réveille dans la nuit et sème le trouble à l’université comme dans la région. Mais si les incendies sont une toile de fond légère et somme toute, peu importants dans le livre, ils servent à montrer du doigt le pouvoir de suspicion de la rumeur. La journée, ces dix filles de troisième année sont beaucoup plus préoccupées par les cours de poésie d’André Harrow, et par sa mystérieuse épouse Dorcas, peintre, sculptrice, française, belle et sensuelle qui fait tourner les têtes autant que son époux. Car vous l’aurez deviné, elles sont toutes amoureuses de cet Andre qui n’a visiblement rien pour plaire dans la description qu’en fait Gillian, mais les subjugue par son aura charismatique de professeur underground. Passionné par D.H. Lawrence, il leur lit des poèmes de ce dernier dont Beasts (qui a donné Délicieuses pourritures en français) dont le titre est issu.  L’influence des drogues, prises comme de simples cachets pour dormir est importante aussi, et l’alcool coule à flots dans le pavillon du couple Harrow les soirs de pleine lune… (parfois même dans la journée).

 » Je vous aimes, pourries,
Délicieuses pourritures.
(…) Un baiser, un spasme d’adieu, un orgasme momentané
de rupture
Puis seul, sur la route humide, jusqu’au prochain tournant,
Et là, un nouveau partenaire, à nouveau se quitter…
Une nouvelle ivresse de solitude parmi les feuilles périssantes glacées de gel. « 

Mais la poésie ne suffit pas à l’exigeant professeur. Le ton est donné quand en début d’année il leur dit :  » Il y a une règle cardinale dans mes ateliers : faire en sorte que je ne m’emmerde pas à mort avec vous« . Andre les pousse à aller toujours plus loin et leur demande d’écrire leur journal qui sera lu en classe. « Le jet de sang est poésie ». Frappez à la jugulaire ». Et ça va saigner ! Gillian aussi éprise que les autres fait de la résistance, elle se veut unique et différente, pas comme toutes celles qui cèdent au couple bisexuel et pervers que sont en fait Andre et Dorcas. Bien qu’elle soit mûre, prête à tomber. Lors des cours qui dépassent largement les deux heures prescrites, commence alors une surenchère dans le morbide  : à qui parlera le plus (et le mieux) de viol, de partouzes, de suicide ou encore d’anorexie. La fin est prévisible, sauf celle qui se passe en 2011, lorsque Gillian visite le musée du Louvre, fascinée et dégoûtée face à une horrible statue de Dorcas qui a survécu au-delà de la disparition et du feu… Il soulève malgré tout une question « multigénérationnelle », pour le coup : jusqu’où peut-on aller dans l’abject, la dévalorisation de soi-même par amour ? Quelles excuses se donne-t-on au moment de l’acte et qu’en reste-t-il 25 ans après ? La conscience s’apaise-t-elle un jour ou en subit-on longtemps les effets secondaires ? Quant aux méthodes de l’enseignant, à sa personnalité tout court, sûr qu’il croupirait en prison depuis longtemps si l’action ne se déroulait pas dans ces années 70, post révolution sexuelle, peace and love, donnant lieu ici à une dérive sectaire et sexuelle plutôt immonde.

Le livre est court (126 p.), glauque, oppressant souvent mais le talent de Oates est de nous rendre cette histoire somme toute assez banale, unique, dense où les personnages sont parfaitement recherchés et travaillés. Son style d’une fluidité pointilleuse reste malgré tout imagé, synthétique et percutant. Il m’a donné envie d’en lire plus, je suis restée sur ma faim !

SUR L’AUTEURE

Joyce Carol Oates est née le 16 juin 1938 et enseigne à l’université de Princeton. Très prolixe, elle écrit depuis l’âge de 14 ans dans tous les genres : poésie, théâtre, nouvelles. Depuis 1964, elle est l’auteure de 70 romans environ. C’est son roman Blonde, inspiré de la vie de Marilyn Monroe qui l’a rendue célèbre aux quatre coins du monde… Elle a également écrit des romans policiers sous pseudo : Rosalynd Smith (nom emprunté à son défunt mari, décédé en 2008) et Lauren Kelly. Elle a été deux fois finaliste au Nobel de littérature. (Source Wikipédia abrégée…). Pour en savoir plus, sur sa bibliographie, notamment, c’est par ICI. Lire aussi les avis de Delphine, LiliGalipette (billet du 13.01.2012), Liliba et d’autres certainement que je ne connais pas. Sans oublier Jeneen et Lyah, citées au début du billet.

