L’ARMOIRE DES ROBES OUBLIÉES de Riikka Pulkkinen


livre armoire 046L’action se passe en Finlande, à Helsinki dans un milieu cossu. Trois générations de femmes se côtoient sans que nous ayons l’impression que le monde a évolué entre 1964 et maintenant. Je ne sais si c’est dû au style qui, bien que poétique et maîtrisé, crée une distance ; nous avons du mal à nous attacher aux personnages jusqu’à une bonne moitié des 423 pages.

Elsa, la doyenne, qui fut une psychologue réputée et une conférencière souvent en voyage se meurt. Elle entre en phase terminale d’un cancer et veut profiter de ses derniers instants chez elle, entourée de sa fille Ella, médecin et de sa petite-fille Anna, encore étudiante.

Dans l’armoire d’Elsa, Anna trouve une robe ayant appartenu à Eeva. Eeva …le sujet qui fâche mais dont il faut parler avant qu’Elsa ne meure et ne puisse plus donner sa version des faits. Eeva qui en alternance de chapitres, raconte sa vie de baby-sitter d’Ella de 1964 à 1968 quand elle était seule avec « l’homme » et « la petite ». Car il y a un homme, Martti, le mari d’Elsa, le père aimant d’Ella, le grand-père malicieux d’Anna, peintre célèbre des années 60, amoureux de sa femme, certes…mais qui n’a pas su choisir entre deux femmes à une époque. Les blessures sont loin d’être refermées, surtout pour Ella, la « petite » devenue grande et trouvent chez Anna un écho à une histoire d’amour passée. Elsa est définie comme cela : « Elle est la plupart du temps, résolue, adulte et impénétrable. Elle pense qu’une femme doit cacher certaines parts d’elle-même pour rester crédible. » (p. 94).

Nous entrons doucement dans la vie de cette famille, froide, qui ne dit pas ses sentiments facilement, chacun reste enfermé dans des certitudes parfois faussées. Seule Eeva, l’absente qui revient raconter la vie de ces années-là, sous forme de journal  m’a touchée un peu plus que les autres. Elsa reste peu loquace et centrée sur ses jours qui finissent (un peu normal), Ella fuit, court, n’est pas prête à réentendre l’histoire alors qu’Anna la petite-fille s’en délecte. Il y a aussi  les paysages finlandais, la maison de vacances au bord du lac, les nombreux saunas et leurs rituels, les tartes aux fraises et aux myrtilles, un enchantement !

Eeva peut nous sembler bien légère aujourd’hui mais n’oublions pas le contexte « peace and love » de l’époque où l’amour justifiait tout : « Les mains dans les poches et la cigarette aux lèvres. Il m’est familier. Je suis allée au centre du monde et je n’ai su oublier ce que ça fait d’aimer. » (p.305). Une époque si éprise d’absolu qu’ il était possible de mourir d’aimer. Tout en militant pour la libération des femmes… Cette époque, avec des incursions à Paris est bien restituée, alors que l’époque actuelle,( hormis la présence des  portables), est moins fouillée.

Malgré la distance cultivée par les personnages, (ce qui en soi évite le pathos),  j’ai trouvé ce roman délicieusement vintage, j’en suis ressortie émue. Avant la résilience, il y a la transmission et surtout le pardon qu’accordent plus volontiers les mourants que ceux qui restent et doivent continuer à vivre avec ce qu’on a bien voulu leur dire … Une lecture qui ne laisse pas indifférent !

Merci au Livre de Poche pour ce partenariat. logo ldp

Les billets de GWEN (coup de coeur pour elle), Yv (qui a aimé les mini-jupes sixties), Clara et enfin  Aifelle qui a moyennement apprécié.

Une participation au Challenge d’Anne, « VOISINS-VOISINES » CHALLENGE AMOUREUX  de l’Irrégulière dans la catégorie « Amours impossibles » et une chez Lystig pour le Défi SCANDINAVIE BLANCHE. 

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81 réflexions au sujet de « L’ARMOIRE DES ROBES OUBLIÉES de Riikka Pulkkinen »

  1. Beaucoup d’avis en ce moment sur ce livre, souvent positifs. Malgré une petite bouffée de nostalgie qui ne peut pas faire de mal, je crois que ce roman ne me plairait pas, un peu trop féminin à mon goût…

  2. Hello Aspho.Le Nord,les trois femmes,ou quatre,l’agonie,les blessures du passé,tout ça m’a immédiatement évoqué le beau mais rude univers de Bergman et notamment « Cris et chuchotements ». A tort,d’après toi? En tout cas cela m’intéresse.

