Au-delà de la métaphore qu’est le titre et qui n’est pas un slogan affiché pour une compagnie aérienne, ce roman aurait eu du mal à paraître aujourd’hui, à l’heure où le Viagra a révolutionné la sexualité masculine (et aurait peut-être changé la donne pour notre héros malheureux), ce livre est beaucoup plus qu’un énième essai sur l’impuissance, puisque dès le début, le héros est amené, pour ses affaires florissantes à s’intéresser à Venise qui s’enfonce elle aussi vers un déclin annoncé. La réflexion sur certaines échéances au-delà desquelles notre ticket n’est plus valable est bien plus profonde que le thème récurrent de l’impuissance masculine.
Jacques Rainier, 59 ans est au faîte de sa puissance sociale et amoureuse lorsqu’un incident de prostate lui met Popaul en berne et l’oblige à se pencher sans cesse vers cet instrument du plaisir qui devient un instrument de torture. Sa jeune maîtresse brésilienne, Laura, trente sept ans de moins que lui au compteur, qui l’aime comme on aime un homme et non un père n’y voit que du feu au départ mais tout le livre est axé sur cette débandade qui va sonner le glas d’une époque, d’un statut et d’un ego.
Je ne vous ferai pas comme d’habitude « L’HISTOIRE », puis « MON AVIS », les deux s’étant trop imbriqués au fil de ma lecture pour que je puisse les dissocier. Je n’ai pas trop aimé ce livre au départ, je n’arrivais pas à rentrer dedans, ces histoires d’hommes d’affaires, Jacques Rainier, Mister Dooley, magnat américain que Jacques considère comme l’incarnation absolue des valeurs américaines avec ce qu’elles ont de positif dans une réussite (très bof), puis la prostate qui annonce la couleur, bref… Et la magie Gary a opéré, dès qu’il a commencé à parler de sa relation avec Laura et surtout à parler tout seul en permanence avec une férocité douloureuse dans l’humour et l’auto-dérision qu’il s’inflige. Il y a le Jacques Rainier qui vit, qui aime, qui peut ou pas, et celui qui regarde Jacques Rainier de l’intérieur, lui attribuant ici, de la lâcheté, là, de l’orgueil mal placé, ou encore des petites faiblesses humaines qui ne l’exonèrent en aucun cas d’être ce qu’il est, il est impitoyable avec lui-même : « Peut-être manquais-je de fraternité envers les femmes et que, sans fraternité, l’amour et le bonheur ne sont eux aussi qu’un championnat du monde. Il y a la virilité et il y a l’infection virile, avec ses millénaires de possession, de vanité et de peur de perdre. » Alors, il anticipe ce moment où il va chuter, il se trouve un alter ego, un phantasme, Ruiz, qui l’aide « techniquement » à faire remonter la bête lors de ses ébats avec Laura. Il voudrait se persuader qu’il y arrivera encore mais jusqu’où va-t-il tenir ? Il goûte les moments glorieux auprès d’elle comme des rab’ de grâce qui lui sont accordés et nous, nous chavirons avec lui : » Reste ainsi. Ne bouge pas. Donne-moi ton souffle. De petites éternités égrènent leur infini sous mon poignet et pour une fois, elles ne parlent pas du temps qui passe, mais de celui qui s’est arrêté au bonheur. (…) : si je fais un mouvement qui te prive de gîte , tu murmures, et en quelques baisers, remets le monde en place. Laura…Je sens des larmes dans mes yeux mais c’est seulement parce que je pense à mon vieux chien Rex qui a remué la queue à ma vue avant de mourir. » (Il ne peut pas s’en empêcher de « pirouetter » !)