Et je profite de l’occasion pour vous annoncer (cors de chasse au vent) que George non seulement continue son Challenge Oates mais en plus, vu l’oeuvre considérable de la dame, elle le passe en ILLIMITÉ (ouiii comme Free avec les forfaits !). Cliquez sur « George »,  elle vous en dira plus en ce qui concerne l’organisation !  C’est pas beau ça ! Ceci est ma première contribution mais pas la dernière, c’est sûr… Il entre aussi dans le challenge « Romans sous influences » , organisé par George (clic sur le logo) et Sharon, ICI, et dont il faut justifier notre participation en répondant à ces questions :

  • La référence au roman/auteur/personnage apporte-t-elle réellement un intérêt au roman ? Tout à fait. Le titre anglais Beasts a donné Délicieuses pourritures en français. Il s’agit d’un poème de D.H. Lawrence, tiré du recueil « Nèfles et Sorbes ». Le professeur est « imbibé » par la poésie de cet auteur et en applique les vers à sa façon dans sa vie. Il rend « poétique » le sordide… Il parvient à le transcender et rallier ainsi des élèves à sa « cause » en les faisant passer par son lit avec des images empruntées au poète.
  • Comment prend corps la référence au roman/auteur/personnage ? (est-ce juste un roman/auteur/personnage évoqué dans une conversation littéraire, ou le roman/auteur/personnage intervient-il dans le roman?).  D.H. Lawrence intervient plusieurs fois dans le roman, il est lu en cours et comme je l’ai dit, le héros masculin s’identifie à lui. Au début (p.30) est lu aussi le poème Pêche (dont le double sens est expliqué par l’auteur. Poème tiré du recueil « Oiseaux, bêtes et fleurs ».
  • L’auteur d’influence est-il un personnage de l’intrigue ? Non.
  • S’il s’agit d’un personnage d’influence, est-il rendu fidèlement ?  Les références qui y sont faites rendent ce roman de Oates très « lawrencien » !

Ce livre compte également pour le Challenge Petit Bac d’Enna, catégorie gros mot

45 réflexions au sujet de « DÉLICIEUSES POURRITURES DE Joyce Carol Oates »

      • C’est bizz depuis plusieurs jours, je ne peux plus laisser un commentaire chez toi, je ne peux que « répondre »…
        C’est pour cette raison que je suis positionnée ici 😥
        (t’as vu plus de dents vertes :lol:)

        Le titre ne m’inspire pas… j’attends que Jean-Charles le lise !
        Quel courage de lire tout ça, de faire tout ça… c’est pire qu’au boulot…
        Bon courage et gros bisous surcongelés de ma tour

        • C’est bizz…arre^^ cette histoire de commentaires ! Moi, de ce côté du tableau de bord, rien de spécial ! Si, je vois bien que tu es en mode « réponse » mais je ne comprends pas pourquoi ! Allez petit sourire et c’est gentil de m’épargner les dents vertes 😆 ! A chacun son courage ! Tu prends des risques surgelés et considérables pour faire tes si belles photos ! Je crois que quand on fait les choses avec plaisir, on n’en voit plus les inconvénients ou les désagréments et c’est le principal non ? Gros bizzz…ous à toi et merci de ta persévérance ! Lystig qui est CB comme toi n’a visiblement pas de problèmes, ça viendrait pas de ta tour infernale ? Couvre-toi bien :D♥

    • Oui t’as vu ? Je me suis appliquée en plus pour justifier l’influence de H.D. Lawrence ! Il est à Liyah ce livre, tu la connais ? Je peux lui demander de le faire suivre chez toi ? Il n’y a personne derrière moi visiblement !^^

  1. Tu m’allèches là !
    Je crois que je vais aller à la bibliothèque chercher un des ces romans… Merci pour cette découverte….
    Je vais craquer sous les livres avec mes 164mots/minutes je vais me retrouver au cimetière avant de l’avoir épuisée. Bises d’ici chouanne.

    • Hi hi 😀 Tu ne seras pas seul au moins dans ton tombeau !^^ Il se lit vraiment très vite et je ne connais rien d’autre d’elle, c’était mon premier ! Et je ne suis pas déçue !

  2. Il est dans ma bibliothèque et m’attend depuis un moment. Je vais d’abord me remettre des Revenants, de Laura Kasischke, qui se déroule aussi dans le milieu étudiant, avant de m’atteler à ce genre d’histoire. La glauque, ce n’est pas ma tasse de thé, même écrit pa JCO! 😉

    • Oui je comprends… Mais il est très court, ç’aurait pu être une looongue nouvelle, les personnages sont fouillés malgré la brièveté et je pense m’en remettre vite ! 😉 (Faut dire que parallèlement j’ai entamé « Mater la bête » çA détend !) 🙂

  3. Ca me changerait de « Nulle et grande gueule » !!! Oui, je vais le noter. Tu as écrit un beau billet. Par contre je trouve ce prof odieux, détestable, un assassin.