    • Eeguab, maintenant que tu le dis, mais oui bien sûr !!! L’époque n’est pas la même et je n’ai pas revu Cris et Chuchotements depuis…30 ans mais il y a de ça ! Tu veux que je te l’envoie, Zoé aussi est intéressée, je peux le faire voyager ? Tu me dis !

  3. Je suis très tentée par ce roman depuis sa sortie en poche et, étrangement, si j’ai l’impression qu’il remporte un certain succès, je n’avais pas eu l’occasion de lire un avis clair et détaillé à son propos. Maintenant que j’en sais davantage, mon envie de découvrir cette histoire de femmes est toujours là ! Un roman d’automne, un achat à venir !
    J’espère que tu te portes bien, comme une petite fleur sous le soleil d’été.
    Bonne journée 🙂

    • Emma, quel gentil commentaire !!! 🙂 Tu sais les fleurs se fanent vite sous cette canicule !!! 😆 Je suis échouée !!! Aifelle a moins accroché et je comprends car le style m’a laissé un peu au-dehors une bonne moitié du livre mais après, le rythme est plus fluide, on ne le lâche plus et la plume est poétique ! L’action se passe au printemps en Finlande et certaines scènes sont magnifiques…
      Si tu le lis, tu me diras ce que tu en as pensé ! 🙂

    • Keisha, une petite réserve au démarrage et pour la distance créée par l’auteure (et ses personnages) mais au final ça ressemble plus à de la pudeur, au milieu social aussi, au final j’ai aimé ! 4 non fiction ? Ha oui, là c’est grave !!! 😆

  4. Cela fait un petit moment que je me dis que je vais le lire, je crois que je vais me laisser tenter. J’ai terminé les débutantes, Un billet au retour des vacances !

  5. Le titre est très bien choisi et ta photo aux tons dorés est à l’avenant. Pour le reste, je n’ai pas envie de ce style de livre et puis vu le peu d’extraits que tu as choisis et leur banalité…bon bof bof.
    Bisous ma chère Asphodèle…

    • MTG, je ne te vois pas non plus dans ce style, tu es trop marabouté par les Brontë pour l’instant mais un jour ce livre te plaira, plus tard…
      Bises mon cher Mindounet !!! 😀

      • Je me fie à ton ressenti , un jour peut être alors…je crois que j’ai vaguement rêve des soeurs Brontë cette nuit enfin juste avant de me réveiller ce matin, et pourtant, il y a deux mois que j’ai fini le dernier ouvrage sur elles…bizarre…bon j’ai encore à trouver et lire une biographie d’Anne Brontë et aller les voir dans leur pays, après je pourrais lire leurs ouvrages secondaires enfin pas pour Emily puisqu’il n’y qu’un seul roman et que je ne comprends pas la poésie en anglais (et même en français d’ailleurs je ne ressens rien en lisant des poèmes en général…)

        • Mind, tu vois quand je dis que t’es marabouté, je ne suis pas loin !!! 😆 La poésie anglaise, traduite ou en VO ne me touche pas toujours non plus et pourtant j’aime la poésie ! 😉

  6. Je l’ai noté depuis sa sortie mais maintenant qu’il est disponible au livre de poche, je pense l’acheter, j’ai d’ailleurs failli le prendre vendredi dernier mais je ne savais pas s’il allait me plaire, après ton billet je pense que oui

    • Bianca, ce livre nous fait passer par plusieurs couleurs, je pense que chacun le ressent avec son vécu (comme beaucoup de livres) mais il ne laisse pas de marbre !!! J’espère qu’il te plaira ! Je vais le faire voyager, si ça t’intéresse, tu m’envoies un mail avec ton adresse !!! 🙂

  7. Merci pour le livre voyageur.Je suis preneur mais j’ai le temps.Qu’il passe chez Zoé avant,pas de problème.C’est bien,un livre qui change de mains.A +

  8. Je l’avais vu chez Aifelle qui en avait fait une belle chronique aussi. Je pense que je me laisserai tenter à l’occasion (même si pour être honnête, j’ai l’impression d’avoir déjà lu ce type d’histoire, mais on est bien d’accord, c’est ce qu’on fait de l’histoire qui donne un bon (ou mauvais) roman). Je le note donc…

    • Galéa, je crois que moins on lit d’avis avant de lire ce livre mieux c’est !!! Heureusement, j’avais oublié les billets de l’an dernier ou de début d’année, je ne suis allée les relire qu’après avoir tapé mon billet ! C’eest un bon roman, on ne peut pas lui enlever ça !