En parallèle de cet amour qu’il ne veut pas perdre mais qu’il se sent dans l’obligation de quitter, comme une ultime élégance, il va jusqu’à envisager le suicide mais il est encore « trop coté en bourse » et l’assurance décès qu’il laisserait à son fils ne marcherait pas. Il en devient corrosif d’humour, refait la guerre, ses campagnes militaires et ressort ses décorations pour se donner du courage et tourne tout, absolument tout en humour noir. Mais aussi, quand il parle mécanique, c’est du cru, du vert, il y met les doigts : » Il n’y a rien de plus mauvais pour la prostate et les conduits séminaux que l’érection prolongée sans éjaculation et sans vidange des glandes. La congestion des vaisseaux est terrible. » Et je vous saute d’autres passages encore plus fournis en détails de ce genre ! A vous de les découvrir et de garder ce demi-sourire parfois noué de larmes qui ne nous quitte pas. Car on sait bien « que la Tour de Pise ne se redressera pas » et que Venise, continuera de s’enfoncer…
Certes, les références à l’actualité ont vieilli, les moeurs ont évolué, ce roman m’a semblé très warholien dans la forme comme dans le fond à certains moments, des négatifs de photos trop colorés, kitchissimes ou simplement sublimes ! Regardez comment à fini ce livre en annotations et pourtant il ne m’a pas plu au départ ! Heureusement… au-delà… « J’étais au-delà de tout et plus rien ne pouvait m’arriver. L’univers était né d’une goutte d’ironie dont l’humanité n’est qu’un des sourires. » Et ce long cri, solitaire et douloureux du coureur de fond épuisé d’avoir lutté nous poursuit dans la nuit.
Lecture commune avec , Catie , Mazel , Rotko du Forum Grain de Sel, Sév des Chroniques Assidûes, Jul du Parfum des livres. Et certainement d’autres du Forum de Grain de Sel, forum où je n’ai pas eu le temps de retourner, sorry !!
Et bien sûr pour le Challenge de Delphine chez Delphine’s books and more
par le theme ce livre m’interesse mais je peux te dire que si le viagra ne marche pas avec ce genre de probleme…pas grand chose ne marche d’ailleurs….et il avait bien de la chance si « Il n’y a rien de plus mauvais pour la prostate et les conduits séminaux que l’érection prolongée sans éjaculation et sans vidange des glandes. La congestion des vaisseaux est terrible. « ……je n’en dirai pas plus..mais c’est un livre que je ne lirai sans doute pas ou alors bien plus tard..
bisous ma belle
Aaah, tu es revenue !!^^ Oui je sais que quand la prostate est touchée il n’y a pas grand-chose à faire, mais il n’en est pas encore là dans ce livre (du moins au début) et c’est aussi sur l’impuissance face à d’autres facteurs, mais à lire si on en a vraiment envie bien sûr !! 😉
Mon seul essai avec R.Gary « fut la vie devant soi » (Emile Ajar) que j’ai eu du mal lire, Il faudrait sans doute que j’essaie autre chose ! 8)
Mais je ne sais pas pourquoi celui-ci ne me semble pas une bonne idée ! :3 >3
Ah ! Ca ! C’est un livre très « masculin » et finalement il finit sur une note d’espoir… Mais si tu veux vraiment tomber sous le charme, je te conseille vivement Clair de Femme ! Je l’ai chroniqué le 5 juin et ce fut un vrai coup de coeur ! Celui-ci est très bien aussi mais…différent ! 😉
Pour l’instant ce genre d’histoire ne me tente pas mais plus tard peut-être 🙂
Chic je peux de nouveau m’abonner aux commentaires 😀
Ah ah Tant mieux, là je suis sous IE, peut-être quand je suis sous Firefox ? Ou WP qui ne répond pas toujours non plus ? Mystère…
Oui ce livre un ami voulait me le faire lire quand j’avais 20 ans, c’était sa « bible » mais je n’ai jamais voulu !! Et je crois que je l’ai mieux apprécié maintenant, cela dit, ça n’empêche pas des passages sublimes et d’un humour corrosif ! Pour toi en ce moment, je te conseille Clair de Femme…quand tu voudras et tu le sentiras surtout, rien ne presse !!^^
Bonjour!