    • Oui, lis-le ! Tu n’en feras qu’une bouchée ! Et si le prof « colle » bien à ces années permissives on a quand même des envies de meurtre ! Pas difficile d’accès mais on en ressort avec quelques questions…bises ♥

  4. Bon j’ai l’impression d’être la seule à bloquer sur cet auteur et son écriture (peut-être la traduction…), je n’avais vraiment pas accroché avec ce livre, le 1er lu, j’en ai tenté d’autre mais non vraiment je n’aime pas son écriture que je trouve assez banale (je sens que je vais me faire huer) 🙂

    • Huer pourquoi ? Tu as le droit de ne pas aimer mais moi ce style incisif, court et synthétique tout en restant imagé m’a bluffée ! Elle va très loin en peu de mots, c’est de plus en plus rare : sur ce sujet en plus, il est difficile de ne pas en faire des tonnes de guimauve racoleuse ou une mauvaise série B comme Gossip girl…entre autres ! 🙂 J’ai envie de continuer, dans le lot tout ne me plaira pas forcément mais je pars avec un bon a priori. 🙂

    • Merci Lili car c’est vrai que celui-ci est juste un apéritif ! Mais 900 pages, My God ! Je n’ai pas ta vitesse de lecture, bouh…( mais si c’est grandiose, je vais faire un effort !^^)

  5. Tu me sidère !!! figure-toi que je n’avais pas du tout fait le rapprochement avec D.H Lauwrence, suis trop nulle ! merci donc pour cet éclairage ! quant aux questions pour le challenge sous influences, ce sont des pistes, tu n’es pas obligée d’y répondre de façon scrupuleuse même si j’apprécie beaucoup tes réponses !

    • Je n’ai vu que ça pratiquement tout le livre où à chaque cours il en parle, les métaphores qu’il ramène au sexe, bref, et lui qui est un poète raté (là aussi…), il joue au poète maudit ! Maintenant que je « challenge », je fais attention et je suis une élève appliquée, je fais de mon mieux !^^ Merci de me le dire pour le questionnaire car ça m’a rallongé un peu le billet et le temps pour faire le billet ! 😉

  6. J’aime beaucoup cet auteur, elle a une façon d’aborder des thèmes glauques, noirs, en leur redonnant une certaine lumière. Il faut que je lise petite sœur, je crois que c’est le titre, sur une petite patineuse assassinée…

    • C’est tout à fait ça ! Elle met de la dignité là où il n’y en a plus beaucoup, en gardant la sienne tout au moins ! Le livre dont tu parles me dit quelque chose, j’ai vu un téléfilm (il me semble) mais je ne l’ai pas lu c’est sûr… J’en ai plusieurs autres qui me tentent maintenant mais pas assez de temps pour toutes ces tentations 😆

  7. J’ai commencé Les chutes et abandonné.
    Ainsi qu’un recueil de nouvelles dont je ne me souviens pas du titre, abandon aussi.
    Et pourtant les thèmes et son style me tentent, mais je n’arrive pas à entrer dedans.
    Je tenterai ce titre-là.

    • C’est ce que j’ai dit plus bas je crois, vu la « masse » de son oeuvre, je ne sais pas encore si j’aimerais tout ! Mais j’ai trouvé celui-ci particulièrement réussi, d’autant qu’il est court ! Efficace ! Je ne peux que te le conseiller… 🙂

  8. Nous allons partir à la découverte de cet auteur, nous allons lire Blonde parce nous allons assister bientôt à une adaptation de ce roman au Théâtre… mais pour l’instant nous n’avons pas d’avis

    • C’est amusant car finalement ce n’est pas Blonde qui m’attire pour l’instant mais je vous souhaite du plaisir dans votre découverte et je lirai avec intérêt ce que vous en aurez retenu ! Et bon théâtre…petits veinards… 😉

    • C’eût été avec plaisir mais il n’est pas à moi ! Je vais demander à Liyah pour Sharon qui est intéressée, je lui dirai que toi aussi et je te donne ma réponse dès que j’ai la sienne ! Je la maile de suite ! 🙂

  9. Bravo pour ton billet qui met en valeur l’intérêt du roman. Oates n’est pas un auteur de tout repos! mais je l’aime et je fais le challenge de George. Je n’ai pas encore lu celui-là; je me suis un peu arrêtée par crainte d’une overdose! Lesquels vas-tu lire ensuite? Je clame un peu partout (et je me répète pas mal) que Chutes et Le dernier des Mulvaney sont ses chefs d’oeuvre! Ceci n’engage que moi! Je me demande quels sont les préférés des autres lecteurs?

    • Merci Claudia ! Ceux que tu cites m’attirent mais aussi Mon coeur mis à nu que LiliGalipette m’a conseillé, sauf qu’il fait 900 pages, donc je vais réfléchir avant de me lancer…Pour les préféré des autres, eh bien demandons à George de nous faire un sondage avec les préférences des lectrices ! 🙂

  10. très beau billet ! Si tu veux continuer, « les chutes » est très beau, dans un genre complètement différent. je l’ai mais il doit aussi etre dans les BM…dis-moi si tu le veux…biz

    • Merci mais non pas pour l’instant car en plus je crois que c’est un pavé non ? Donc je lis déjà mes lectures obligées et celles que j’aimerais lire depuis Noël (même avant), et après j’en relirais volontiers un autre mais pas de pavé ! Fini jusqu’à l’an prochain au moins…

    • J’ai tardé à m’y mettre et franchement je ne regrette pas (Merci à la Korrigane pas échevelée^^), son style est simple mais percutant, juste et sensible ! Si je n’avais pas toutes mes lectures « obligées », j’aurais certainement enchaîné sur un deuxième. Ca attendra ! (Je n’ai pas ta vitesse) (et mon turbo perso est poussif en ce moment, c’est rien de le dire…)^^

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