  9. Je l’avais lu il y a longtemps en grand format, attirée par la couverture. J’avais aimé cette distance nordique justement, cette espèce de pudeur et ces générations de femmes qui peinent parfois à se comprendre. J’en garde un joli souvenir !

  10. C’est amusant, la « distance » nordique ne m’avait pas du tout gênée. Au contraire, j’avais trouvé les relations entre les membres de cette famille simples, même si un peu retenues. Tout dépend de quelle sorte de famille on vient, je pense… 😉
    Comme personne n’en avait encore parlé, j’ai pu lire ce roman d’un œil totalement dénué d’a priori. Ça compte!

    • Gwen, oui ça compte de ne pas lire un livre sous l’effervescence de plusieurs billets, j’avoue que je ne gardais qu’un souvenir plutôt positif, ça ne m’a pas influencée ! 😉 Je ne les trouve pas si simples moi les personnages, chacun reste sur ses positions, ils ont du mal à communiquer, et encore parce que la grand-mère se meurt…

  11. C’est en tout cas un roman qui fait parler. Tu as été touchée par Eeva, comme Antigone, moi c’est celle qui m’a le moins touchée. Elle a un côté très solaire et sympathique, mais je ne crois pas avoir bien digéré le fait qu’elle trahit Elsa pendant des mois, sans se gêner. Quant à l’homme … il apparaît sympathique aussi, mais je n’ai pas pu faire abstraction de sa lâcheté. Bref, je suis toujours un peu ambivalente quand je pense à cette lecture, parce que le côté vie en Finlande m’a bien plu. J’ai autant de mal que toi à supporter la chaleur, même si je suis contente de me sentir en été. 25° me convient parfaitement. Là, on doit avoir 30 et il fait lourd.

    • Aifelle, oui j’ai conscience de ce côté incorrect des choses mais il faut se replacer dans le contexte « très libre » de l’époque, où l’amour justifiait tout. Finalement elle n’était pas amie avec Elsa (ou si peu). Ce que je déplore un peu c’est de ne pas avoir plus en détail le point de vue d’Ella qui reste dans la fuite et la résonnance avec l’histoire passée d’Anna est un peu étrange mais bon, au final, je me suis régalée, sans temps morts après la première moitié et c’est tout ce que je demande à un livre en ce moment !!! 🙂 Nous avons 30 nous aussi depuis midi et je suffoque ! Enfin là, je suis sous le ventilo…je vais lire sans bouger un cil !!! 😆

  12. Bonjour Asphodèle,
    Encore un livre qui dort dans ma PAL. On me l’a prêté et je n’ai pas encore eu le temps de le lire. Je vais y penser avant la fin de l’été. Enfin, j’espère…

    • Aymeline, j’avoue que le titre a beaucoup joué dans mon choix et pourtant ces robes oubliées ne sont pas synonymes de bons souvenirs dans le cas présent !!! 😉 Mais je le fais voyager, il va chez Eeguab, puis chez Zoé (dès qu »elle aura confirmé), donc il peut aller jusqu’à chez toi !! Tu me dis ? Bises♥

  13. Je ne lirai pas le livre (nan, j’en ai bien trop !) mais j’adore la photo de ta mise en page ! Par contre, entre les Elsa, les Ella et Eeva, faut pas mélanger les prénoms !

    • Belette, la photo est faite dans le tiroir d’une commode avec des …robes oubliées de ma maman, on ne pouvait trouver mieux ! On se fait vite aux prénoms, ce n’est pas le plus dur !!! 😆

  14. Je l’avais repéré à sa sortie tu penses bien que quand je l’ai vu en poche je l’ai acheté, après pour ce qui est de sa lecture, je crains qu’il ne subisse le même sort que mes autres livres, il va falloir qu’il s’arme de patience 😉 !

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