Comme toujours un très jolie billet. On aimerait avoir plus souvent des lectures aussi agréables!
J’ai commencé un autre livre de Gary « Le grand vestiaire »!!
A bientot
Bises
Merci Martial et pourtant j’ai eu du mal à faire ce billet, je ne savais pas par quel bout le prendre (euh…sans jeu de mots…^^), Moi j’attaquerais bien Pseudo ou Lady L ou Chien Blanc mais j’ai Vasilsca et Un été sans les hommes en LV qui attendent donc je les lis d’abord ! Le grand Vestiaire a été écrit en 45 (si ma mémoire est bonne) et le sujet m’a l’air plus ardu ou…masculin, je ne sais pas ! J’attendrai ton billet et celui de Delphine pour me faire mon idée !! Le blog WP avance ? J’ai été un peu absente à cause des orages mais ça a l’air de se calmer !
P.S : j’envoie Homo Erectus demain ! (avec une carte enooorme pour toi !) Il est nickel, la pomme-bougie n’a pas coulé dessus !! Biiises et bonne journée !
Je me suis justement demandé si « Au-dela de cette limite… » n’était pas plus adressé aux hommes!!
J’ai hate de voir cette carte!! je vais avoir des traces de bougie sur mon livre!!!! 🙂
Bonne lecture!!
Il faut définitivement que je lise du Romain Gary ^^ Ralala Asphodèle, je ne m’en sors pas avec tout ce que tu nous conseilles de lire ^^ Bisous
Hé hé Yuko, je peux te rendre la pareille dis donc !! Et celui-ci peut attendre mais lis de toute urgence Clair de Femme de Gary, promis, tu ne le regretteras pas et ça se lit très vite ! Actuellement je le fais voyager, il est chez Aymeline mais si ça t’intéresse, tu me le dis, ce sera avec plaisir !! Biises !^^
Je reviens sur les blogs et … tombe sur ton très beau billet, quel plaisir ! Je réalise là combien tout ça m’a manqué, un départ à la retraite quelque peu anticipé m’a monopolisée …
Le roman est sur ma table, à marseille et attendra mon retour à la mi-août. J’ai eu le même sentiment que toi quand j’ai lu « Éducation européenne » : même quand on n’est pas emballée par un roman de gary, on finit toujours par adhérer et lui trouver plein de qualités ! Trop humain, trop profond, trop sensible !
Tout de suite après, ce sera « Clair de femme », merci du conseil ;o)
Oui… ça fait plaisir de revoir les anciennes combattantes !! Je suis passée chez toi hier soir et j’ai vu que vous viviez toujours !! Que des billets paraissaient quand même ! Je dois dire que j’ai eu du mal au début et ça a très vite disparu ! Clair de femme est superbe ! le prochain j’hésite encore entre Pseudo, Lady L. ou Chien blanc ! Mais pas tout de suite hélas, j’ai des LV qui m’intéressent aussi à lire avant !! 😉 A bientôt
Juste une bise en passant.
Et bienje t’en fais une également !!^^
Ah mais il est très clair ton billet Asphodèle !! Je vois bien ce que tu entends par la « magie Gary », et j’ai hâte de la découvrir dans « Clair de femme » 🙂
Merci Sèv ! Emportée par la « magie » j’ai eu peur d’être confuse… Et je t’envie d’avoir Clair de femme à découvrir !! Mon gros coup de coeur de l’année !
Beau billet qui donne envie de découvrir ce roman. Personnellement, j’aime beaucoup Gary, je viens de lire et d’apprécier Les cerfs-volants, mais j’ai aussi un grand souvenir des Racines du ciel et de La vie devant soi. Clair de femme me tente bien aussi !
Bonjour et bienvenue ! C’est le moment ou jamais, mais je pense que Gary se lit toute la vie ! Clair de femme est magnifique et il y a aussi Chien Blanc, Lady L, Gengis Khon et tant d’autres à découvrir !!^^
Effectivement, après lecture je constate qu’on a eu le même ressenti sur le début ^^ J’aime beaucoup les remarques que tu formules au dernier paragraphes ! Bisous !
Je dois dire que ce livre m’a vraiment replongé dans la fin des années 70 (j’étais jeune mais quand même je m’en souviens bien) avec les codes de l’époque concernant les hommes et Leur virilité. 😉
Je savais qu’il s’était suicidé pour cette raison mais je ne connaissais pas ce livre! J’en suis restée à Les Racines du ciel et à La vie devant soi que j’avais adorés. Pourtant si je dois relire du Gary, ce ne sera pas celui-là (un sujet trop triste) peut-être Clair de femme que je ne connais pas non plus.
Tu en sais plus que moi sur lui ! Je connais (un peu) sa vie à travers ses romans jusqu’à la période Jean Seberg mais je ne savais pas qu’il s’était suicidé pour ça ! D’ailleurs la façon dont il en parle dans ce livre était très froide et …déterminée, ça m’a mis la puce à l’oreille ! Il faut que je lise une bio détaillée ! Bon dimanche.
hum, je ne suis sûre que ce thème va m’intéresser… A l’occasion, je le prendrai tout de même chez le bouquiniste, mais je ne suis pas sûre d’accrocher…
Hum ! Je t’avoue que le début fut laborieux et si ce n’avait été une LC, j’aurais abandonné, surtout après Clair de femme, mais au final je n’ai pas regretté, allant même jusqu’à trouver de passages proches de Clair de femme… A toi de voir…
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Ce livre est spécial pour moi, c’est comme ça que j’ai découvert Gary, par hasard, un livre abandonné dans un appart de location. Ça a été un coup de foudre pour cette écriture, cet humour et cette façon magnifique de parler d’amour.
Le thème est « casse-gueule » mais il s’en sort bien. En plus, il est intéressant de voir qu’il écrit sur la virilité (au sens propre avec les problèmes d’érection du personnage) et au sens figuré (via le pouvoir économique des différents intervenants) en plein dans les années MLF. La place de l’homme est remise en cause à cette époque.
Je crois également qu’il faut lire ce livre en gardant à l’esprit qu’il a été écrit à la même époque que Gros Câlin et La Vie devant soi. D’un côté Gary décrit un homme vieillissant et tout le monde pensera que Jacques Rainier, c’est lui, et d’un autre côté il crée Ajar, la vitalité et personne ne pensera que ces deux écrivains sont une seule et même personne. Il fallait brouiller les pistes.
Bonjour et merci Emma pour ce beau plaidoyer tout à fait juste. Ce n’était que ma troisième lecture de Gary après La promesse de l’aube et Clair de Femme, et le style m’a décontenancée une fois de plus. Il faudrait que je relise la vie devant soi, lu il y a vingt ans. Mais cet auteur fait désormais partie de mes favoris, j’ai bien l’intention d’en découvrir plus sur lui !
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bjr les amis , j ai vécu la même histoire, mon ami a 57ans et moi 35ans, d abord c est lui qui m a demander de lire ce bouquin, sa fait 8 ans qu on est ensemble mais dernièrement je me suis rendez compte qu il sortais avec plusieurs nana en cherchant de changement ou le plaisir, il m a dis qu il n a plus de désire. je ne sais pas quoi faire , je déprime, c juste pour partager avec vous mes souffrances.
je suis espagnole, veuillez pardonner mes fautes d orthographe.
Kenza, je ne sais pas quoi te dire, ceci est un livre mais je ne suis pas conseillère conjugale ! 😉 Je te souhaite de t’en sortir… le mieux serait de le quitter, ce n’est que mon avis !
Je ne l’ai pas lu.Mais je ne te savais pas consultante sexologue. 😀 + Bises
Hu hu ! Non, quand même, je ne pense pas être ce que tu dis, juste ce que la vie m’a appris de la chose, restons courtois ! Le livre est vraiment axé sur le problème… Je ne le conseille pas à mes amis hommes, il est un peu déprimant ! 😆